1948 |
Manifeste du II° congrès de la IV° Internationale aux exploités du monde entier |
Téléchargement fichier winzip (compressé) : cliquer sur le format de contenu désiré |
|
La guerre résume tous les traits destructeurs et barbares du capitalisme à son déclin et les porte à leur paroxysme. Elle conditionne et domine aujourd'hui toutes les activités humaines. La technique, la science, la production, la politique, la littérature se mettent de plus en plus exclusivement à son service.
Du caractère mondial de la production capitaliste et de sa crise découle aujourd'hui le caractère planétaire de la guerre impérialiste. La guerre de 1914‑1918 était encore essentiellement une guerre européenne. De la deuxième guerre mondiale, qui laissa intactes les trois Amériques ainsi que de larges parties de l'Afrique et de l'Asie, Trotsky pouvait dire en 1938 que le Pôle Sud en resterait exclu comme base d'opération. Il est profondément significatif que la préparation stratégique d'une troisième guerre mondiale implique une lutte acharnée pour la domination du continent antarctique. Elle n'épargnerait aucun peuple sur aucun continent, ne laisserait intacte aucune capitale, ne tolérerait aucun îlot de civilisation. Les forces de destruction déchaînées enlèveraient en quelques années ce qu'ont construit des siècles de travail et couvriraient le globe de ruines fumantes.
L'humanité, tout entière est frappée d'épouvante devant la rapidité avec laquelle se nouent déjà les alliances militaires du prochain carnage avant même que la dernière guerre soit formellement close par un traité de paix. Cette épouvante se cristallise particulièrement autour de la bombe atomique. De même que la guerre semble se soustraire à tout contrôle humain et semble suivre sa propre logique sinistre en dehors de l'action des hommes politiques, de même les implications incalculables de la bombe atomique échappent aux plans des savants comme à ceux des diplomates, bouleversent les calculs des généraux, aussi bien que ceux des requins de la Bourse. Jamais l'homme ne s'est trouvé plus stupéfait devant son propre produit, jamais l'ouvrier n'a été plus dominé par une marchandise aussi redoutable, jamais le travail vivant n'a été plus écrasé par le travail mort. Mais en même temps qu'elle mène les contradictions du capitalisme vers un effondrement complet de la civilisation humaine, l'énergie atomique laisse entrevoir dans une société guidée par le prolétariat, la perspective de l'épanouissement d'une époque de paix et de bien‑être en des délais extrêmement courts.
A cette menace permanente qui établit le règne souverain de la peur sur tous les hommes, intellectuels et savants petits‑bourgeois cherchent un palliatif dans un "gouvernement mondial". Pour les uns il s'agit d'une simple justification théorique de la soif de puissance de Wall Street. D'autres s'efforcent sincèrement de maîtriser par une formule magique les forces destructives que le déclin du capitalisme n'a cessé de déclencher. Les uns comme les autres ne saisissent pas du tout la chaîne qui lie la guerre planétaire à la décadence capitaliste.
Seule la production de guerre est aujourd'hui capable de créer de nouveaux débouchés au capital qui étouffe dans son marché mondial. La guerre n'est rien d'autre que le mécanisme spécifique au moyen duquel la bourgeoisie décadente essaie de surmonter ses propres contradictions. Loin d'y réussir, elle ne peut que provoquer sans cesse de nouvelles contradictions en s'efforçant d'éliminer les anciennes. Loin de supprimer la concurrence, les monopoles donnent à celle‑ci un caractère plus exacerbé, aussi bien dans la lutte entre les monopoleurs que dans celle entre les entrepreneurs moyens également écrasés. Loin de limiter les conflits internationaux, I'époque des Quatre, Trois ou Deux Grands exacerbe aussi bien les conflits entre puissances dominantes que ceux qui opposent les puissances affaiblies. Pour éliminer l'Allemagne et le Japon comme puissances indépendantes, l'impérialisme américain a dû permettre l'essor de l’U. R. S. S, et la réapparition de la France et de la Chine auparavant éliminées. Pour combattre effectivement l'U.R.S.S. il sera forcé demain de rendre un renouveau d'indépendance à l'Allemagne et au Japon. Il ne s'agit pas là d'erreurs d'un Roosevelt ou de machiavélisme d'un Mac Arthur, mais bien de l'expression des lois les plus fondamentales du mouvement capitaliste L'hypothèse de la survie d'une seule puissance mondiale comme celle des Etats-Unis laisserait le globe définitivement ruiné, en proie aux interminables convulsions de conflits nationaux et coloniaux. La "guerre pour mettre fin à la guerre", aujourd'hui proposée par Burnham comme celle dirigée avant‑hier par Wilson, ne conduit pas à la Pax Americana mais au chaos général.
De même que le capitalisme a été incapable de contrôler les forces productives au moment de son apogée suprême, de même se montre‑t‑il incapable de contrôler les forces de destruction au moment de son déclin profond. Au cours de ces deux étapes il creuse lui‑même sa propre tombe et crée lui‑même son propre fossoyeur : le prolétariat. La lutte révolutionnaire de celui‑ci est la lutte peut donner une direction consciente à la société contre les forces aveugles qui entraînent inéluctablement le monde bourgeois vers les guerres planétaires. Le sort du capitalisme est déjà décidé; le glas a déjà sonné pour celui‑ci. Mais pour qu'il ne disparaisse pas dans la poussière atomique, il doit s'effondrer dans la révolution communiste mondiale.
|