1848-49 |
Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution... Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec. |
La Nouvelle Gazette Rhénane
Plans contre-révolutionnaires à Berlin
Cologne, le 30 avril.
Les plans de notre gouvernement contre-révolutionnaire se dessinent peu à peu.
On avait l'intention de dater du 27 avril [1] un nouveau stade de la contre-révolution prussienne. On voulait provoquer le peuple de Berlin à un combat de rues, laisser peut-être à la Cavaignac , le soulèvement « prendre des proportions », le réprimer ensuite par des moyens à la Cavaignac et une force militaire supérieure à la Cavaignac , proclamer l'état de siège, gratifier quelques députés et bon nombre d'agitateurs de poudre et de plomb, et finalement, par de nouveaux actes « octroyés », se libérer des dernières entraves gênantes que même la charte de l'état de siège du 5 décembre avait mises encore à notre contre-révolution.
Le soulèvement dû à la provocation devait en effet fournir un prétexte suffisant à prétendre que le peuple « n'était pas encore mûr » pour les libertés très gracieusement accordées, qu'il était impossible de gouverner avec une telle loi électorale, avec une telle Constitution. « Pour éviter des effusions de sang », donc dans l'intérêt du peuple lui-même, il fallait anéantir aussi le dernier reste de liberté. « Pour éviter des effusions de sang » il fallait déclarer en état de siège le pays tout entier, à l'exception de la Poméranie ultérieure ! On ne pouvait soutenir ce point de vue qu'après être passé par une émeute en bonne et due forme à Berlin, suivie inévitablement de troubles à Breslau, Magdebourg, Cologne, etc. et en avoir triomphé par la mitraille.
De là les brutalités des constables contre la gauche réunie dans la salle de la Konversationhalle; de là l'encerclement militaire complet de Dönhoffplatz; de là les coups de feu soudainement tirés sur une foule populaire tranquille et sans défense qui ne pouvait s'éloigner parce que toutes les rues lui étaient barricadées [2] .
La calme attitude du peuple malgré toutes les provocations, a déjoué les calculs des contre-révolutionnaires. Ils n'ont aucun prétexte à de nouveaux actes octroyés et il leur faut pourtant octroyer. Nous apprendrons peut-être ce soir déjà, à quel nouveau détour ces Messieurs se sont décidés.
L'ampleur de leurs plans ressort dans tous les détails, premièrement de la dissolution simultanée de la Chambre à Hanovre, deuxièmement et tout particulièrement du voyage de M. Radowitz à Berlin.
M. Radowitz est l'âme de la contre-révolution. C'est M. Radowitz qui a ébauché le plan de la contre-révolution de novembre mais qui s'est encore tenu dans les coulisses et qui a intrigué à Francfort en faveur de l'empire héréditaire prussien. Cette fois-ci c'est M. Radowitzqui, à ce que l'on dit, est venu lui-même à Berlin pour agir enfin ouvertement et devenir premier ministre . UN MINISTÈRE RADOWITZ, voilà la clef du mystère.
Les faits suivants nous sont de plus positivement connus : Au cours de la semaine dernière une lettre des premiers présidents parvint à tous les présidents en chef , leur faisant savoir que la dissolution de la Chambre était imminente , et leur enjoignant de prendre toutes les mesures de prudence nécessaires.
Un rescrit ministériel a été renvoyé à tous les gouvernements; il y est dit :
« 1) - qu'il faut charger toutes les mairies de faire quotidiennement à leurs gouvernements respectifs un rapport sur l'impression produite par la dissolution de la Chambre. Les gouvernements, de leur côté, doivent transmettre au ministère des rapports collectifs sur ce point.
2) - que de nouvelles élections ne doivent pas encore avoir lieu pour l'instant, mais qu'en revanche on prendrait des mesures à l'encontre de nombreux membres de la « soi-disant » gauche.
3) - que toutes les mesures de prudence soient prises pour réprimer toute tentative de rébellion. »
Le rescrit est signé : Manteuffel.
M. Manteuffel, ou plutôt M. Radowitz, son supérieur, ne pouvait rendre de plus grand service à la révolution hungaropolono-allemande en train de se développer que d'apparaître au grand jour, en ce moment même, avec ses plans de rétablissement de l'absolutisme.
Notes
Texte surligné : en français dans le texte.
[1] Le 27 avril 1849, le gouvernement dissout la seconde Chambre. L'adoption par les Chambres, le 21 avril 1849, de la Constitution de l'empire allemand, adoptée le 28 mars 1849 par l'Assemblée nationale de Francfort, servit de prétexte.
[2] Après la dissolution de la seconde Chambre, les députés de la gauche se réunirent le 27 avril 1849 à la Konversationhalle sur la Dönhoffplatz à Berlin. La réunion fut dispersée par des constables et par la troupe. Celle-ci tira aussi sur la foule rassemblée devant le lieu de réunion.