1939 |
Lettre à S. Stanley (10515), traduite de l'anglais, avec la permission de la Houghton Library. |
Œuvres - avril 1939
L'I.C. contre‑révolutionnaire
Cher Camarade,
J'ai reçu votre lettre sur le Congrès Indien [1] avec bien des remerciements.
J'attire votre attention sur le rapport de Manouilsky devant le 18° congrès du parti stalinien. Manouilsky a établi officiellement que les communistes ne devaient pas faire courir de danger à la domination britannique en Inde ou dans les autres colonies; il ne faudra défendre les colonies que contre le fascisme [2]. Pour les pays démocratiques, il suffit d'insister sur des « réformes ».
Verbalement, c'est la position de Gandhi [3], mais plus cynique encore. Gandhi veut pour l'Inde le statut d'un dominion, mais une révolution est nécessaire pour réaliser un tel statut, et une révolution peut donner l'indépendance totale. C'est pourquoi le Comintern, en contre‑révolutionnaire qu'il est, ne cherche même pas un statut de dominion, mais seulement plus d'autonomie. Je crois que vous devriez écrire à ce sujet pour la presse indienne.
Notes
[1] Le jeune Sherman Stanley, qui s'était spécialisé dans la question de l’Inde, renseignait régulièrement Trotsky et sa dernière lettre (cf. Cahiers Léon Trotsky n° 21) avait été consacrée à l'attitude du Parti du Congrès ‑ le parti nationaliste ‑ vis‑à‑vis de la guerre. Un sérieux conflit avait éclaté en effet au sein de ce dernier où Subhas Chandra Bose venait d'être réélu président contre le candidat de la droite soutenu par Gandhi. Tandis que Nehru s'efforçait de concilier vainement les adversaires, l'appareil se préparait à détruire Bose.
[2] Le développement de la ligne « antifasciste » appliquée à la guerre avait pour conséquence que les P.C. étaient amenés à abandonner dans les colonies la revendication de l'indépendance.
[3] Mohandas Karamchad Gandhi (1869‑1948), le père du mouvement national et le chef charismatique du parti du congrès, consentait seulement à un « engagement moral » de l'Inde dans la guerre, mais aurait voulu en échange des compensations et des concessions réelles.