1843-50

"On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d'employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.." F. Engels, 1894.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


Le parti de classe

K. Marx - F. Engels

Questions d'organisation

Fusion du parti social-démocrate allemand


L'action internationale des classes ouvrières ne dépend en aucune façon de l'existence (formelle) de l'Association internationale des travailleurs.

Celle-ci n'a été qu'une première tentative pour doter cette action d'un organe central. Cette tentative, par l'impulsion qu'elle a donnée, a eu des effets durables, mais elle ne pouvait se poursuivre longtemps dans sa première forme historique après la chute de la Commune de Paris.

MARX, La Critique du programme de Gotha du parti ouvrier allemand, 1875


À la conférence des délégués de l'Internationale à Londres, l'Allemagne n'était représentée par aucun délégué, par aucun rapport d'activité, par aucune cotisation depuis septembre 1869 [1]. Il est impossible que se poursuive à l'avenir le rapport purement platonique du parti ouvrier allemand avec l'Internationale, rapport où l'une des parties attend uniquement des prestations de l'autre, sans jamais apporter de contre-prestation. C'est proprement compromettre la classe ouvrière allemande.

Je mets donc en demeure la section berlinoise d'entrer en relation épistolaire directe avec moi, et je continuerai à faire la même chose avec toutes les autres sections aussi longtemps que la direction du parti ouvrier social-démocrate continuera à ne rien faire pour l'organisation de l'Internationale en Allemagne. Les lois peuvent empêcher l'organisation normale du parti ouvrier social-démocrate, mais elles ne peuvent empêcher son organisation existante de faire pratiquement la même chose que ce qui se produit dans tous les autres pays : inscrire des membres à titre individuel, payer ses cotisations, envoyer des comptes rendus d'activité, etc.

En tant que membre de la commission de contrôle du parti ouvrier social-démocrate, il vous sera sans doute possible d'agir en ce sens.


Avant de répondre aux nombreuses demandes de ta lettre, il faut d'abord que je sache exactement ce que signifie [2] : « Le Volksstaat ne peut pour le moment se laisser entraîner dans une polémique internationale. » Si le Volksstaat déclare qu'il est neutre dans la guerre des Internationalistes contre les sécessionnistes, s'il refuse d'expliquer clairement aux ouvriers le sens de ces luttes, si en un mot la rébellion lassalléenne s'achève par une poignée de main par-delà l'Internationale, l'Internationale étant sacrifiée à Hasselmann, notre position vis-à-vis du Volksstaat s'en trouvera modifiée de fond en comble. Je vous prie de nous dire immédiatement quelle est la situation en toute franchise...

Ensuite, je ne saurais te dissimuler que le traitement que nous fait subir le « parti » ne nous encourage pas du tout à vous confier plus de matériel. De La Guerre des paysans (que vous avez rééditée), vous ne m'avez pas même envoyé un seul exemplaire : j'ai été obligé de m'en acheter un moi-même. Vous ne demandez même pas mon avis pour publier l'article sur la question du logement. Lorsque j'ai demandé que l'on nous envoie des exemplaires gratuits du Manifeste pour nous et l'Association des ouvriers, en reconnaissance du fait que nous en avons payé de notre poche trois éditions successives, on nous a envoyé cent exemplaires accompagnés de la facture. J'ai écrit à Hepner à ce sujet, en exigeant que ces procédés grossiers cessent une fois pour toutes.


Notes

[1] Cf. Marx à Gustav Kwasniewski 29 septembre 1871.
Cet extrait évoque l'un des innombrables épisodes de la lutte de Marx-Engels contre les limitations nationales de la lutte du prolétariat. La passivité des directions rejoint dans ses effets la politique anti-ouvrière des gouvernements qui se manifeste dans les lois interdisant l'activité normale du prolétariat.

[2] Cf. Engels à Wilhelm Liebknecht, 12 février 1873.
La nouvelle période historique, malgré une apparente rupture et un recul manifeste du mouvement ouvrier, n'en poursuit pas moins, à partir des conditions politiques données, son cours, irréversible à long terme. La maturation s'opérera à partir des événements qui ont clos toute la période historique précédente, avec la formation des nouveaux États et nations capitalistes en Europe centrale et méridionale, la phase de systématisation nationale des États modernes étant enfin achevée en Europe occidentale. C'est à partir de cette base nouvelle, plus vaste que la précédente, que s'effectuera la remontée du mouvement ouvrier international.
La lettre à Liebknecht se situe dans la perspective de la fusion entre eisenachéens et lassalléens. Comme on le voit, Marx-Engels étaient foncièrement opposés aux lassalléens, mais bon nombre de dirigeants eisenachéens avaient conclu la paix avec eux.
Le 8 février 1873, Liebknecht avait écrit à Engels : « Mais le Volksstaat ne peut pour le moment se laisser entraîner vraiment dans une polémique internationale... La rébellion lassalléenne est donc terminée : tout est de nouveau rentré dans l'ordre. »
De 1872 à 1873, la question de savoir quelle position adopter vis-à-vis des lassalléens donna lieu à de violentes polémiques au sein du parti eisenachéen. Au Congrès de Mayence (septembre 1872), Geiser avait attaqué violemment la politique anti-lassalléenne du Volksstaat et exigé la cessation immédiate de la polémique contre le Neuer Sozial-demokrat. Le congrès reconnut que l'organisation lassalléenne était « la seule alliée naturelle du parti socialiste ouvrier, et le congrès chargea donc le comité de tenter une nouvelle fois de trouver une voie de collaboration principielle avec l'Association générale des ouvriers allemands ». La rédaction du Volksstaat reçut l'ordre « d'arrêter immédiatement toute polémique contre l'A. G. O. A. et ses dirigeants ».
Rien ne pouvait être plus opposé à la conception de Marx-Engels sur les rapports avec un soi-disant parti ouvrier. Les plus proches de leurs partisans reprirent donc la lutte aussitôt après le congrès, et ce fut le conflit ouvert entre le comité de contrôle du parti et la rédaction du Volksstaat. Au printemps, les divergences furent si graves entre Hepner et le comité de contrôle que Marx-Engels jugèrent opportun d'intervenir à leur tour.


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