1924

"La pensée de Lénine est action. Ses articles sont dictés par la nécessité quotidienne de l'action, s'identifient à elle, la précèdent, la stimulent, la justifient."

Victor Serge

Lénine 1917

1905

VII

La marche au pouvoir

Plus un mot sur les compromis. La tâche de Lénine est désormais de convaincre les ouvriers qu'ils peuvent vaincre, qu'ils doivent vaincre ; de leur expliquer pourquoi et comment ; de savoir le moment de l'action.

Le Chemin Ouvrier publie, le 16 septembre, un article de lui où nous trouvons ces lignes :

Dressant le bilan... nous arrivons à conclure que le début de la guerre civile a manifesté du côté du prolétariat de la force, de la conscience, des assises solides, l'accroissement et l'organisation du mouvement. Du coté de la bourgeoisie, aucune force, aucune conscience de masse, aucune assise, aucune chance de victoire.
La résistance de la bourgeoisie à l'expropriation des terres sans indemnité... est naturellement inéluctable. Mais pour qu'elle devienne guerre civile, il faudrait que la bourgeoisie eût des masses quelconques, capables de faire la guerre et de battre les Soviets, Elle n'en a pas ; elle n'a pas où les prendre.

Ce raisonnement paraît aujourd'hui avoir été réfuté par une guerre civile acharnée de plusieurs années. Il était pourtant juste. La révolution d'octobre fut, en somme, pacifique. Ce fut, en tout cas, la moins sanglante, la plus facile des révolutions de l'Histoire. La guerre civile ne s'alluma que plusieurs mois après, grâce à l'intervention directe des impérialismes étrangers. Le soulèvement des Tchécoslovaques (été 1918), dans l'organisation duquel la Mission militaire française en Russie a joué un si grand rôle, en a été le premier épisode important.

Les 26-27 septembre, l'organe bolchevik publie, sous la signature « N. K. », un article de Lénine : Les Tâches de la Révolution . C'est déjà un véritable programme de parti gouvernant.

Le gouvernement des Soviets doit proposer immédiatement à tous les peuples belligérants (à la fois aux gouvernements, aux ouvriers et aux paysans) une paix générale à des conditions démocratiques et un armistice immédiat (de trois mois au moins). La principale condition d'une paix démocratique étant la possibilité pour toutes les nations européennes ou coloniales de décider de leur propre sort. Si la Russie est ensuite obligée à se battre, ce sera avec une toute autre conscience.

Le programme intérieur tient en peu de mots : la terre aux travailleurs ; contrôle ouvrier de la production et de la répartition ; arrestation des meneurs de la contre-révolution bourgeoise.

En prenant le pouvoir, les Soviets pourraient encore — et c'est vraisemblablement la dernière chance — assurer le développement pacifique de la révolution.

Il en coûte à Lénine de renoncer à cette dernière chance ! Si on la laisse échapper tout concourt à faire ressortir l'inéluctabiliié de la plus âpre guerre civile.

Un fait nouveau se produit dans l'entre-temps. Les Soviets se transforment. Citadelles des menchéviks et des socialistes-révolutionnaires, ils se bolchévisent. De nouvelles majorités s'y forment. Le 31 août, à Pétrograd, et le 6 septembre, à Moscou, les motions bolcheviks présentées aux Soviets obtiennent pour la première fois des majorités. Le 8 septembre, les bureaux menchéviks-socialistes-révolutionnaires des deux Soviets démissionnent. Le 25 septembre, Trotsky est élu président du Soviet de Pétrograd ; le bolchevik Noguine est porté à la présidence du Soviet de Moscou. Le 26 septembre, le Soviet de Tachkent prend officiellement le pouvoir. Les troupes du gouvernement provisoire le lui reprennent... La vague rouge monte, monte. Les Allemands viennent d'occuper Riga que les fusiliers lettons — bolcheviks en grand nombre — ont défendu avec héroïsme1 . On craint, dans Pétrograd rouge, que les militaires accusés par la rumeur publique d'avoir saboté la défense de Riga pour mettre la capitale ouvrière sous le coup d'une menace directe, ne livrent Pétrograd aux Allemands. La presse bourgeoise souligne avec tant de zèle l'impossibilité de défendre Pétrograd, que c'est comme une invitation adressée aux généraux du Kaiser...

Le Signal !

C'est alors que Lénine adresse — entre le 14 et le 22 septembre — sa fameuse Lettre au Comité Central du parti bolchevik , commencée par ces mots :

Ayant obtenu la majorité dans les Soviets des ouvriers et des soldats des deux capitales, les bolchéviks peuvent et doivent prendre le pouvoir gouvernemental.

Seul un gouvernement bolchevik satisfera les masses. « La majorité du peuple est avec nous. » Il faut agir vite : la reddition de Pétrograd aux Allemands diminuerait cent fois nos chances. L'heure de l'insurrection doit être précisée par ceux qui sont en contact direct avec les masses. Mettre à l'ordre du jour dans le parti : l'insurrection. « Je rappelle la parole de Maix : l'insurrection est un art. »

En prenant le pouvoir à la fois à Moscou, et à Piter (Péirograd) — peu importe qui commencera, peut-être Moscou commencera-t-elle — nous vaincrons inconditionnellement et certainement.

Inconditionnellement et certainement, ces trois derniers mots sont soulignés. La lettre est d'un style laconique : signal, commandement. Ecrite d'un jet, par une main qui n'a point tremblé.

Pendant que Lénine l'écrivait, Kérensky discourait à la Conférence Démocratique de Moscou, constituait un nouveau ministère de coalition avec la bourgeoisie, constituait un préparlement...

Marxisme et Insurrection

Une autre Lettre au Comité Central du Parti suit celle-ci dans les mêmes journées, qui traite du Marxisme et de l'insurrection2 .

L'insurrection, pour être couronnée de succès, doit avoir pour appui non un complot, non un parti, mais la classe avancée. Cela premièrement. L'insurrection doit s'étayer d'un plan révolutionnaire du peuple. Cela en deuxième lieu. L'insurrection doit s'appuyer sur un point tournant de l'histoire de la révolution grandissante au moment où l'activité des masses populaires atteint son plus haut degré, où les hésitations dans les rangs ennemis atteignent le leur comme parmi les faibles amis de la révolution équivoques et indécis. Cela en troisième lieu. Par cette façon de poser les trois conditions de l'insurrection, le marxisme diffère du blanquisme.

A cette heure, toutes les conditions requises sont données. C'est la première fois. Lénine jette un coup d'œil sur le chemin parcouru, expose pourquoi l'insurrection n'était pas encore possible les 3-4 juillet. Nous n'avions pas la majorité parmi les ouvriers et les soldats. Il n'y avait pas d'élan général des masses populaires dans tout le pays. Il n'y avait pas alors d'hésitations parmi nos ennemis et dans les classes moyennes. L'insurrection eût donc été une faute. Nous n'eussions pas gardé le pouvoir. La province était trop arriérée. Depuis le coup de Kornilov, elle est sortie de sa torpeur.

Aujourd'hui, « le peuple est près du désespoir ». « Nous seuls pouvons le sauver » :

Seul notre parti, victorieux par l'insurrection, peut sauver Piter (Pétrograd), car si nos propositions de paix sont repoussées, si nous n'obtenons pas même d'armistice, nous devenons résolument partisans de la défense, nous nous mettons à la tête des partis militaires, nous devenons le parti le plus militaire, nous faisons la guerre révolutionnaire. Nous prenons tout le pain, toutes les chaussures aux capitalistes. Nous leur laisserons des épluchures, nous les chausserons de lapti3 . Nous donnerons tout le pain et toutes les chaussures au front !
Et nous garderons Piter.
Les ressources matérielles et spirituelles de la guerre révolutionnaire sont encore, en Russie, incommensurablement grandes ; il y a 99 chances sur 100 que les Allemands nous accorderont au moins un armistice. Obtenir un armistice maintenant, ce serait déjà vaincre l'univers.

Jamais Lénine ne se contente d'indiquer les grandes lignes générales de faction. Son esprit concret va au détail précis. Il faut, écrit-il, rédiger une déclaration courte, aussi courte que possible, et précise : pourquoi nous rompons avec les partis qui ont trahi la révolution. La lire à la Conférence Démocratique4 de Moscou, puis

appeler à l'action et non à la parole... jeter toute notre fraction dans les usines et les casernes ; c'est là le nerf vital, le salut de la révolution, le moteur de la Confèrence Démocratique,..

Il faut « organiser un Quartier Général, répartir les forces, placer les régiments les plus sûrs aux points stratégiques » ; au jour dit, arrêter le gouvernement, s'emparer de la forteresse Pierre et Paul, « installer notre Etat-Major à la station téléphonique centrale... »

Vers le Capitalisme d'Etat

Les jours mêmes peut-être où il adresse au Comité Central de son parti ces ardentes missives de chef d'insurrection, Lénine travaille à la révision du programme bolchevik. Et l'étude critique qu'il écrit sur ce sujet jette une éclatante lumière sur l'ampleur de sa pensée. Il vient de donner le signal de la marche au combat. Il est tout entier volonté tendue, ardeur impérieuse, commandement d'action. Mais seul avec lui-même, dans la chambre d'ouvrier qui lui sert de refuge, quand il envisage l'avenir du parti de la révolution, le réalisme le plus froid ne le quitte pas un instant. En voici la preuve. Boukharine et Sokolnikov ont proposé de supprimer tout bonnement le programme minimum du parti. « Nous n'avons pas encore vaincu ! » leur répond Lénine.

Nous ne savons pas quand, après notre Victoire, viendra la révolution en Occident. Il n'est pas impossible qus notre victoire soit suivie de périodes de réaction...

Ecrite à la même époque, sa brochure sur La Catastrophe imminente et les moyens de la conjurer expose, en présence de la débâcle économique imminente, le programme que nous connaissons déjà (nationalisation des banques et des monopoles capitalistes, abolition du secret commercial, syndicalisation obligatoire des industriels et commerçants, rationnement et organisation obligatoire de la population en associations de consommation). Nous noterons, dans ces pages, l'esquisse très nette de la théorie du capitalisme d'Etat que Lénine allait reprendre plus tard avec vigueur, en 1921, à l'inauguration de la nouvelle politique économique :

Le capitalisme de l'Etat-monopolisateur, avec un Etat réellement révolutionnaire-démocratique, constitue inéluctablement un pas vers le socialisme.
Le socialisme n'est pas autre chose qu'un pas en avant après le monopole d'Etat capitaliste. Ou encore : le socialisme n'est pas autre chose que le monopole de l'Etat capitaliste employé dans l'intérêt du peuple entier et ne cessant que dans cette mesure d'être un monopole capitaliste.
Après le monopole, on ne peut plus aller de l'avant sans aller vers le socialisme.
La dialectique de l’histoire est précisément telle que la guerre, en précipitant à l'extrême la transformation du capitalisme, de monopoles en capitalisme-monopole d'Etat, a du coup rapproché très sensiblement l'humanité du socialisme.
La guerre impérialiste est le prélude de la révolution socialiste. Cela, non seulement parce que ses horreurs déterminent la révolte du prolétariat — aucune révolte ne pourrait réaliser le socialisme s'il n'était économiquement mûr — mais aussi parce que le capitalisme monopole d'Etat est la préparation matérielle la plus complète du socialisme...

Les forces en présence

Les bolcheviks garderont-ils le pouvoir ? Cette brochure, Lénine l'écrivit en fin septembre. C'est un modèle de dialectique sensée, serrée, de froid raisonnement, d'argumentation convaincante. Pas une seule figure de rhétorique. Une interprétation intelligente des faits. Une question de force et des arguments de force. Prendre le pouvoir? Les bolcheviks n'oseront pas ! — a-t-on dit au Soviet de Pétrograd, « J'ai déjà crié, en réponse à Tseretelli , dit Lénine, que nous prendrions le pouvoir. » Et, considérant un à un les arguments des pessimistes, il les réfute.

Le prolétariat n'est pas isolé. La majorité des Soviets ouvriers, soldats et paysans, lui est acquise. A la Conférence Démocratique de Moscou — organisée par les S.-R. et les menchéviks — les voix des Soviets se sont réparties ainsi :

Pour la coalition des partis socialistes et bourgeois : Soviets ouvriers et soldats, 83 ; paysans, 102 ; total, 185. — Contre : Ouvriers et soldats, 192 ; paysans, 70 ; total, 262. — A une conférence des Comités Exécutifs de Soviets, tenue à Pétrograd, les résultats ont été les suivants : pour la coalition sociale et bourgeoise, 4 Soviets paysans de province ; pour une coalition purement socialiste, 3 Soviets paysans et 2 armées ; Contre la coalition avec la bourgeoisie, 23 provinces et 4 armées ! — Lénine observe que les provinces riches (Samara, Tauride, Mer Noire) votent pour. Plus tard, remarquerons-nous la guerre civile y sévira. Les centres industriels (Vladimir, Riazan, Kostroma, Moscou) votent aussi pour. Il est vrai : mais notre majorité est forte. « Les forces vives de la démocratie sont avec nous. »

Vainqueurs, que ferons-nous ?

Marx enseignait, d'après l'expérience de ta Commune de Paris, que le prolétariat ne peut pat s'emparer simplement d'un mécanisme d'Etat tout fait et le mettre en action conformément à ses propres desseins, mais que le prolétariat doit briser ce mécanisme et le remplacer par un autre.

Tout n'est pas à détruire dans le mécanisme de PEtat capitaliste. Certains éléments, au contraire, sont appelés à rendre à la révolution de précieux services :

Outre son mécanisme essentiel de coercition, armée permanente, police, administration, il y a dans l'Etat moderne un mécanisme étroitement attaché aux banques et aux syndicats industriels, mécanisme qui accomplit un grand travail de recensement et d'enregistrement, si l'on peut s'exprimer ainsi. Ce mécanisme, on ne peut pas et il ne faut pas le briser. Il faut l'arracher aux capitalistes, il faut en couper, en détacher, en amputer les capitalistes, et le soumettre aux Soviets prolétariens, l'élargir, élargir son emprise, en faire quelque chose qui tienne au peuple entier. On peut le faire en s'appuyant sur les conquêtes du capitalisme le plus grand (de même qu'en général la révolution prolétarienne ne peut atteindre son but qu'en s'appuyant sur ces conquêtes).
Le capitalisme a créé, sous forme de banques, de syndicats, de postes, de sociétés de consommation, d'associations de fonctionnaires et d'employés, un mécanisme de recensement. Sans les grandes banques, le socialisme serait irréalisable.
Les grandes banques constituent le « mécanisme d'Etat » dont nous avons besoin pour réaliser le socialisme et que nous prenons tout fait au capitalisme...

Les bolcheviks se rendront-ils durablement maîtres de l'Etat conquis ? Avant la révolution de 1905, 130.000 propriétaires fonciers gouvernaient la Russie en maîtres absolus. Les bolcheviks sont 240.000, et ils ont reçu 1.000.000 de suffrages. L'appui de la majorité active de la population leur est assuré. Ils appelleront les pauvres à participer à la gestion de l'Etat. Les ouvriers contrôleront eux-mêmes la répartition des vivres et des produits de l'industrie. La force vitale représentée par le nouveau pouvoir sera invincible... Et qu'on ne parte point des calamités de la guerre civile. La guerre civile a commencé dans les campagnes par la faute de ceux qui, ne voulant pas de révolution, refusent la terre aux paysans.

La crise est mûre

« La crise est re  », écrit Lénine le 7 octobre. Deux faits l'attestent : le réveil du mouvement ouvrier international : Liebknecht en Allemagne, Adler en Autriche, Mac L ean en Angleterre. « Les prisons d'Allemagne, de France, d'Italie, d'Angleterre sont bondées d'internationalistes. » Des mutineries militaires se produisent en Allemagne. « Nous sommes à la veille d'une révolution mondiale »,

L'autre fait, c'est, en Russie, l’insurrection paysanne :

Dans un pays paysan, sous un gouvernement républicain révolutionnaire soutenu par les partis socialistes, révolutionnaire et menchévik, hier encore dominants dans la démocratie petite-bourgeoise, l'insurrection paysanne grandit... C'est invraisemblable, mais c'est ainsi.

Le premier fait prouve que la révolution sociale de Russie vient à son heure. Le second que la banqueroute des partis réformistes est consommée. Les provinces de Toula, Tambov, Riazan, Kalouga se sont soulevées. Les paysans, qui attendaient de la révolution la paix et la terre, déçus, s'insurgent, saisissent les récoltes des propriétaires fonciers, brûlent leurs résidences. Le gouvernement Kérensky réprime lorsqu'il en a la force. Heureusement, ses forces sont restreintes. « Ecraser l'insurrection paysanne, l'avertit Lénine, ce serait tuer la révolution. »

L'armée, paysanne dans son essence, devient nerveuse. Il y a beau temps qu'elle ne veut d!us se battre. Les troupes de Finlande et la flotte de la Baltique se prononcent contre Kérensky. A Moscou, sur 17.000 soldats consultés, 14.000 votent pour les bolcheviks. Même accentuation de tendance dans la population des capitales. En juin, les socialistes révolutionnaires et les menchéviks obtenaient à Moscou, aux élections de la Douma municipale, 70 % des voix. Ils viennent de n'en plus avoir que 18 %. Les cadets, grands-bourgeois, se sont fortifiés, passant de 17 % à 30 %.

Les suffrages accordés aux bolcheviks sautent de 34,000 à 82.000 ; ils en obtiennent au total 47 %. Ainsi : effondrement des partis du centre, renforcement de l'extrême-droite et de l'extrême-gauche. Interrègne entre deux dictatures.

La crise est mûre. Tout l'avenir de la révolution est en jeu. Tout l'avenir de la révolution prolétarienne socialiste internationale est en jeu.

Temporiser devient un Crime

Le Comité central du parti bolchevik hésite cependant encore, devant l'immensité des responsabilités, Des voix s'y prononcent contre l'insurrection. Lénine, pour qui la discipline a toujours été vivante, intelligente, jamais passive, entre dans la voie de l'indiscipline en s'adressant directement aux Comités du parti de Moscou et de Pétrograd5

Chers camarades !
Les bolchéviks ne sont pas en droit d'attendre le congrès Ses Soviets. Ils doivent prendre le pouvoir sur-le-champ. Ils sauveront ainsi la révolution mondiale (une entente entre tous les impérialistes contre nous est possible ; après les fusillades d'Allemagne, ils seront conciliants les uns envers les autres), la révolution russe (car la vague actuelle d'anarchie peut devenir plus forte que nous) et la vie de centaines de milliers de combattants de la guerre...
Si on ne peut pas prendre le pouvoir sans insurrection, il faut faire l'insurrection sur l'heure. Il est fort possible que l'on puisse prendre le pouvoir sans insurrection, si par exemple, le Soviet de Moscou (avec celui de Pétrograd) prenait le pouvoir immédiatement et se déclarait gouvernement. A Moscou, la victoire est assurée, personne ne résistera. A Piter on peut attendre un moment. Le gouvernement n'a rien à faire et n'a point de salut. Il se rendra.
...La paix nous la proposerons demain ; la terre aux paysans sur l'heure ; des concessions aux cheminots et aux postiers sur l'heure...
... La victoire est certaine. 9 chances sur 10 pour qu'elle nous soit acquise sans effusion de sang.

Le 8 octobre, dans ses Conseils d'un spectateur 6 , Lénine résume « les règles de l'insurrection, considérée par Marx comme un art » :

  1. Ne jamais jouer avec l'insurrection, mais en la commençant, savoir fermement qu'il faut aller jusqu'au bout.
  2. S'assurer une grande supériorité de forces au point décisif, au moment décisif, sans quoi l'adversaire, supérieur par la préparation et par l'organisation, anéantira les insurgés.
  3. Une fois l'insurrection commencée, agir avec le maximum de décision et absolument, à tout prix, engager l'offensive : « La défensive est la mort de l'insurrection. »
  4. Tâcher de surprendre l'ennemi, saisir le moment où ses troupes sont dispersées.
  5. Obtenir chaque jour — chaque heure même, peut-on dire quand il s'agit d'une ville — quelque succés, fût-il de peu d'importance, afin de conserver la supériorité morale.

Pour vaincre les hésitations

Les 16-17 octobre, nouvelle Lettre aux camarades , très longue, très persuasive, pour mettre un terme aux hésitations de quelques-uns. Deux d'entre les militants en vue du parti ont combattu, dans une assemblée des bolcheviks de Pétrograd, la thèse de l'insurrection immédiate. Chaque argument de ces « tristes pessimistes » Lénine les reproduit et les réfute. Le plus sérieux me paraît être celui-là : « Nous nous fortifions chaque jour ; nous pouvons former à l'Assemblée Constituante une forte opposition. Pourquoi risquerions-nous tout ? » Ainsi parle le vieil homme social-démocrate qui sommeille encore au fond de l'âme de quelques bolcheviks. Comme si « l'attente de l'Assemblée Constituante résolvait le problème de la famine et celui de l'abandon de Pétrograd aux Allemands » !

La faim n'attend pas. L'insurrection paysanne n'a pas attendu. La guerre n'attend pas. Les amiraux en fuite n'ont pas attendu.
— Ah! si les gens de Kornilov recommençaient ! Mais commencer nous-mêmes ? Pourquoi risquer ?
... Et si, riposte Lénine, la deuxième promotion de Kornilo v a aussi profité de la leçon ? Si elle attend les émeutes de la faim, la rupture du front, la capitulation de Pétrograd, sans agir jusque-là ?
... Il n'y a pas de force au monde, autre que celle d'une révolution prolétarienne victorieuse, qui puisse passer des lamentations et des larmes à l'action révolutionnaire.

Et l’action révolutionnaire donnera du pain. La bourgeoisie n'en donnera pas.

Le dernier article de Lénine paru avant la révolution d'octobre a pour titre : Les paysans de nouveau dupés par le parti s.-r. (paru dans la Pravda ouvrière du 24-25 octobre, jour même de l'insurrection.) Lénine y relève que le ministre socialiste-révolutionnaire S.-L. M as lov , vient de publier un projet de loi agraire qui laisse subsister la propriété privée des terres et impose aux paysans le paiement d'un droit de fermage aux propriétaires. Une partie seulement des domaines privés doit constituer — dans ces conditions — un fonds de terres à louer.

Que les paysans le sachent, seul le parti ouvrier, seuls les bolcheviks demeureront, jusqu'au bout, inébranlables contre les capitalistes, contre les propriétaires, et défendront les intérêts des paysans les plus pauvres comme ceux de tous les travailleurs.

Dans deux ou trois jours, un décret du Conseil des Commissaires du Peuple déclarera le soi propriété de la nation des travailleurs.

Les S.-R. gauche et les Anarchistes au 24 Octobre

Le soulèvement de Pétrograd a lieu le 25 octobre, vieux style. Le gouvernement provisoire de Kérensky n'oppose, tant il est impuissant, presque pas de résistance. Un bataillon de femmes le défend pendant quelques heures. Aux premiers obus lancés par l'Aurore qui, de Cronstadt a remonté la Neva, sur le Palais d'Hiver, les ministres tremblants se rendent. Ils vont rejoindre, dans la prison de Pierre-et-Paul, d'autres ministres : ceux du tsar. Kérensky a pris la fuite. A Moscou, la bataille, très vive, dure plusieurs jours et se termine par la victoire complète des ouvriers et des soldats sur les écoles militaires, les étudiants, l'élément bourgeois et les socialistes-révolutionnaires de droite.

Nous avons noté, jour après jour, l'action de Lénine, Nous venons de le voir conduire d'un pas sûr et d’un geste impératif son parti à la révolution. Il nous appert maintenant avec la netteté de l'évidence qu'en ces heures, Lénine seul, dans la tourmente révolutionnaire et la rapide décomposition de la société bourgeoise, joignit à une vision claire des possibilités une ferme volonté. L'événement l'a prouvé, en lui accordant une éclatante victoire. Mais nous avons aussi d'autres arguments à retenir parce qu'ils font ressortir impitoyablement la supériorité du marxiste révolutionnaire sur ses frères d'armes d'octobre 1917, le socialiste-révolutionnaire de gauche et l'anarchiste.

Quelques jours avant la révolution d'octobre les leaders socialistes-révolutionnaires de gauche Kamkov , Nathanson et Schreider , disaient à Trotsky qu'ils ne soutiendraient pas l'insurrection7 . L'excellent écrivain socialiste-révolutionnaire, Mstislavsky , qui est aussi d'ailleurs un de nos bons camarades, a exposé, dans son livre, Cinq journées, pourquoi les s.-r. de gauche ne voulaient pas, à ce moment, de prise violente du pouvoir. Ils concevaient le système des soviets comme « essentiellement antipolitique, anti-étatiste ». Pour le réaliser, ils entendaient laisser le vieil état bourgeois achever de se décomposer ; leur intention était de ne pas prendre le pouvoir pour n'être pas obligés de reconstruire l'Etat8 . Ils étaient loin, on le voit, dans leur romantisme révolutionnaire, du clair jacobinisme de Lénine. Ils voguaient en pleine mer océane d'Utopie. Car sans un pouvoir fort et centralisé aucune défense victorieuse, tant extérieure qu'intérieure, de la révolution n'eût été possible.

Quant aux anarchistes, non moins romantiques, mais beaucoup plus désorientés, ils atteignaient le comble de la confusion. Beaucoup allaient se battre dans les rues de Pétrograd et de Moscou, aux côtés des bolcheviks. Quelques-uns, comme le vieux docteur Atabekian , fidèle ami de Kropotkine , allaient se lamenter, passifs, sur les horreurs de la guerre civile. Le groupe le plus autorisé, en ce sens qu'il était seul à posséder un semblant de doctrine, un ensemble de militants de valeur9 , un organe répandu, le Goloss Trouda (La Voix du Travail) qui fit un moment la concurrence à la Pravda dans les usines de Petrograd, publia deux ou trois jours avant la révolution d'octobre une déclaration que je regrette infiniment de devoir citer ici de mémoire (quoique l'original soit en ma possession). Les anarchistes syndicalistes, y était-il dit, prévoyaient que le soulèvement ne pourrait aboutir qu'à la constitution d'un pouvoir nouveau. Adversaires de tout pouvoir, ils s'abstiendraient d'abord. Mais si les masses laborieuses suivaient le mouvement, ils suivraient, eux, les niasses laborieuses... On imaginerait malaisément plus complète et piteuse abdication politique.

Ainsi, la révolution d'octobre dont Lénine fut l'organisateur et le cerveau a bien été, essentiellement, l'œuvre des bolcheviks.

Le Réaliste et le Réalisateur

Nous avons suivi la pensée et l'action de Lénine depuis la. veille de son départ de Zurich jusqu'à la formation, au ministère désaffecté de Smolny — ancienne école des demoiselles nobles — du Conseil des Commissaires du Peuple, dont il restera, jusqu'à sa mort, le président. De cette étude sans doute trop sommaire nous pouvons essayer de dégager à défaut de plus larges conclusions qui nécessiteraient un travail beaucoup plus vaste, les caractéristiques les plus évidentes de sa formidable personnalité.

Déjà, nous avons observé qu'il n'a aucune des déformations psychologiques propres à l'intellectuel. La théorie pure le rebute. Sa pensée est le commencement, la règle, le guide de l'action. Sa théorie est la lumière projetée sur les faits, par une méthode de raisonnement scientifique dialectique, pour l'action. Lénine n'est pas théoricien, du moins en 1917. Sans doute le fut-il auparavant, lorsqu'il s'agissait de former, par l'éducation théorique, un parti révolutionnaire pour l'action future. En 1917, il est homme d'action. Lénine n'est pas écrivain : il n'écrit que par nécessité, tout juste ce qu'il faut pour l'action quotidienne, sans plus de souci de la forme et du style qu'il n'en faut pour atteindre absolument le but : convaincre, éclairer, réfuter, dissuader, discréditer selon le cas. Son style, dépourvu de toute recherche littéraire, a la simplicité rectiligne de sa phrase parlée. Il jette les arguments avec force. Il les répète, il les enfonce obstinément. On sent toujours chez lui une double violence intérieure : celle de la conviction et celle de l'en-avant qui le tend, tout entier, vers les actes, Lénine, marxiste si intransigeant, n'est pas un dogmatique. Le dogme n'est-il pas toujours le refuge des esprits timorés ou faibles, inhabiles à s'adapter aux réalités ? Or, le réalisme de Lénine est tel qu'une formule vraie hier ne saurait le tromper aujourd'hui pour peu que les faits aient changé. Jamais les formules ne l'empêchent de voir les réalités, déformation mentale fréquente chez les doctrinaires. A son sens des réalités s'ajoute une réserve inépuisable de bon sens qui fait que le vieil Illitch est seul à ne point perdre la tête lorsque autour de lui, les meilleurs s'emballent, exagèrent, désespèrent, se lassent... Et l'application qu’il a faite du marxisme révolutionnaire suffit à prouver combien la méthode communiste est étrangère à tout dogmatisme. Lénine est puissamment équilibré. Remarquons en passant sa vigueur et son endurance physiques. Le métier de chef de révolution est très dur. En 1917, Lénine accomplit, dans les conditions matérielles les plus précaires un labeur dont les 850 pages du tome XIV de ses Œuvres complètes ne donnent qu'une faible idée. J'ai dit qu'il dormit pendant des longs jours dans les meules de foin de Sestroretzk. Mais son équilibre intérieur est plus frappant encore. Ni témérité ni pusillanimité. La plus grande hardiesse quand il le faut. La temporisation la plus circonspecte quand i! le faut. Passive, mesurée ou cassante la résistance à toutes les déviations. Une étonnante assurance qui est comme la conscience du génie. De 1914 à 1917, Lénine, seul marxiste révolutionnaire irréductible dans le mouvement socialiste international, lutte contre le courant des patriotismes frénétiques.

Dans les journées de juillet, il tient tête à l'impatience révolutionnaire. Après Kornilov, il propose des compromis. Mais, l'heure venue, il donne le signal à toutes les audaces ; et, seul, pendant des semaines, tous les jours, inlassablement il crie à son parti : C'est l'heure d'agir ! l'heure d'agir !

Les Historiens n'auront pas à mentir

La dialectique marxiste de Lénine est une méthode rigoureusement scientifique d'investigation des faits sociaux servant de base à une méthode d'action révolutionnaire. Comprendre le monde pour le transformer. Lénine est un esprit scientifique : sa connaissance des faits sociaux, de leurs rapports, de leurs proportions, de leurs causes, est approfondie. Mais la connaissance n'est pour lui qu'un moyen de prévoir et, prévoyant, d'agir. La plupart de ses prévisions de savant, les événements les ont confirmées. Dès 1905, il prévoyait le rôle du prolétariat dans la révolution russe. Dès le congrès socialiste international de Stuttgart, il prévoyait la guerre impérialiste. Dès 1914, il prévoyait les révolutions qui allaient naître de la guerre. Dès mars 1917, il apercevait les grandes possibilités de la révolution russe, à peine commençante, et ses limites. Seulement le prévoir et le vouloir se confondaient à un tel point chez lui, qu'on se demande parfois à scruter les événements, lequel des deux éléments l'emporte. Quelles sont, dans l'éclatant succès historique de Lénine, les parts respectives de la nécessité sociale et de l'action révolutionnaire ? Il a vaincu parce qu'il a su, investigateur précis, armé des meilleures disciplines intellectuelles, discerner les chemins que devait suivre l'Histoire. Mais sur ces chemins il s'est fait l'instrument actif, intelligent, habile, volontaire de l'Histoire. Toute technique utilise adroitement certaines forces de la nature contre certaines autres. La technique révolutionnaire de Lénine a donné au prolétariat et à la paysannerie russe une victoire qui n'était nullement fatale.

Plutarque a menti... M. Jean de Pierrefeu qui, pour avoir pendant quelques sanglantes années appliqué son esprit au libellé des mensonges officiels de la guerre, finit par connaître combien sont frelatées les gloires de la grande tuerie, a fait de spirituelles démonstrations sur ce thème : les Etats-Majors n'ont rien su prévoir, rien su réaliser de ce qu'ils s'étaient essayés à prévoir : les généraux illustres n'ont gagné de batailles que malgré eux ou sans le savoir ; le maréchal Foch n'a vaincu qu'en oubliant tout ce qu'il avait enseigné à l’Ecole de Guerre ; les plans n'ont jamais été appliqués ni les tactiques suivies; les plus savants capitaines se sont quelquefois acharnés, dans leur incompréhension de la guerre moderne, à vouloir l'impossible (théorie de la percée, etc.) Nous savions sans M. de Pierrefeu que les héros, c'est-à-dire les hommes les plus représentatifs de la bourgeoisie à son déclin doivent incarner tout le mensonge, toute la décadence de leur classe. Mais l'occasion nous est bonne de camper en face des piètres bonshommes chamarrés qui sont les vainqueurs et les vaincus illustres de la grande guerre le premier héros de la révolution prolétarienne, le simple vieil Illitch. L'historien qui fera l'Histoire de Lénine n'aura pas à mentir pour le grandir.

Lénine a gagné la bataille à laquelle il se préparait depuis quinze ans. Lénine ne l'a gagnée qu'en demeurant fidèle à son enseignement, grâce à sa prévoyance, à son intelligence, à l'excellence de ses méthodes. Plus précisément encore la victoire d'octobre n'est due qu'à la stricte application de sa tactique et de ses plans conçus depuis mars. A la différence des stratèges absurdes de la guerre impérialiste qui n'ont jamais cessé de chercher — les Austro-Allemands à Verdun, les Alliés en Champagne, par exemple — une décision militaire impossible, le premier grand stratège de ta révolution, loin de vouloir l'impossible, nous a donné une magistrale leçon de réalisme et mis en garde contre les desseins exagérés.

Puissance de l'Unité

Lénine est un bloc. L'unité de sa personnalité a quelque chose de terrible. Sa puissance a certainement été, dans une large mesure, la puissance de l'unité.

Du crâne aux talons l'homme, carré d'épaules, bien planté, sûr de lui-même, un peu fruste, au regard familier, positif, malicieux, têtu, l'homme se reflétait dans ses paroles, dans son geste, dans son style et reflétait tout entier sa pensée identique à son action, Quand il démontrait, ses deux poings martelaient l'évidence que ses yeux plantaient dans les yeux de la foule, que ses livres et sa vie imposaient aux esprits. Quand il attaquait, il se lançait tout entier contre l’adversaire ; l'argument se mêlant de haine et de mépris, s'achevait en invective. Sa pensée s'animait toujours d'une sorte de violence physique ; le mot devenait coup, la phrase assommait ou illuminait.

Sa pensée, répandue, au cours d'une trentaine d'années, dans vingt-quatre compacts volumes révèle la même invincible unité que sa personnalité et sa vie. De 1903 à 1905, 1914, 1917, 1921 tout se tient, s'enchaîne, s'ordonne dans un développement sans déviations marquantes. D'abord, il a formé le parti, centralisé, « coulé tout en fer, d'une seule pièce » suivant une expression chère aux Russes, le parti unique de la Dévolution, Puis il a marché vers la révolution encore invisible dans les brumes de l'avenir, de son pas bonhomme, en répétant, à travers les déserts de l'Helvétie : « La guerre impérialiste deviendra guerre civile » ; puis il a conduit son parti dans la révolution russe, premier acte de la révolution mondiale qui refera l'unité du monde... L'homme, toute sa vie, toute sa pensée, toute son action, tout son parti, toute son œuvre historique réalisaient une prodigieuse unité.

Ce géant taillé d'un seul bloc dans la plus puissante matière humaine se dresse, pour des siècles, au seuil des temps nouveaux.

VICTOR-SERGE. Mars-Avril 1924.

Notes

1 Il nous souvient que Ludovic Naudeau leur a rendu justice dans le Temps . C'était anéantir bien des calomnies.

2 Ces documents inappréciables devaient être cités en entier. Je me console de ne le pouvoir faire en avertissant les lecteurs qu'il en existe une traduction française qui doit paraître sous peu à la Librairie de l'Humanité. — V. S.

3 Lapti : Chaussures d'écorces tressées des paysans russes.

4 Cette déclaration fut lue à la Conférence Démocratique par Trotsky. Les bolchéviks se retirèrent après en avoir donné lecture.

5 Clarté en a donné dans son numéro 27, une traduction de Pierre Pascal .

6 Ce document capital dont toute la substance est dans ces lignes et dans celles qui précèdent, devrait être donné in extenso. Je me permets de renvoyer, cette fois encore, le lecteur au volume en préparation à la librairie de l’Humanité.

7 Voir dans le n° 27 de Clarté quelques pages très précises de Mstislavsky sur la Révolution d’octobre.

8 Trotsky, Comment s’arme la Révolution, Edition du Rev-voen-soviet, Moscou, pas. 270,

9 Voline , A. Schapiro , Grossman-Rostchine , Jouk , Alfa , en faisaient alors partie. Comme la plupart des autres membres de ce groupes, les cinq révolutionnaires que je viens de nommer ont suivi, depuis, cinq voies différentes ! Jouk est mort pour les Soviets, Rostchine est anarchiste-marxiste, Alfa appartient au P.C. russe, Voline et Schapiro — d’ailleurs ennemis l’un de l’autre ou tout au moins âprement adversaires — sont résolument anticommunistes. V.-S.

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