1948

Manifeste du II° congrès de la IV° Internationale aux exploités du monde entier
Source : brochure IV° Internationale, 1948.

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Contre Wall Street et le Kremlin.

IV° Internationale

Pour le programme du « manifeste communiste ». Pour la révolution socialiste mondiale.


La totalitarisation du capitalisme

Durant plus d'un siècle, le capitalisme a exprimé la négation la plus brutale de tout lien direct entre les hommes. Sa domination s'est propulsée à travers le seul mécanisme des lois de sa production. L'Etat a été d'autant plus cher aux capitalistes qu'il gênait moins le libre fonctionnement de ces lois. Toutes les servitudes et toutes les libertés se trouvaient à la fois supprimées et réalisées dans la seule liberté du commerce, la pire des servitudes humaines.

Mais le même mécanisme des lois de la production capitaliste, qui a permis à la bourgeoisie de nier les liens entre les hommes aussi longtemps que ses marchandises jouaient un rôle révolutionnaire, l'a forcée à faire des efforts désespérés pour tenter de modifier le jeu de ces lois dès qu'elle est devenue une entrave au développement des forces productives. Né sous le signe du "laissez faire", le capital s'accroche maintenant au dirigisme le plus parasitaire. Venu au pouvoir dans un combat acharné contre l'absolutisme, il conduit aujourd'hui à l'instauration de l'Etat totalitaire.

Réduits à la marge étroite entre l'effondrement et la prospérité qui caractérise leur sort depuis quatre décades, effrayés par les menaces de bouleversement révolutionnaires constamment renouvelées, éprouvant sans cesse dans leurs bilans les répercussions des forces désagrégatrices de leur économie, les monopoleurs sont inévitablement amenés à soumettre toutes les sphères de l'activité sociale à leur rigide administration, L'Etat, dont les avocats libéraux du capitalisme célébraient, il y a un siècle, le progressif effacement, devient une machine monstrueuse qui contrôle les hommes avant leur naissance et monnaie leurs cadavres après leur mort. Au parlementarisme libéral et à la démocratie impérialiste succède l'époque de la dictature totalitaire.

Au moyen de la machine de plus en plus hypertrophiée de l'Etat bourgeois, les monopoleurs soumettent toute la vie économique à leur réglementation. Par la cartellisation forcée, la distribution étatique de matières premières, le contrôle étatique du crédit et la nationalisation de certains secteurs déficitaires de l'industrie, ils imposent à l'ensemble de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie leur propre arbitraire. Par l'incorporation des syndicats dans l'Etat, la procédure de l'arbitrage forcé, la limitation ou la suspension totale du droit de grève, la construction de syndicats jaunes, par la corruption, le mouchardage ou la terreur, ils essayent de museler le mouvement ouvrier quand ils ne réussissent pas à le briser. Par un enseignement soumis à leurs intérêts et leur très charitable alliée l'Eglise, ils essayent de prévenir chez les enfants d'ouvriers le développement d'une conscience de classe et de modeler les sentiments de ceux‑ci en fonction de leurs propres intérêts sordides. La publicité, la presse, le cinéma et la radio sont devenus des institutions gigantesques de formation d'opinion publique, c'est‑à‑dire de tromperie et de corruption selon la volonté des monopoleurs. Ceux‑ci ne se limitent plus à enrôler le médecin, le juriste, le poète et le savant parmi les travailleurs salariés, ils leur dictent encore leur propre conception de la santé publique, du droit, de la littérature et de la science, étouffant la vie culturelle sous le poids de leur conservatisme social. Le capitalisme ascendant réduisait les valeurs humaines à des valeurs d'échange ; le capitalisme décadent les écrase sous la botte grossière de ses gendarmes totalitaires.

Le caractère totalitaire du capitalisme contemporain apparut d'abord sous une forme achevée dans la dictature fasciste. Organisant les classes moyennes ruinées, paupérisées et désespérées, et utilisant tous les préjugés non digérés de l'histoire, le capitalisme monopoleur allemand construisit un Etat barbare qui mit au point le mécanisme du froid assassinat de sept millions de prisonniers dans ses camps de concentration. Mais la "guerre pour éliminer le fascisme" a elle‑même conduit, comme la IV° Internationale l'avait prédit, à l'introduction de méthodes totalitaires dans les derniers pays démocratiques. L'incapacité du Labour Party à résoudre par de misérables réformes la crise sociale en Grande‑Bretagne chasse dès aujourd'hui des milliers de petits bourgeois dans les bras des démagogues fascistes. Sous la direction des Attlee, Bevin, l'Etat anglais, si fier de son libéralisme à usage intérieur, élimine les savants suspects de sympathie communiste. La pénétration toujours plus profonde des chefs militaires dans tous les postes politiques dirigeants aux Etats‑Unis, la fusion intime des "Soixante Familles" et des "Brass Hats", dans l'appareil diplomatique, l'hystérie anti‑communiste, l'espionnite, l'offensive réactionnaire de l'Église jusque dans les syndicats, tous ces phénomènes marquent le progrès de la totalitarisation de l'Etat bourgeois aux Etats‑Unis. Dans tous les pays du monde, ce qui subsiste de la démocratie bourgeoise prend une forme de plus en plus vermoulue et pourrie qui invite généraux et aventuriers au service du Grand Capital à lui donner le coup de grâce.

La totalitarisation du capitalisme est l'expression la plus claire du fait que les contradictions sociales sont dorénavant incompatibles avec la réalisation "normale" du profit capitaliste. Loin d'être une nouvelle étape de stabilisation capitaliste, elle est la manifestation la plus violente de l'agonie de ce système. Sous sa dalle de plomb toutes les forces de décomposition du capitalisme continuent à ronger celui‑ci à un, rythme accéléré. Le régime trébuche d'une explosion sociale à une conflagration internationale. Le stade suprême de l'organisation capitaliste s'avère de plus en plus être l'organisation d'un chaos sanglant qui remet toujours à l'ordre du jour la révolution communiste.


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