Brochure qui aurait dû paraître comme n°19 des Cahiers Spartacus en juin 1939 mais la Gestapo détruisit les matricules. Après guerre, Wilebaldo Solano remit copie d'un jeu d'épreuves (déposé à la Bibliothèque nationale de Paris) à René Lefeuvre qui l'édita dans la compilation Espagne: les fossoyeurs de la révolution sociale (Spartacus, série B, n°65, décembre 1975). |
L'assassinat d'A. Nin : ses causes, ses auteurs
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Un libellé immonde : « Espionnage en Espagne »
Peu de temps avant le procès contre le C.E. du P.O.U.M., le jeu politique mené par le stalinisme était déjà évident pour tout le monde. La campagne de calomnies menée contre Nin pour justifier son assassinat était en pleine décadence. On courait le risque de voir absous les inculpés et de voir le cas de Nin officiellement posé. Il fallait de nouveau alimenter le bûcher. C’est l’Ambassade soviétique à Barcelone qui s’en chargea. Le Directeur général de la police avait nommé Victorio Sala, personnage qui n’était connu des milieux ouvriers de Barcelone que par ses multiples escroqueries, commissaire de police spécial près l’Ambassade soviétique. Cet homme avait appartenu en d’autres temps au Bloc Ouvrier et Paysan, dont il s’était séparé pour passer au stalinisme. C’était un individu servile, un aventurier, et qui se prêtait facilement aux plus viles besognes. C’est lui qu’utilisa l’Ambassade soviétique pour attiser la campagne d’injures et de calomnies contre Andrès Nin et contre le P.O.U.M.
Victorio Sala fut chargé de monter l’affaire connue sous le nom de « procès Roca-Dalmau ». Un beau jour, un agent de Sala se présenta au domicile d’un fasciste connu de Gérone. Se disant phalangiste, il demanda qu’on lui fît la grâce de lui garder une valise pendant quelques heures. Le fasciste de Gérone accéda à sa demande. Deux heures plus tard, les agents de Sala se présentèrent, cette fois-ci officiellement ; ils prirent possession de la valise et ils découvrirent des documents extrêmement intéressants, des documents graves, très graves : plans de ponts, modèles de mortiers, instructions pour les bombardements d’objectifs militaires, etc., etc… Tous ces documents portaient le sceau du Comité militaire du P.O.U.M. Mais on découvrit quelque chose de plus radical encore : un rapport dans lequel des membres de notre parti faisaient part de leur projet d’assassiner Prieto, Lister, Modesto, Walter et quelques autres.
Naturellement, le fasciste Roca fut arrêté. Grâce à un « habile interrogatoire », un des ces interrogatoires dont la Guépéou possède l’exclusive spécialité, ce Roca déclara que tous les documents étaient authentiques. Peu lui importait de manquer à la vérité ; après tout, nous étions aussi ses ennemis et il nous haïssait. Cependant, au procès, il expliqua les mauvais traitements dont il avait été l’objet pour l’obliger à faire cette déclaration ; il affirma n’avoir jamais eu de relations avec le P.O.U.M. et déclara ne pas connaître un seul de ses militants ; il accusa ouvertement le Commissaire Victorio Sala de l’avoir odieusement martyrisé pour obtenir qu’il signât une déclaration contre le P.O.U.M.
En même temps, d’autres agents de Victorio Sala dérobèrent quelques documents qui figuraient dans le dossier du procès contre le C.E. du P.O.U.M. Des uns et des autres on fit des copies photographiques. Sala se chargea également d’écrire un petit feuilleton policier pour illustrer la reproduction des photos. Il livra le tout aux Conseillers de l’Ambassade. Ceux-ci mirent au point les originaux, ajoutèrent de nouvelles infamies et mirent en ordre les illustrations. Ce travail collectif devait cependant porter un nom d’auteur. On inventa celui de Max Rieger. Ainsi fut fabriqué le libelle immonde intitulé : « Espionnage en Espagne », qui fut publié dans toutes les langues et qui était destiné à porter à leur comble les calomnies contre Andrès Nin et son parti. Ainsi s’expliquent aussi les tournures étrangères qui abondent dans la version espagnole.
On avait besoin d’un préfacier qui donnât quelque prestige au libelle. On eut recours à José Bergamin, jésuite repenti. En échange de quoi, il put faire de luxueux voyages à l’étranger, tandis que les militants du P.O.U.M. mouraient dans les tranchées. Mais sur sa conscience pèsera éternellement l’immense indignité d’avoir fait un monstrueux prologue pour un libelle immonde.
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