1843-50

"On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d'employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.." F. Engels, 1894.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


Le parti de classe

K. Marx - F. Engels

Préparation de la révolution (1847-1848)

L’association démocratique de Bruxelles aux Démocrates fraternels réunis à Londres


Nous avons reçu votre lettre de décembre dernier ; nous avons immédiatement pris en considération et discuté votre  proposition relative à la tenue d'un congrès démocratique de toutes les nations et un échange mensuel de correspondance entre votre association et la nôtre [1].

Vous avez proposé de tenir le premier congrès démocratique ici à Bruxelles, et de réunir le second à Londres ; de faire organiser le premier congrès par notre association pour l'anniversaire de la révolution belge, en septembre prochain, et de préparer le programme par le comité de notre association : toutes ces propositions ont été acceptées à l’unanimité et avec enthousiasme.

L'offre d'échange d'une correspondance mensuelle régulière avec notre société a également été accueillie avec le plus grand enthousiasme.

Nous voulons maintenant vous donner un bref aperçu de nos progrès et de la situation générale de notre cause.

L'état de notre association est aussi prospère qu'on peut le souhaiter. Le nombre de nos adhérents, augmente de semaine en semaine, et la participation du public en général et de la classe ouvrière en particulier à notre activité s'accroît dans la même mesure.

La meilleure démonstration de notre force est, cependant, l'intérêt éveillé dans les provinces de ce pays par notre mouvement. Les principales villes de Belgique nous ont demandé de leur envoyer des délégués en vu d’y établir des associations démocratiques semblables à la nôtre et de nouer des relations permanentes avec l'association de la capitale.

Nous avons dédié toute notre attention à ces appels. Nous avons envoyé une délégation à Gand, afin d'y tenir une réunion publique dans le but d'y créer une branche locale. Cette réunion a attiré énormément de monde, et notre délégation, formée de ressortissants de différentes nationalités, fut accueillie avec un enthousiasme indescriptible. La fondation d'une société démocratique fut décidée sur-le-champ, et les noms des membres furent aussitôt portés sur une liste. Par la suite, nous avons reçu de Gand la nouvelle de la constitution définitive de cette société, ainsi que de la tenue d'une seconde réunion, où le nombre de participants et l'enthousiasme furent encore plus grands. Plus de trois mille citoyens y assistèrent, et nous avons le plaisir de pouvoir dire que la plupart en étaient des ouvriers.

Nous considérons le progrès réalisé à Gand comme l'un des plus grands succès de notre cause dans ce pays. Gand est, en effet, la plus grande ville industrielle de Belgique avec plus de cent mille habitants. C'est dans une grande mesure le centre d'attraction pour toute la population laborieuse des Flandres. La position occupée par Gand est décisive pour l'ensemble du mouvement ouvrier du pays. C'est ce qui nous permet de croire que la participation des ouvriers des fabriques de ce Manchester belge au renouveau du mouvement purement démocratique peut être considérée comme le signal de l'adhésion de l'ensemble des prolétaires belges à notre cause.

Nous espérons, dans notre prochaine lettre, pouvoir être en mesure de vous informer de progrès ultérieurs dans d'autres villes du pays, pour arriver ainsi progressivement à la constitution d'un parti démocratique fort, uni et organisé en Belgique.

Nous partageons entièrement les positions que vous avez défendues dans votre récente adresse à la classe ouvrière de Grande-Bretagne et d'Irlande sur la question de la « défense nationale » [2]. Nous souhaitons que cette adresse contribue dans une large mesure à éclairer le peuple anglais sur ses véritables ennemis.

Nous avons également suivi avec grande joie les démarches que vous avez entreprises auprès de la masse des chartistes anglais, afin de conclure enfin une alliance solide entre le peuple d'Irlande et celui de Grande-Bretagne. Nous sommes arrivés à la conclusion que vous avez en ce moment plus de chances que jamais de surmonter les causes qui ont suscité les ressentiments du peuple irlandais qui poussent celui-ci à confondre, dans une haine commune, les classes opprimées d'Angleterre avec les oppresseurs des deux pays.

Nous souhaitons que soit réunie bientôt entre les mains de Feargus O'Connor la direction des mouvements populaires des deux pays, et nous considérons la prochaine alliance entre les classes opprimées des deux pays, sous la bannière de la démocratie, comme le progrès le plus important de notre cause en général.

Nous concluons en vous transmettant nos salutations fraternelles.

Le comité de l'Association démocratique.
L. JOTTRAND, président,
A. PICARD, secrétaire.


Notes

[1] The Northern Star, 4 mars 1848. Lors de leur séjour à Londres, fin novembre à début décembre, en vue de participer au deuxième congrès de la Ligue des communistes, Marx et Engels prirent contact, entre autres, avec les Démocrates fraternels et décidèrent d'entrer en liaison plus étroite avec eux. Dans ces discussions, Marx intervint au nom de l'Association démocratique de Bruxelles.

[2] La Northern Star avait publié, le 8-1-1848, l' « Adresse aux ouvriers de Grande-Bretagne et d'Irlande », lancée par les Démocrates fraternels pour démasquer la manœuvre des classes dirigeantes anglaises qui prétendaient que la France voulait attaquer les côtes britanniques (elles s'efforçaient de détourner par une propagande chauviniste les masses des luttes populaires et démocratiques). L'adresse appelait les ouvriers à résister à tous « les conjurés qui suscitent la haine d'un peuple contre l'autre avec leurs mensonges, afin de faire croire que les hommes des différents pays sont tout naturellement ennemis entre eux ».


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