Un bobard contre-révolutionnaire

Saumyendra Nath Tagore

Les partisans de "gauche" du transfert du pouvoir à la bourgeoisie indienne avancent les arguments suivants pour justifier leur trahison des masses.

Ils disent : "Si, à l'heure actuelle, avant le transfert du pouvoir, nous menons la bataille contre la bourgeoisie indienne, les impérialistes britanniques s'en serviront comme excuse pour ne pas quitter l'Inde. Par conséquent, nous devons maintenant nous taire et veiller à ce que le pouvoir soit transféré à la bourgeoisie indienne le plus rapidement possible, puis travailler à la révolution de masse."

Cet argument, qui est un mélange d'ignorance et de fraude, a malheureusement trompé beaucoup de gens qui souhaitent sincèrement que l'impérialisme britannique quitte l'Inde. Ils sont effrayés par la perspective de voir l'impérialisme britannique s'attarder sur les côtes de l'Inde sous le prétexte de réprimer l'anarchie et le désordre.

La déformation volontaire et la confusion étant endémiques, il sera utile d'examiner ce bobard contre-révolutionnaire, ce mensonge intentionnel répandu par les gauches à propos du transfert du pouvoir.

Premièrement, l'impérialisme britannique n'a besoin d'aucune excuse pour rester en Inde. Il est là et il sera là dans la soi-disant Inde indépendante. Il sera au Pakistan, il sera dans l'Hindustan et aussi dans les divers Rajastan que les impérialistes britanniques "sincères et honnêtes" (selon Gandhi) créeront en Inde avant de partir. La domination politique trop évidente disparaîtra, mais l'exploitation économique de l'Inde par l'impérialisme britannique se poursuivra, puisque la bourgeoisie britannique et la bourgeoisie indienne ont convenu d'un plan de collaboration pour l'exploitation conjointe des masses de l'Inde.

Deuxièmement, l'impérialisme britannique n'abandonne pas son emprise politique sur l'Inde par amour, il le fait parce qu'il y est contraint par des pressions de forces mondiales qui échappent totalement à son contrôle. L'impérialisme britannique se rend bien compte que s'il ne renonce pas au pouvoir politique, il ne sera pas en mesure de gagner la bourgeoisie indienne à la collaboration économique. Par conséquent, ceux qui brandissent l'argument selon lequel l'impérialisme britannique ne quittera pas l'Inde en raison de troubles de masse, non seulement ne sont pas à gauche, mais sont purement et simplement des agents de la bourgeoisie indienne. Tout leur jeu consiste à faire en sorte que la bourgeoisie indienne recueille pacifiquement le pouvoir des mains des impérialistes britanniques. A cet égard, les socialistes hindous servent la bourgeoisie indienne avec une loyauté exemplaire.

Le Dr Rammanohar Lohia a conseillé au "Freedom Group" de Bombay "d'apporter tout son soutien au Congrès afin qu'il soit suffisamment fort pour recueillir la direction des affaires des mains des Britanniques lors du transfert de pouvoir".

La signification de ceci est trop évidente pour nécessiter une clarification. Et M. Jayaprakash Narayan, le "socialiste" soutenu par Gandhi, même aujourd'hui, alors que son parti a changé sa dénomination de Parti socialiste du Congrès en Parti socialiste (bien sûr, ce n'est rien d'autre qu'une astuce politique), a fait la sage remarque suivante le 27 juin. Il a déclaré : "À ce moment-là, seulement l'existence d'un parti socialiste fort au sein du Congrès pourrait sauver les masses de l'Inde."

L'expression "à ce moment-là" fait certainement référence à la période actuelle de transfert du pouvoir des mains des impérialistes britanniques aux mains de la bourgeoisie indienne.

Ainsi, un parti socialiste au sein du parti du Congrès, le parti de la bourgeoisie, sauvera les masses indiennes !

Avons-nous eu tort de dire que le changement de nom du Parti socialiste du Congrès en Parti socialiste n'est qu'une farce politique ?

Les masses s'éloignent rapidement du Congrès qui a déjà commencé sa campagne anti-masse avec fureur. Le nom "Socialiste du Congrès" sonne moche et hostile aux oreilles des masses. C'est pourquoi le nom a été changé pour les tromper, mais l'essence du "Socialisme du Congrès" reste la même qu'auparavant.

Ces socialistes dont le seul but dans la vie est de voir le transfert pacifique du pouvoir à la bourgeoisie indienne, sont occupés à semer la confusion partout, afin que les masses hésitent à se préparer à la prise du pouvoir et que, sous le couvert de cette confusion, la bourgeoisie indienne puisse s'installer confortablement au pouvoir.

Ces socialistes contre-révolutionnaires constituent l'obstacle le plus dangereux que les masses indiennes devront franchir avant de venir à bout de la bourgeoisie indienne.