"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
La voie froide coupée, révolution et contre-révolution à l'ordre du jour
« Nous ne traiterons que rapidement ce point. Non pas qu'il s agisse d'un problème secondaire ou inexistant. Une étude sérieuse demanderait d'abord d'élucider les rapports qui régissent « la loi de la valeur » et le plan dans une société de transition et ce à la fois du point de vue économique et politique. Mais ce problème n'a qu'un lointain rapport avec le sujet de cette brochure, à savoir : les causes de l'intervention soviétique. Brandissant le spectre de la restauration du capitalisme, les Soviétiques (les termes utilisés sont révélateurs de la confusion politique : la contre révolution bureaucratique s'appelle dans le langage pabliste « les Soviétiques ») ont trouvé là le seul prétexte qui soit à la hauteur de l'énormité de leur intervention : qui veut noyer son chien l'accuse de la rage... Nous ignorons même dans quelle mesure les dirigeants du Kremlin comprennent le danger réel de l'impérialisme quand on voit leur attitude parfaitement irresponsable au Vietnam où, face à une menace américaine qui n'est pas seulement idéologique, ils se refusent à donner un soutien politique et matériel efficace.
Ceci étant, un danger de restauration du capitalisme existait en août 1968. Mais il est inadmissible d'ignorer que ce danger existait également sous Novotny, qu'il existe maintenant, après l'intervention, au même titre qu'il existe en Pologne, en Bulgarie, en D.D.R., en Hongrie et en U.R.S.S. aussi. Tant que le capitalisme subsistera dans le monde avec un potentiel productif bien supérieur à celui des États ouvriers, ce danger est bien réel : ce n'est quand même pas nous qui croyons au socialisme dans un seul pays. Mais la seule garantie, à terme, pour empêcher toute dégénérescence ne peut se trouver qu'avec la mobilisation des masses. Il n'y a là aucun miracle. Ceux qui n'y voient que niaiseries pour petits bourgeois rêveurs doivent pousser à bout la logique de leur raisonnement et nous expliquer que lorsque, pour des raisons historiques (qu'ils se refusent à analyser), la politisation et l'auto activité du prolétariat font défaut, la police et l'armée peuvent s'y substituer. Ce qui revient, somme toute, à faire l'apologie du stalinisme. Et il est actuellement inutile de combattre théoriquement ce qui, dans les faits, s'écroule ». (L'intervention en Tchécoslovaquie. Pourquoi ? page 38).
Il est difficile de faire mieux dans le genre. Si Janus Mandel Germain n'a pas écrit lui même cette brochure, il doit être jaloux : l'élève surclasse le « maître ». Essayons de démêler.
Il y a de méchants fantômes impersonnels qui, bien sûr, constituent un « danger de restauration capitaliste » en tout temps, en tout lieu, et en toute circonstance : de quelles forces sociales s'agit il ? Mystère. Ce n'est pas la peine d'en parler. La bureaucratie du Kremlin est « irresponsable » (pardon, « les dirigeants du Kremlin », les « Soviétiques » comme il est dit par ailleurs) : elle « ne comprend pas le danger réel de l'impérialisme », exemple le Vietnam.
Il suffit de reformuler sous une forme positive ce qu'écrivent l'auteur ou les auteurs de cette brochure, et leur véritable pensée devient parfaitement claire : « si les dirigeants du Kremlin comprenaient le danger réel de l'impérialisme, ils auraient une attitude responsable au Vietnam (et ailleurs); ils donneraient aux ouvriers et paysans vietnamiens « un soutien politique et matériel efficace ». Comme, d'autre part, la « seule garantie... pour empêcher toute dégénérescence ne peut se trouver qu'avec la mobilisation des masses... », mais hélas... « à terme », il reste que, de même qu'au Vietnam, la force décisive qui peut vaincre l'impérialisme est la bureaucratie du Kremlin devenue « responsable », le rempart contre la restauration capitaliste en Europe de l'Est et en U.R.S.S. est cette même bureaucratie du Kremlin. Le raisonnement est identique à celui de Germain qui « défendait » la révolution hongroise en ces termes :
« La véritable erreur (de Imre Nagy) est ailleurs. Voyant l'apparition de forces réactionnaires, il aurait pu s'appuyer avec plus de franchise et de sens de tactique sur les éléments populaires ouvriers et paysans. Au lieu de se laisser prendre à son tour dans un verbiage creux sur « l'unité nationale » et la « démocratie », il aurait dû organiser tout de suite la démocratie socialiste : convoquer par tous les moyens à Budapest un congrès national des conseils ouvriers et en faire la base légitime de son pouvoir, opposant ainsi un pouvoir démocratique et ouvrier établi aux illusions et rêves parlementaires d'aucuns. Il aurait pu préciser : élections libres avec la participation de tous les partis ?, oui, élections pour des conseils d'ouvriers et paysans pauvres, avec la participation de tous les partis qui reconnaissent la socialisation des moyens de production et d'échange. Il aurait ainsi rendu l'intervention soviétique plus difficile et le jeu de la réaction plus compliqué...
... Et puis, si jamais cette épreuve tournait mal, une intervention de l'armée soviétique qui entourait de toutes parts le pays restait toujours possible. Mais quelle différence entre une intervention russe demandée par les ouvriers hongrois en lutte contre la réaction et une intervention contre l'ensemble du peuple qui résiste farouchement » (Quatrième Internationale: volume 14 n° 10/12 décembre 1956 page 28).
Ces lignes reviennent, somme toute, à faire l'apologie du stalinisme, un stalinisme remis à neuf, régénéré par l'intervention des masses, débarrassé de ses crimes, mais qui reste indispensable, car nos pablistes, lorsqu'ils poussent à bout la logique de leur raisonnement, finissent là où les petits bourgeois aboutissent ; le danger de restauration capitaliste est libéré par le mouvement des masses.
Fort heureusement, se dresse un rempart contre l'impérialisme, contre la restauration capitaliste, la bureaucratie du Kremlin pour peu qu'elle devienne « consciente et responsable ». Le mouvement des masses est l'aiguillon d'une bureaucratie qui, si « cette épreuve tourne mal peut toujours intervenir à la demande des ouvriers en lutte contre la réaction ».