1980 |
"Le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs" |
La grève générale et la question du pouvoir
Depuis la Deuxième Guerre mondiale
Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, de multiples grèves générales ont jalonné le cours de la lutte des classes en France, en Italie, en Belgique, en Grèce, etc. Au contraire de ce que d'aucuns affirment, ces explosions prouvent que la lutte de classe dans les vieilles métropoles impérialistes n'est pas restée stagnante depuis la fin de cette guerre, mais que, à de nombreuses reprises et dans de nombreux pays, des crises sociales et politiques à caractère révolutionnaire ont eu lieu. La grève générale française d'août 1953, à laquelle le numéro 590 de « La Vérité » a consacré un article, fait partie de ces explosions à caractère révolutionnaire.
La grève générale belge qui a duré du 20 décembre 1960 au 20 janvier 1961 est une autre de ces explosions au cours desquelles était posée la question du gouvernement, du pouvoir. Au point de départ de la grève générale, le projet de loi du gouvernement Eyskens dit « loi unique » :
« Pour donner une idée de l'ampleur du projet mis sur pied par le gouvernement Eyskens, voici quelques‑unes des mesures prévues par cette loi :
• La loi unique porte de 40 à 50 % la part du financement par l'État des investissements privés.
• 85 % des nouveaux impôts de la loi unique proviennent de la fiscalité indirecte, qui pèse plus lourdement sur les travailleurs que sur les autres couches sociales.
• Augmentation de 20 % des taxes de transmission, qui doit rapporter 5,7 milliards, dont les travailleurs paieraient la plus grande partie sous forme d'une augmentation de prix; cette augmentation étant d'ailleurs calculée de manière à ne pas provoquer la hausse de l'index, qui entraîne une hausse correspondante des salaires.
• Réduction de 1 milliard du fonds des communes et de 2 milliards du budget des secteurs sociaux.
• Augmentation de 25 % des cotisations de pension à la charge des agents des services publics. Pour ces mêmes agents, la loi unique prévoit le recul de l'âge de la retraite de 60 à 65 ans.
• Enfin, la loi unique remet en cause tout le système d'assurance maladie‑invalidité, et celui de l'assurance chômage, en permettant de priver de secours certaines catégories de chômeurs au bout de quelques mois, et en établissant un système d'inquisition à l'égard des chômeurs, soumis à de multiple mesures vexatoires et à des visites domiciliaires. » (brochure de la SPEL sur la grève générale belge).
Le 16 décembre 1960, au comité national de la Fédération générale des travailleurs belges (FGTB), une résolution déposée par Renard obtient 475 823 contre 496 487 et 53 000 abs tentions. Elle propose des débrayages régionaux, une grève générale de vingt‑quatre heures et un référendum sur la grève générale contre la loi unique. Compte tenu de ce que ce sont les dirigeants qui disposent des voix au comité national, cela signifie que la grande majorité des travailleurs belges étaient pour la grève générale. La Centrale générale des services publics appelle le 12 décembre à une grève illimitée à partir du 20 décembre, date de l'ouverture à la Chambre de la discussion de la loi unique. La grève est partout très largement suivie. Toutes les corporations s'engagent spontanément au cours des jours suivants dans la grève générale : la totalité des travailleurs flamands, les secteurs décisifs d'Anvers et de Gand. Les 27 et 28 décembre, la grève générale atteint son sommet, le gouvernement est impuissant, paralysé, la grève générale est maîtresse du pays. Mais si certains dirigeants fédéraux ou locaux de la FGTB sont contraints de donner l'ordre de grève, seules les directions régionales wallonnes et celle d'Anvers donnent l'ordre de grève. La direction de la FGTB se refuse à lancer l'ordre de grève générale. Quant à la centrale syndicale chrétienne, elle joue ouvertement son rôle de jaune et de briseuse de grève.
Mais, à partir du 28 décembre, la grève doit déboucher sur le plan politique dans la lutte ouverte pour renverser le gouvernement, ou piétiner. Spontanément, les travailleurs dans les meetings et manifestations de rue fixent eux-mêmes le prochain objectif à atteindre : la marche sur Bruxelles, c’est‑à‑dire l'affrontement direct avec l'appareil d'État bourgeois dont les organes dirigeants, gouvernement, Parlement, sont tous concentrés dans la capitale.
De la bourgeoisie à la gauche du mouvement ouvrier, la garde est montée autour du gouvernement, du pouvoir, de l'État. Le gouvernement a mis le Parlement en vacances, le Parti socialiste et le Parti communiste belges « mènent la lutte pour sa convocation ». Les dirigeants de la FGTB s'opposent à la « marche sur Bruxelles » et également le leader de la « gauche », André Renard. Le 3 janvier, au cours d'un meeting, il condamne publiquement l'exigence des manifestants qui crient : « Marche sur Bruxelles ! » Pis encore, Renard met en avant des revendications propres à diviser les travailleurs flamands et wallons : « le droit pour la Wallonie de disposer d'elle‑même et de choisir les voies de son expansion économique et sociale » pour appliquer des « réformes de structure ». Quant à Mandel, il s'aligne sur André Renard. « La Gauche » du 14 janvier 1961 écrit :
« Il nous est reproché d'avoir lancé le mot d'ordre de marche sur Bruxelles. ( ... ) Comme nous constatons que cette revendication n'a pas été reprise par les dirigeants, nous nous inclinons, mais nous rappelons que, au moment où notre annonce de la semaine passée a paru, aucune indication n'était encore donnée à ce sujet. »
Dès lors, le mouvement décline, les travailleurs belges n'ayant pas les moyens organisationnels et politiques d'aller plus loin. Les comités de grève sont constitués uniquement de dirigeants syndicaux. Ce sont les directions syndicales de la FGTB, sous la houlette d'André Renard, qui se sont constituées en comité de coordination des régions wallonnes. Il n'existe pas de parti ou même d'organisation politique révolutionnaire capable d'intervenir efficacement dans la grève générale et d'ouvrir la voie du combat contre le gouvernement et pour un gouvernement ouvrier. André Renard estime que la grève générale est « une grève économique qui fait peser une pression sur le capitalisme et l'État ». A partir du 7 janvier, la grève décline. Le gouvernement a convoqué la Chambre, qui adopte le 14 la loi unique. Le 21 janvier, les derniers grévistes, les 120 000 métallurgistes des bassins de Liège et de Charleroi, reprennent le travail.
L'émergence de la révolution politique dans les pays où le capital a été exproprié mais où des bureaucraties parasitaires monopolisent le pouvoir politique et gèrent les nouveaux rapports de production, conditions de leurs privilèges économiques, tend à souligner la place déterminante de la grève générale dans le processus révolutionnaire pour balayer ces bureaucraties et pour que la classe ouvrière prenne ou reprenne le pouvoir. C'est en Allemagne de l'Est que le premier mouvement révolutionnaire du prolétariat contre la bureaucratie parasitaire a déferlé. Le 17 juin 1953, les ouvriers de la Stalin Allee à Berlin‑Est débraient et manifestent contre les conditions de travail qui leur sont imposées. Rapidement, la grève s'étend à l'Allemagne de l'Est et devient grève générale. Les comités ouvriers se constituent. La revendication d'un « gouvernement des métallurgistes » signifie clairement que l'objectif de la grève générale ne peut être que le pouvoir politique. Seule l'intervention des tanks de la bureaucratie du Kremlin pourra écraser le mouvement révolutionnaire des ouvriers de l'Allemagne de l'Est et briser leur grève générale.
Trois ans plus tard, en Pologne et en Hongrie, la grève générale rassemble les travailleurs de ces pays contre la bureaucratie. En Pologne, la bureaucratie, en remplaçant à temps Bierut par Gomulka, qui sort de prison, en obtenant de celle du Kremlin qu'elle consente au retrait de son Gauleiter, le maréchal Rokosswski, et renonce à intervenir militairement, parvient à contenir et ensuite à endiguer le mouvement révolutionnaire. Quant à la révolution hongroise des conseils, la chronologie des événements publiés dans « La Révolution hongroise des conseils ouvriers » de François Manuel suffit à rendre compte de la place centrale que la grève générale y occupe.
Classiquement, le mouvement révolutionnaire du printemps et de l'été 1968 en Tchécoslovaquie a commencé à se manifester par une crise qui fissure l'appareil stalinien. Mais celui-ci résiste. Antonin Novotny est remplacé, au cours de la session du 3 au 5 janvier du comité central du Parti communiste tchécoslovaque (PCT), par Alexandre Dubcek comme chef du gouvernement. Il reste cependant premier secrétaire du PC. Mais, au mois de mars, la classe ouvrière commence à intervenir ouvertement, directement, selon ses propres méthodes. Pierre Broué écrit :
« C'est par les jeunes ouvriers que l'agitation est passée des universités aux usines. Passifs d'abord et surtout méfiants, les ouvriers s'enhardissent peu à peu, avant de se mettre à leur tour en mouvement. Les réunions syndicales sont bondées, les orateurs toujours plus nombreux, les revendications apparaissent. La base exige le retour à la conception traditionnelle, ouvrière, des syndicats : des organismes de défense des intérêts matériels et moraux de la classe, des instruments des ouvriers. Dès le 12 mars, mis en accusation à une réunion de la fraction communiste du conseil central des syndicats, le président Pastyrik et deux de ses principaux collaborateurs démissionnent. Le 21, le présidium désigne le successeur de Pastyrik à la tête des syndicats, un ancien ministre, Karel Polacek. Mais les syndiqués ne l'entendent pas de cette oreille. Le 22, c'est la réunion du conseil central des syndicats. Le conseil du 9° arrondissement, celui du quartier de Vysocany, qui comprend notamment la grande usine de Sokolovo de CKD, a reçu un mandat des délégués des 85 000 ouvriers qu'il représente : il proteste contre la désignation par une instance du parti du nouveau président des syndicats, dont il souligne l’"incompétence en matière syndicale". Le conseil central, noyé sous les délégations envoyées par les usines, décide de ne pas les recevoir, "faute de place", mais doit néanmoins entendre l'ultimatum du conseil du 9° arrondissement, qui menace de lancer une grève de protestation si la nomination de Polacek est maintenue. La fraction communiste du conseil se réunit, lâche du lest, et vote une résolution qui condamne "la déformation du rôle dirigeant du parti, qui réduit les syndicats au rôle d'agents d'exécution et de courroies de transmission du parti et même des décrets et décisions gouvernementaux ( ... ), le style et les méthodes de travail ( ... ) qui ont remplacé les principes par la coercition".
Le conseil central la reprend à son compte. C'est que, partout, les travailleurs exigent, frappent du poing sur la table. Le 23 mars, Prace, le quotidien des syndicats, évoque "ces journées exaltantes ( ... ) avec l'éveil à la vie politique de cercles toujours plus larges ". Les délégations d'usine se succèdent, venues de toutes les régions, et en particulier celle de l'usine Skoda de Pilsen. Le conseil central interrompt sa session et le présidium annonce la convocation prochaine d'une conférence nationale des syndicats libres et démocratiques, qui se prononcera sur la nomination des nouveaux responsables et pourra remettre éventuellement en cause celle de Polacek. Un peu partout éclatent des grèves, fusent des menaces de grève : des directeurs sont congédiés par des assemblées ouvrières, démocratiquement remplacés; on revendique des hausses de salaires, on ouvre des débats sur toutes les questions par affiches murales, tracts, assemblées générales. Le correspondant de l'Observer raconte : "Un exemple parmi d'autres. L'autre jour, dans une grande usine de Prague considérée comme un bastion de la ligne dure du parti, les dirigeants syndicaux réunissent 3 000 ouvriers pour une interruption de dix minutes et leur présentent une résolution toute prête de soutien à Dubcek et au plénum de janvier qui l'a élu. Mais les ouvriers insistent pour discuter eux‑mêmes et voter leurs propres résolutions. L'un après l'autre, ils bondissent à la tribune et critiquent les dirigeants syndicaux ( ... ). Le meeting dure une heure et demie et se termine par le vote de résolutions ( ... ). Une jeune fille dit : Ce serait une erreur fatale que de croire que, Novotny parti, tout va aller très bien. Cela ne doit être qu'un commencement." »
Novotny, incarnation de la mainmise de la bureaucratie du Kremlin sur la Tchécoslovaquie, démissionne le 22 mars.
Mais la classe ouvrière agit prudemment; la grève générale ne déferle pas. Elle sait que la bureaucratie du Kremlin redoute le processus révolutionnaire en cours et fait tout ce qu'elle peut pour que ce qu'il reste de l'appareil stalinien en Tchécoslovaquie soit sauvé et contienne, puis refoule et écrase la révolution montante. Au cours du printemps et du début de l'été 1968, Moscou ne cesse d'intervenir politiquement en ce sens, appuyée par les bureaucraties satellites des autres pays de l'Europe de l'Est. Mais il devient clair que l'appareil ne peut être sauvé et la révolution refoulée de la même manière qu'en novembre 1956 en Pologne. Au mois de mai, la direction du PCT convoque pour le 9 septembre le XlV° Congrès du parti. Au cours de sa préparation, l'appareil est submergé, disloqué, balayé sous la pression des masses. Il ne fait aucun doute que l'appareil sera liquidé et que le PCT se disloquera au XIV° Congrès. Dans la nuit du 20 au 21 août, 500 000 hommes des armées russe, polonaise, est‑allemande, hongroise et bulgare envahissent la Tchécoslovaquie. Dubcek, Cernik, Smcrkowsky, Spacek, Kriegel, Suron sont arrêtés . Le comité de ville de Prague décide alors de convoquer par radio les délégués élus pour le XIV° Congrès. Il se tient clandestinement dans une usine du 9e arrondissement et élit une nouvelle direction.
« La classe ouvrière est le fer de lance de la résistance populaire ce sont les mineurs de Kladno, en grève dès le premier jour, imités par les mineurs des houillères de tout le pays, puis ceux des mines d'uranium. Ce sont les travailleurs des chemins de fer, qui arrêtent les transports de matériel en provenance d'Allemagne et de Russie et de troupes d'occupation. » (Pierre Broué.)
Une fois encore, la grève de masse rassemble la classe dans la résistance à l'oppression . Mais la direction politique n'est pas nette. Le XIV° Congrès renouvelle sa confiance aux « autorités légitimement désignées », nommément Dubcek et Svoboda. Il déclare qu'il lancera le mot d'ordre de grève générale à partir du 23 août à midi « si des pourparlers ne s'ouvrent pas dans les vingt‑quatre heures avec les autorités régulières du Parti et de l'État en vue du départ des troupes étrangères et si le camarade Dubcek n'en informe pas la nation en temps utile ». La bureaucratie du Kremlin devait se servir de Dubcek et de Svoboda en leur imposant les « accords » de Moscou, premier pas vers la « normalisation ». La grève générale n'aura pas lieu. De recul en recul, la bureaucratie du Kremlin imposera son gouvernement, la reconstruction de l'appareil, la « normalisation », l'épuration et la répression.
En revanche, en décembre 1970 et janvier 1971, la grève de masse mobilise le prolétariat polonais contre la bureaucratie :
Ainsi donc, les premiers mouvements révolutionnaires et les premières révolutions politiques contre les bureaucraties parasitaires, pour les renverser ont mis en évidence la place que la grève de masse, la grève générale, occupe dans le processus révolutionnaire. Celui‑ci ne se limite pas cependant à la grève de masse, à la grève générale; il inclut la constitution de comités, de soviets les manifestations de masse, les combats de rue, la lutte politique sous de multiples formes. La nécessité de la direction révolutionnaire n'est pas moins grande pour conduire à la victoire la révolution politique qu'elle ne l'est pour conduire à la victoire la révolution sociale. Dans les pays où le capital a été exproprié mais où le prolétariat doit chasser du pouvoir une bureaucratie parasitaire et usurpatrice, la grève générale n'est pas moins également « le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs ». Son importance et son efficacité sont d'autant plus grandes que les rapports de production sont des rapports de production de transition entre le capitalisme et le socialisme, que l'État est propriétaire de l'essentiel des moyens de production. De ce fait, la grève générale ébranle les fondements de l'appareil d'État. La classe ouvrière n'en doit pas moins, pour vaincre, s'emparer du pouvoir politique, constituer un nouvel appareil d'État qui, sur la base des rapports de production, lui assure le pouvoir.
Très souvent on semble vouloir l'ignorer, mais y compris à Cuba et au Nicaragua la grève générale a été au centre du processus révolutionnaire qui a abattu la dictature de Batista, puis, vingt ans après, celle de Somoza.
Cuba, fin décembre 1958‑début janvier 1959 :
« La grève ouvrière nationale dura plus d'une semaine : ce fut un facteur décisif de la victoire qui anéantit les tentatives de coup d'État militaire, de médiation américaine et consolida le nouveau pouvoir révolutionnaire… Il y avait plusieurs dizaines de milliers d'hommes qui possédaient toutes les armes, tandis que l'armée et les milices rebelles ne comptaient pas plus de 5 000 hommes, dont beaucoup sans fusil, pour tout le pays. La grève a pesé de façon décisive dans la balance pour désarmer psychologiquement les militaires. De même que le refus massif du peuple de voter aux élections du 3 novembre 1958 avait été un autre facteur décisif. La grève générale fut l'instrument de la victoire, le Mouvement du 26 juillet est dans tout le pays la colonne vertébrale de cette victoire, et Fidel le chef incontesté. » (Journal de la révolution cubaine, Carlos Franqui.)
Au Nicaragua, le rapport de Luis Favre à la 9° session du bureau international du Comité d'organisation pour la reconstruction de la IV° Internationale, que le n° 589 de « La Vérité » a publié, souligne :
« La grève générale de trois mois ‑ devenue insurrectionnelle ‑, l'armement des masses dans le cours même de la guerre civile, les occupations de terres par les paysans, la constitution de milices et l'offensive militaire déclenchée par le Front sandiniste de libération nationale : tous ces éléments réunis sont venus à bout de la résistance de Somoza et de la Garde nationale.
( ... ) Avec l'aide d'un encadrement de l'armée du Panama, le FSLN masse ses troupes, sous la direction d'Eden Pastora, à la frontière du Costa Rica. L'objectif proclamé est celui d'occuper la ville de Rivas, au sud du pays, et d'installer le gouvernement provisoire dans le territoire même du Nicaragua. Cela aux fins d'obtenir la reconnaissance internationale du gouvernement et l'assurer ainsi d'une aide militaire et aussi de l'intervention directe des troupes du Panama et du Venezuela, qui assurent déjà un appui logistique et d'encadrement au FSLN.
Le FSLN lance, comme nous l'avons dit, un appel à la grève générale à partir du 4 juin. Sa nature d'organisation révolutionnaire petite‑bourgeoise, son caractère hétérogène, le fait qu'il veut véritablement en finir avec Somoza, expliquent qu'il peut appeler à la grève générale, participer et même impulser la constitution des comités et milices pour cette lutte.
Les troupes du FSLN n'atteindront cependant pas leurs objectifs et c'est l'intervention des masses, en particulier à Hasaya, Esteli et Leon, qui infligera les coups les plus décisifs à la Garde nationale.
Enfin, en dehors de tout mot d'ordre du FSLN, c'est le soulèvement de Managua, la capitale, qui fera pencher la balance définitivement en faveur des masses, de leurs milices et de leurs comités, et qui provoquera le départ de Somoza et la destruction de l'ancien régime.
C'est donc la grève générale, l'armement des masses, l'insurrection, auxquels se joignent les actions militaires du FSLN, qui en ont fini avec la dictature haïe. »
En ce qui concerne l'Iran, la déclaration du Comité d'organisation pour la reconstruction de la IV° Internationale résume rapidement le processus révolutionnaire qui a renversé le régime du chah :
« C'est en six mois que la dictature du chah a été réduite en miettes. En août 1978, après l'atroce provocation de l'incendie d'un cinéma à Abadan, 50 000 manifestants défient la police, criant : " Chah, nous te brûlerons ! "
Le 8 septembre, c'est le "vendredi noir". Fort de l'appui de l'impérialisme, de celui de la bureaucratie stalinienne, de celui de la bureaucratie de Pékin, le régime impérial compte sur la meurtrière efficacité de ses forces de répression. A Téhéran, c'est à la mitrailleuse lourde que l'armée ouvre le feu sur une immense manifestation.
Mais, dès le 24 septembre, le mouvement rebondit : c'est la grève des travailleurs du pétrole qui va déboucher sur la grève générale.
En janvier, le chah prend la fuite. Très vite, le gouvernement Bakhtiar semble s'évanouir, l'armée commence à se désagréger, les commandes de l'appareil d'État ne répondent plus. La grève générale paralyse le pays. Le 10 février, c'est l'insurrection qui éclate, et, en quelques heures, le feu de la révolution va gagner tout Téhéran, et bientôt tout le pays. »