1940

En mai 1940, Trotsky rédige le manifeste de la IV° Internationale sur la guerre. Ce texte basé sur les principes de l'internationalisme prolétarien servira de base à l'activité trotskyste durant toute cette période et sera l'un des derniers de Trotsky avant son assasinat.


Manifeste d'alarme de la IV° Internationale

Léon Trotsky

La prépondérance allemande


Quelle que soit l'issue de la guerre, la prépondérance allemande s'est déjà clairement manifestée. Incontestablement, Hitler ne possède aucune « arme nouvelle ». Mais la perfection de toutes les armes diverses qui existent et une combinaison bien coordonnée de ces armes ‑ sur la base d'une industrie plus hautement rationalisée ‑ donne un poids énorme à l'impérialisme allemand. Sa dynamique militaire est étroitement liée aux traits spécifiques d'un Etat totalitaire, unité de volonté, concentration de l'initiative, secret de la préparation, soudaineté de l'exécution. En outre, la paix de Versailles a rendu aux Alliés un mauvais service. Après quinze ans de désarmement allemand, Hitler a été obligé de bâtir une armée à partir de rien et, de ce fait, son armée est libre de toute routine et n'a à trainer avec elle aucune technique ni aucun équipement démodés. L'entraînement technique des troupes est inspiré par les idées nouvelles basées sur le dernier mot de la technique. Apparemment, seuls les Etats‑Unis sont destinés à dépasser la machine allemande à tuer. La faiblesse de la France et de la Grande‑Bretagne n'était pas inattendue. Les thèses de la IV° Internationale, en 1934, assuraient : « L'effondrement de la S.D.N. est indissolublement lié au début de celui de l'hégémonie française sur le continent européen. » Ce document programmatique déclare plus loin : « L'Angleterre dominatrice a moins de succès encore dans ses desseins », que la bourgeoisie britannique est « terrifiée par la désintégration de son Empire, par le mouvement révolutionnaire en Inde, l'instabilité de ses positions en Chine [1] ». La puissance de la IV° Internationale réside en ce que son programme est capable de subir victorieusement l'épreuve des grands événements.

L'industrie de l'Angleterre et de la France, du fait du flux assuré des super‑profits coloniaux, a été longtemps derrière à la fois pour la technique et l'organisation. De plus, la prétendue « défense de la démocratie » par les partis socialistes et les syndicats a créé une situation politique très privilégiée pour les bourgeoisies française et britannique. Les privilèges engendrent toujours paresse et stagnation. Si l'Allemagne révèle aujourd'hui sa colossale prépondérance sur la France et l'Angleterre, la part du lion dans la responsabilité de cette situation revient aux défenseurs social‑patriotes de la démocratie qui ont empêché le prolétariat d'arracher à temps à l'atrophie France et Angleterre par une révolution socialiste.


Notes

[1] Œuvres, 4, pp. 49‑50.


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