1908 |
Traduit de l'allemand par Gérard Billy, 2015, d'après la réédition en fac-similé publiée par ELV-Verlag en 2013 |
Les origines du christianisme
IIIème partie. Le judaïsme.
1. Israël
b. La Palestine
1908
Désormais, l'histoire et le caractère des Israélites ne sont plus seulement déterminés par les propriétés acquises au stade de leur existence de Bédouins, lesquelles se maintiennent probablement encore un certain temps, mais aussi par la nature et la situation géographique de la Palestine.
Il ne faut certes pas exagérer l'influence de la géographie sur l'histoire. Le facteur géographique demeure sans doute à l'époque historique en gros le même dans la plupart des pays ; présent avant qu'on entre dans l'histoire, son impact sur l'histoire est assurément énorme. Mais les modalités selon lesquelles s'exerce cette influence dans l'histoire d'un pays, dépendent elles-mêmes du niveau atteint par la technique et les rapports sociaux en son sein.
Par exemple, les Anglais n'auraient pu accéder à l'hégémonie mondiale aux dix-huitième et dix-neuvième siècles sans les particularités naturelles de leur pays, sans ses richesses en charbon et en fer et sans son insularité. Mais tant que charbon et fer n'occupèrent pas dans la technique la place dominante que leur donna l'âge de la vapeur, ces richesses naturelles n'avaient qu'une importance très secondaire. Et avant que soient découvertes l'Amérique et la route maritime des Indes, que la technique de la navigation à voiles ait atteint un haut niveau technique, que l'Espagne, la France, l'Allemagne aient développé un degré supérieur de civilisation ; tant que ces pays furent habités par de simples barbares, que le commerce européen utilisa essentiellement des bateaux à rames et se concentra sur la Méditerranée, l'insularité de l'Angleterre ne fit que la couper de la civilisation européenne et la maintenir dans un état de faiblesse et de barbarie.
La même nature joue donc un rôle qui varie énormément en fonction de la situation sociale ; même là où la nature d'un pays n'est pas affectée par les changements dans le mode de production, son influence n'est pas nécessairement toujours la même. De ce point de vue aussi, nous retrouvons comme facteur décisif l'ensemble des rapports économiques.
De la même façon, ce n'est pas la nature en soi, ni la situation géographique en soi de la Palestine qui déterminèrent l'histoire d'Israël, mais nature et géographie prises dans un certain type de rapports sociaux.
La particularité de la Palestine était que c'était un territoire limitrophe où se heurtaient et se combattaient des facteurs ennemis. Elle était située là où, d'un côté, s'arrêtait le désert arabe et commençait la civilisation syrienne, et où, de l'autre, se rejoignaient les sphères d'influence des deux grands empires qui sont au seuil de notre civilisation et l'imprègnent fortement, l'empire égyptien établi dans la vallée du Nil et l'empire mésopotamien né sur les rives de l'Euphrate et du Tigre et dont le centre était tantôt Babylone et tantôt Ninive.
Enfin, la Palestine était traversée par deux routes commerciales de la plus haute importance. Elle avait la main sur les échanges entre l’Égypte d'un côté, la Syrie et la Mésopotamie de l'autre, ainsi que sur le commerce allant de la Phénicie vers l'Arabie.
Examinons d'abord les conséquences du premier facteur. La Palestine était un pays fertile. Certes, cette fertilité ne dépassait pas un niveau moyen, mais elle apparaissait exceptionnelle à qui la comparait au désert de pierres et de sable qui l'avoisinait. Pour ses habitants, c'était un pays où lait et miel coulent en abondance.
Les tribus hébraïques, lorsqu'elles arrivèrent, étaient des tribus nomades d'éleveurs. C'est leur combat permanent contre les habitants sédentaires de la Palestine, les Cananéens, auxquels ils arrachèrent une ville après l'autre et qu'ils soumirent de plus en plus à leur domination, qui les sédentarisa. Mais ce qu'ils avaient gagné dans une guerre sans trêve, ils furent contraints de le défendre dans une autre guerre sans répit, car d'autres nomades arrivaient à leur suite, les Édomites, les Moabites, les Ammonites, d'autres encore, qui, comme eux-mêmes, convoitaient cette terre fertile.
Une fois le pays conquis, les Hébreux restèrent encore longtemps des bergers bien qu'ils soient devenus sédentaires. Mais peu à peu, ils empruntèrent aux habitants d'origine leur façon de travailler la terre, la culture des céréales, les vignes, les oliviers, les figuiers, etc., et se mêlèrent à eux. Ils conservèrent toutefois encore longtemps les caractéristiques du nomadisme bédouin dont ils étaient issus. L'élevage nomade dans le désert paraît particulièrement défavorable au progrès technique et à l'évolution sociale. Le mode de vie actuel des Bédouins d'Arabie rappelle de façon flagrante celui qui est évoqué dans les vieilles légendes israélites d'Abraham, Isaac et Jacob. Cette éternelle répétition des mêmes activités, le retour perpétuel des mêmes souffrances, des mêmes besoins et des mêmes façons de voir, reproduites pendant des millénaires de génération en génération, engendre finalement un conservatisme tenace encore plus profondément enraciné chez le berger que chez le cultivateur, et qui favorise la permanence de vieilles habitudes et de vieilles institutions même quand se produisent des changements d'importance.
On est en droit d'en voir un exemple dans le fait que chez le paysan israélite, le foyer n'a pas de lieu fixe dans la maison et pas de signification religieuse. « Sur ce point, les Israélites ne se distinguaient pas des Arabes, mais s'éloignaient des Grecs, dont pourtant ils étaient beaucoup plus proches dans les choses de la vie quotidienne, » dit Wellhausen, et il ajoute : « L'hébreu n'a pas vraiment de mot pour désigner le foyer. Le nom commun « aschphot » a pris, chose significative, le sens de « tas d'ordures ». Cela met en évidence la différence avec le foyer indo-européen, l'autel domestique. A la place du feu brûlant dans le foyer, les Hébreux ont la lampe éternelle. » 53
De leur héritage de leur vie de Bédouins, les Israélites ont très probablement reçu et gardé notamment, entre autres spécificités, leur habileté et leur prédilection pour le commerce des marchandises.
Dans le chapitre précédent sur la société romaine, nous avons déjà mentionné le développement précoce du commerce, non pas entre individus, mais entre peuples. Tout indique que cela a d'abord été l'affaire de nomades éleveurs de bétail vivant dans des contrées désertiques. Leur mode de vie les contraignait à des déplacements aléatoires, d'un pâturage à l'autre. La rudesse de leur pays ne pouvait manquer de susciter chez eux le désir de se procurer les produits des contrées contiguës plus richement dotées. Ils échangeaient du bétail, qu'ils avaient en abondance, contre par exemple des céréales, de l'huile, des dattes, ou des outils en bois, en pierre, en bronze, en fer. Leur mobilité leur permettait en outre d'aller au loin chercher non seulement des produits pour leur propre usage, mais aussi des produits très convoités et faciles à transporter pour le compte d'autres commanditaires ; donc non pas pour les garder et les consommer ou les utiliser eux-mêmes, mais pour les faire passer dans d'autres mains moyennant rétribution. C'est ainsi qu'ils devinrent les premiers marchands. Tant qu'il n'y eut pas de routes et que la navigation fut peu développée, c'est nécessairement cette forme de commerce qui prédominait, et elle pouvait rapporter de grandes richesses à ceux qui la pratiquaient. Ultérieurement, le développement de la circulation maritime, la construction de routes terrestres sûres et praticables, entraînèrent inévitablement le déclin du commerce des nomades, désormais réduits à vendre les produits de leur désert et paupérisés. C'est sans doute ce facteur qui explique, au moins en partie, le déclin si prononcé de la civilisation de l'Asie Centrale depuis la découverte de la route maritime des Indes orientales. Plus tôt déjà, les mêmes causes avaient provoqué l'appauvrissement de l'Arabie, dont les nomades, à l'époque de l'apogée des villes phéniciennes, entretenaient avec elles un commerce très profitable. Ils livraient à leurs tisserands, qui travaillaient pour l'exportation vers l'occident, la laine très appréciée de leurs moutons ; mais ils apportaient aussi des produits venus de l'Arabie « heureuse », l'Arabie méridionale, riche et fertile, des encens, des épices, de l'or et des pierres précieuses. Ils transportaient en outre depuis l’Éthiopie, qui n'est séparée de l'Arabie « heureuse » que par un détroit resserré, des marchandises de grande valeur comme l'ivoire et le bois d'ébène. Le commerce avec l'Inde passait aussi pour la plus grande partie par l'Arabie, les marchandises de Malabar et de Ceylan étant débarquées sur les côtes arabes du Golfe Persique et de l'Océan Indien et ensuite transportées vers la Palestine et la Phénicie en traversant le désert.
Toutes les tribus dont ce commerce traversait le territoire en tiraient une richesse importante, que ce fût sous forme de profit commercial, ou par l'imposition de droits sur le transit.
« C'est un phénomène courant que ces peuples comptent de très riches tribus, » dit Heeren. « Parmi les nomades arabes, aucune ne semble avoir tiré plus d'avantages du commerce des caravanes que les Madianites, qui avaient coutume de parcourir les zones situées à la limite septentrionale de ce pays, donc à proximité de la Phénicie. Ce fut à une caravane de marchands madianites qui, venant d'Arabie chargée d'épices, de baumes et de myrrhe, se dirigeait vers l’Égypte, que Joseph fut vendu (1. Moïse, 37, 28). Le butin que les Israélites firent sur ce peuple (quand Gédéon repoussa une invasion des Madianites dans le pays de Canaan) contenait tellement d'or qu'il suscite l'étonnement ; et ce métal était si commun chez eux que non seulement leurs bijoux personnels, mais même les colliers des chameaux, en étaient faits. » Le 8ème chapitre du Livre des Juges raconte : « Alors Gédéon se leva et abattit Zéba et Salmounna. Et il prit les croissants de lune que leurs chameaux portaient au cou... Alors Gédéon leur dit (aux hommes d'Israël) : Je veux vous faire une requête. Que chacun de vous me donne un anneau de son butin. Les ennemis avaient en effet des anneaux d’or, car c’étaient des Ismaélites. … Le poids des anneaux d’or qu’il avait demandés s’éleva à mille sept cents shekels 54 d’or, sans compter les amulettes, les pendants d’oreille, les vêtements de pourpre que portaient les rois de Madiane et les colliers qui étaient au cou de leurs chameaux. »
Heeren parle ensuite des Édomites et continue : « Les Grecs donnent à toutes les tribus nomades qui sillonnaient l'Arabie septentrionale le nom d'Arabes nabatéens. Diodore, qui fait un très beau tableau de leur mode de vie, n'oublie pas non plus leur commerce de caravanes vers le Yémen. 'Une fraction non négligeable d'entre eux s'occupe de transporter vers la Méditerranée l'encens, la myrrhe et d'autres épices précieuses qu'ils récupèrent auprès de ceux qui les apportent de l'Arabie heureuse' (Diodore, II, p. 390)
« Les richesses acquises de cette façon par les différentes tribus du désert étaient suffisamment importantes pour exciter la convoitise de guerriers grecs. L'un des entrepôts abritant les marchandises qui traversaient le territoire des Édomites était la cité fortifiée de Petra, qui a donné à l'Arabie du nord-ouest le nom d'Arabie pétraïque. Demetrius Poliorcète essaya de s'emparer de cette place et de la piller. » 55
Nous avons à nous représenter les Israélites au temps de leur nomadisme à l'image de leurs voisins, les Madianites. Abraham déjà est dit riche non seulement en bétail, mais aussi en or et en argent (1. Moïse, 13, 2). Cela n'était possible pour les éleveurs nomades que par la pratique du commerce. Leur établissement ultérieur dans le pays de Canaan n'était pas de nature à endiguer ni à affaiblir l'esprit commercial hérité de la période nomade. La situation du pays, en effet, leur permettait de continuer à participer aux échanges commerciaux entre la Phénicie et l'Arabie, comme à ceux entre l’Égypte et Babylone, et à en tirer profit, en partie en jouant les intermédiaires et en les développant, en partie en les perturbant, que, depuis leurs forteresses montagneuses, ils attaquent les caravanes et les pillent, ou qu'ils prélèvent un droit de passage. N'oublions pas que marchand et bandit étaient à l'époque deux activités étroitement apparentées.
« Dès avant l'arrivée des Israélites en Canaan, le commerce de ce pays avait atteint un haut niveau. Dans les lettres d'Amarna (datant du quinzième siècle avant J.-C.), il est question de caravanes qui parcourent le pays sous protection » 56
Nous avons des témoignages datant déjà de l'an 2000 et attestant l'intensité des échanges entre la Palestine et l’Égypte ainsi qu'avec les pays de l'Euphrate.
Jeremias (l'universitaire de Leipzig, pas le prophète juif Jérémie) nous donne la quintessence d'un papyrus de cette époque dans les termes suivants :
« Les tribus palestiniennes de Bédouins sont donc en en relations étroites avec le pays de haute culture qu'est l’Égypte. Suivant ce papyrus, leurs cheiks fréquentent occasionnellement la cour du pharaon et sont au courant de ce qui se passe en Égypte. Des envoyés circulent avec des messages écrits entre le pays de l'Euphrate et l'Égypte. Ces Bédouins asiatiques ne sont nullement des barbares. Les peuples barbares que le roi égyptien combat y sont expressément mentionnés comme étant à leur opposé. Les cheiks bédouins forment eux-mêmes des coalitions pour lancer des expéditions militaires contre 'les princes des peuples' ». 57
Dans son « Histoire commerciale des Juifs de l'Antiquité », Herzberg étudie en détail les itinéraires des caravanes qui traversaient la Palestine ou passaient non loin. Il affirme que ces voies de communication étaient « dans l'Antiquité d'une importance commerciale peut-être encore supérieure à celle des chemins de fer actuels ».
« Une des routes partait du sud-ouest de l'Arabie, continuait parallèlement à la côte de la Mer Rouge et du golfe d'Aqaba ; les produits de l'Arabie heureuse, de l’Éthiopie et de quelques arrière-pays y étaient apportés jusqu'à Sela, la future Petra, à quelque 70 kilomètres au sud de la Mer Morte. Une autre route partait de Gerrha, sur le Golfe Persique, et rejoignait également Petra, en passant par l'Arabie, et servait au transport de produits babyloniens et indiens. Petra, de son côté, était le point de départ de trois routes : une vers l'Égypte, avec des bifurcations à droite en direction des ports arabes de la Méditerranée, une deuxième vers Gaza, avec un très important prolongement vers le nord, une troisième longeant les rives orientales de la Mer Morte et du Jourdain et se dirigeant vers Damas. Eilat, dans le fond du Golfe qui porte son nom, était également déjà devenue un entrepôt destiné aux marchandises des pays situés plus au sud, et une route rapide la reliait aussi à Petra. La route de Gaza vers le nord traversait les vallées de Judée et de Samarie et débouchait dans la plaine de Jezreel sur une autre vallée qui, de l'est, allait vers Acre. Parmi les produits apportés depuis tous ces itinéraires fort différents, ceux destinés à la Phénicie étaient chargés soit dans ces ports arabes, soit à Gaza et Acre, car le trajet entre Acre d'un côté, Tyr et Sidon de l'autre, était très rocheux et ne fut aménagé que bien plus tard pour le transport terrestre. La route des caravanes déjà mentionnée et très fréquentée qui venait de l'est partait de Babylone et rejoignait le cours moyen de l'Euphrate, traversait ensuite le désert arabo-syrien dans lequel devait plus tard resplendir la ville de Palmyre, après un bref chemin sur la côté oriental du Jourdain supérieur, elle traversait le fleuve, puis la plaine de Jezreel avant d'aboutir sur la côte maritime. Avant d'atteindre le Jourdain, elle croisait, depuis le Galaad, la route que nous avons vue déjà empruntée à l'époque de Joseph ; et nous avons vu que dans la plaine de Jezreel, la route venant de Gaza aboutissait aussi là ; il est aussi probable que partait pareillement de Gaza la route qui, selon 1. Moïse 37, 25, 41, 57, menait de Palestine en Égypte. … Sur une période assez longue, aucune donnée historique ne vient prouver que les Israélites aient subi l'influence mercantile de ces voies commerciales et des foires se tenant aux carrefours, aucune ne permet de la mesurer, on ne peut néanmoins en douter, elle s'impose par une sorte de nécessité interne, et cette hypothèse éclaire bien des notations anciennes d'un jour qui nous la fait percevoir. » 58
Chez les Israélites, l'industrie de luxe et d'exportation, de même que les activités artistiques, étaient beaucoup moins développées que le commerce. Probablement en raison du fait que ceux-ci se sédentarisèrent à une époque où, tout autour d'eux, l'artisanat était déjà parvenu à un haut degré de perfection. La qualité des objets de luxe était supérieure et leur prix moins élevé quand on les acquérait dans le commerce, que si on les faisait fabriquer par l'artisanat local. Celui-ci se bornait à la production des marchandises les plus simples. Même chez les Phéniciens, qui devinrent bien plus tôt un peuple évolué, l'essor de leur industrie fut freiné par la concurrence des marchandises égyptiennes et babyloniennes dont ils faisaient le commerce. « Il est peu probable que dans le domaine de l'industrie, les Phéniciens aient acquis de bonne heure une supériorité sur les habitants du reste de la Syrie. Hérodote a sûrement raison quand il présente les premiers Phéniciens qui débarquèrent sur les côtes grecques comme des marchands proposant d'acheter des marchandises qui n'étaient pas des produits de leur pays, mais des produits égyptiens et assyriens, c'est-à-dire en provenance de l'intérieur de la Syrie. Les grandes villes phéniciennes ne sont devenues des villes essentiellement industrielles qu'après avoir perdu leur indépendance politique et une grande part de leurs relations commerciales. » 59
Peut-être était-ce aussi l'état de guerre permanent qui perturba le développement de l'artisanat. En tout cas, une chose est sûre, il ne se développa que médiocrement. Dans sa Lamentation sur Tyr, le prophète Ézéchiel dépeint avec un grand luxe de détails le commerce de cette ville, entre autres le commerce avec Israël. Les exportations des Israélites sont exclusivement de nature agraire : « Juda et le pays d'Israël commerçaient avec toi ; ils te livraient du blé de Minnith et de la cire, et du miel et de l'huile et du mastic. » (27, 17)
Quand David fit de Jérusalem sa résidence, le roi de Tyr Hiram lui envoya « du bois de cèdre et des charpentiers et des tailleurs de pierre, pour qu'ils lui construisent un palais » (2. Samuel, 5, 11). Même chose à l'époque de Salomon pour la construction du temple. Salomon paya annuellement à Hiram 20 000 kors de blé et 20 000 baths d'huile (1. Rois, 5, 25).
Sans un artisanat de luxe très développé, autrement dit sans un artisanat d'art, il n'y a pas d'art plastique capable de s'élever jusqu'à la représentation de la personnalité et qui, dépassant le niveau d'une figuration générique, sache individualiser et idéaliser.
Cet art-là suppose un commerce très intense, qui apporte à l'artiste une grande variété de matériaux dans toutes les qualités possibles et lui permette ainsi de choisir ceux qui conviennent le mieux aux buts qu'il poursuit. Il suppose en outre une spécialisation poussée et toute une somme d'expériences dans la façon de traiter les différents matériaux, des expériences accumulées pendant des générations. Il suppose enfin que l'artiste jouisse d'une reconnaissance sociale qui l'élève au-dessus du niveau du travail forcé et lui accorde loisirs, joie et vigueur.
Tous ces éléments ne sont réunis que dans les grandes cités commerciales où vit un artisanat vigoureux et ancien. A Thèbes et Memphis, à Athènes, et plus tard, après le Moyen-Âge, à Florence, à Anvers et Amsterdam, les arts plastiques atteignirent leur plus haut degré d'épanouissement sur la base d'un artisanat plein de force.
C'est ce qui manquait aux Israélites, et cela se répercuta sur leur religion.
Notes de K. Kautsky
53 Wellhausen, Histoire israélite et juive, p. 87, 88
54 Un shekel d'or = 16,8 g = 47 marks
55 Heeren, Idées sur la politique, les communications et le commerce des peuples les plus distingués de l'Antiquité, 1817, I, 2, p. 84 à 86
56 Franz Buhl, Les rapports sociaux chez les Israélites, 1899, p. 76
57 Jeremias, L'Ancien Testament à la lumière de l'orient antique, 1906, p.300
58 Histoire commerciale des Juifs, p. 22 à 25
59 R. Pietschmann, Histoire des Phéniciens, 1889, p. 238