1940 |
Lettre à A. Lenero (8806), traduite du castillan, avec la permission de la Houghton Library. |
Œuvres - Juin 1940
[Le mémoire sur l’attentat]
Cher Monsieur [1],
Le retard de ce document est dû aux fréquentes interruptions de mon travail à cause de l'enquête.
J'ai écrit ces pages avec une totale liberté, comme si je les avais écrites pour moi-même. Je crains cependant que quelques idées essentielles ne soient formulées que comme de brèves allusions sans preuves. Ces dernières ne me manquent pas. Mais je ne veux pas allonger à l'excès ce document.
J’ajoute ici une considération que, du fait de son caractère pas suffisamment justifié, je n'ai pas l'intention d'inclure dans le texte même du mémorandum.
L’enquête est effectuée simultanément par divers organismes de police qui ne coopèrent pas, mais sont plus ou moins en concurrence entre eux. Il est possible qu'il y ait là un côté positif. Mais il m'a été plutôt donné d'observer le côté négatif de ce genre de parallélisme. Ce côté négatif consiste non seulement en ce que beaucoup d'énergie est gaspillée de façon superflue pour un même travail, mais aussi en ce que, dans le cours de la compétition, chaque groupe cherche à faire prévaloir une hypothèse contre celle des autres et crée ainsi sa propre construction, souvent artificielle. Parmi les enquêteurs, j'ai rencontré des hommes perspicaces, intelligents et habiles. Mais il m’a semblé parfois que leur travail manquait de l'unité basée sur un plan général de division des fonctions et de vérification périodique des résultats obtenus, sous la direction d'une personne unique capable de faire la synthèse du problème dans sa totalité... Je n'ai cependant observé qu'une fraction de l'enquête et en outre, en tant que partie intéressée, et il est par conséquent possible que mes impressions aient été unilatérales.
Ce document n'a, c'est évident, aucun caractère officiel et il n'est en aucun cas destiné à la publication. Je vous l'envoie en deux exemplaires que vous pourrez employer de la façon vous croirez nécessaire.
Avec mes remerciements cordiaux pour votre aimable visite, je demeure votre serviteur dévoué.
Notes
[1] Agustin Lenero Ruiz (né en 1904), d'abord magistrat, puis enseignant, ensuite diplomate, était depuis 1938 secrétaire particulier du président Càrdenas. En réponse à l’appel de Trotsky à ce dernier, il lui avait rendu visite et demandé le mémoire ci-dessus, dont cette lettre constitue une introduction.