PROPOSITION D'ARMISTICE ET DE PAIX IMMÉDIATE du gouvernement Russe.
Par radiogramme du 18 novembre 1917, 5 heures 20 du matin, le gouvernement russe a adressé l'appel suivant aux peuples belligérants :
Aux peuples des pays belligérants !
Notre proposition de conclure un armistice immédiat sur tous les fronts, dans le but d'aboutir à une paix démocratique sans annexions ni contributions, garantissant le droit des nations de disposer d'elles-mêmes, a reçu l'assentiment du commandant en chef allemand, en vue de négocier la paix.
Le commandant en chef des armées de la République, le lieutenant de réserve Krylenko, proposa de remettre de 5 jours, c'est-à-dire jusqu'au 2 décembre, le début des négociations d'armistice, afin de donner encore une fois aux gouvernements alliés l’occasion de préciser leur point de vue relatif aux pourparlers de paix.
Il a été décidé par accord réciproque de cesser les hostilités sur le front russe. Il va sans dire que, pendant ces 5 jours, aucun déplacement de troupes ne devra avoir lieu ni d'un côté ni de l'autre.
Le pas décisif est fait. La Révolution victorieuse des ouvriers et des paysans de Russie demande que la question de la paix soit résolue sans retard. La période des hésitations, des atermoiements, des conventions de chancelleries est passée. A présent tous les gouvernements, toutes les classes, tous les partis de tous les pays belligérants sont appelés à répondre catégoriquement à cette question : Êtes-vous prêts comme nous à entamer le 2 décembre, les négociations visant un armistice immédiat et une paix générale ? Oui ou non ?
De la réponse faite à cette question dépend cette autre question : Les travailleurs de la terre et des usines échapperont-ils aux souffrances et aux horreurs d'une nouvelle campagne d'hiver, ou bien l'Europe devra-t-elle continuer à verser son sang ?
Nous, le Conseil des Commissaires du Peuple, adressons cette question aux gouvernements de nos Alliés : La France, l'Angleterre, l’Italie, les États-Unis, la Belgique. la Serbie. la Roumanie, le Japon, la Chine. Nous leur demandons ouvertement devant leurs propres peuples, en face du monde entier : Voulez-vous entamer le 2 décembre, en même temps que nous, les négociations de paix ?
Nous, le Conseil des Commissaires du Peuple, nous adressons aux peuples alliés et particulièrement à leurs masses ouvrières, leur demandant : Voulez-vous encore prolonger cette guerre, sans but ni sens, et pousser aveuglément à la ruine la civilisation européenne ? Nous exigeons que les partis ouvriers des pays alliés répondent sans retard à notre question : Voulez-vous ouvrir les négociations de paix le 2 décembre ? Oui ou non ?
Soldats, prolétaires, ouvriers, paysans, voulez-vous faire avec nous le pas décisif vers la paix des peuples ? Le Conseil des Commissaires du Peuple s'adresse aux travailleurs de l’Allemagne, de l'Autriche-Hongrie, de la Turquie et de la Bulgarie : La paix que nous proposons doit être une paix des peuples ; elle doit être basée sur une entente loyale, assurant à chaque peuple son libre développement économique et intellectuel.
Pareille paix ne peut être fondée que sur la base d'une lutte ouverte et virile des masses révolutionnaires contre tous les plans de conquêtes et les projets impérialistes. La Révolution des Ouvriers et des Paysans a déjà publié son programme de paix. Nous avons publié les traités secrets du Tsar et de la bourgeoisie avec nos alliés et déclaré que le peuple russe ne se sent pas lié par ces traités.
Les représentants officiels et officieux des classes dirigeantes des pays alliés ont répondu à notre proposition, en refusant de reconnaître le gouvernement des Conseils (des Ouvriers, Paysans et Soldats) et d'entamer, en commun avec lui, les négociations de Paix.
Le gouvernement de la Révolution victorieuse n'a pas besoin d’être reconnu par la diplomatie professionnelle du capitalisme. Mais nous demandons aux peuples : La diplomatie réactionnaire exprime-t-elle vos aspirations et vos vues ? Les peuples sont-ils décidés de permettre à cette diplomatie de laisser passer celte bonne occasion de conclure la paix, que seule offre la Révolution russe ? Il faut que la réponse à ces questions soit donnée promptement ; non point en paroles mais en actes !
L'armée et le peuple russe ne veulent plus attendre davantage. Le 2 décembre nous entamerons les négociations de paix. Si les peuples alliés n'envoient pas leurs négociateurs, nous négocierons avec les Allemands seuls. Nous voulons la paix générale. Mais si la bourgeoisie des pays alliés nous oblige à conclure une paix séparée, la responsabilité pleine et entière en retombera sur elle.
Soldats, Ouvriers et Paysans de France, d'Angleterre, d'Italie, des États-Unis, de Belgique, de Serbie ! Les négociations de paix commenceront le 2 décembre. Nous attendons vos représentants. Agissez sans perdre un instant !
A bas la campagne d'hiver ! A bas la guerre. Vive la paix et la fraternité des Peuples !
signé :
Le commissaire chargé des Affaires étrangères :
Trotzky.
Le Président du Conseil des Commissaires du Peuple :
Uljanoff Lénine.
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