1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

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"Nouvelles avant-gardes" ? Non ! Reconstruction de la IV° Internationale !


La théorie de la révolution permanente et « l'objectivisme »

La dislocation de la théorie de la Révolution permanente et sa transformation en son contraire s'opèrent en ayant recours à « l'objectivisme », façon de procéder utilisée par Pablo dès 1951‑1953. Pour camoufler sa capitulation devant la bureaucratie du Kremlin, il expliquait alors que les « forces objectives » contraindraient les appareils bureaucratiques des bureaucraties parasitaires à accomplir les tâches de la révolution prolétarienne au cours des « siècles de transition », en utilisant leurs voies et moyens propres. En réalité, il admettait comme inéluctable et nécessaire la bureaucratie du Kremlin. De révolution prolétarienne et de socialisme, il n'était plus question. Ses émules ne procèdent pas autrement, à l'égard de la petite bourgeoisie radicale et des bureaucrates parasitaires. L'objectivisme maquille la renonciation à la révolution prolétarienne et au socialisme. La puissance des « conditions objectives », dont on se demande bien ce qu'elles sont, serait si grande que le prolétariat défaillant, ses tâches seraient accomplies par d'autres classes ou couches sociales. Mais comme une classe ou une couche sociale ne peut combattre que pour ses intérêts de classe, il s'agit tout simplement d'un camouflage.

Avant 1917, la théorie de la Révolution Permanente était entachée d'un certain « objectivisme », encore que nullement comparable à celui des renégats à la IV° Internationale. Trotsky laissait de côté la question du parti et de l'Internationale. Il pouvait apparaître que la théorie de la révolution permanente s'accordait à une conception spontanéiste de la lutte de classe du prolétariat. Mais les relations et contradictions entre les classes à l'échelle nationale et à l'échelle internationale qui forment le tissu constitutif de la théorie de la Révolution Permanente se nouent et se résolvent par la lutte et l'affrontement politiques.

Elles ne se développent pas mécaniquement. Leur cours et leur issue dépendent des moyens, des instruments, des formes d'organisation politique dont disposent les classes et couches sociales. Lénine utilisa longtemps la formule algébrique « dictature démocratique des ouvriers et des paysans » qui ne décidait pas laquelle des forces sociales alliées jouerait le rôle dirigeant au cours de la Révolution Russe. Mais plus et mieux que quiconque, il appréhenda ce qu'écrivait Marx et Engels après la révolution de 1848 : « Les ouvriers (ne doivent pas) se laisser détourner un seul instant par les phrases hypocrites des petits bourgeois de l'organisation autonome du parti du prolétariat. » Sans le parti bolchévique, le prolétariat n'eût pas pris le pouvoir en octobre 1917 en Russie. Sans lui, la réalisation des tâches démocratiques bourgeoises sous la dictature du prolétariat qui s'empare du pouvoir au compte de la révolution prolétarienne mondiale et s'engage sur la voie du socialisme, la révolution permanente seraient restées une tendance plus ou moins développée mais finalement avortée. Le prolétariat pour réaliser ses tâches historiques a besoin des organisations, des instruments politiques, du parti adéquat. Trotsky après 1917, en même temps qu'il donnait comme fondement à la théorie de la Révolution Permanente l'analyse de l'impérialisme stade suprême du capitalisme, faisait de la conception bolchévique du parti et de l'Internationale la clé de voûte de la théorie de la révolution permanente. La première phrase de la thèse 4 le spécifie :

«Quelles que soient les premières étapes épisodiques de la révolution dans les différents pays, l'alliance révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie n'est concevable que sous la direction politique de l'avant-garde prolétarienne, organisée en parti communiste ».

Il est impossible de traiter de la Révolution Permanente, sauf à falsifier, sans mettre en son centre les rapports politiques entre les classes, et à l'intérieur des classes, à l'échelle nationale et internationale, la question du parti et de l'Internationale. Nous en revenons à la fameuse formule du programme de fondation de la IV° Internationale « La crise de l'humanité est la crise de la direction révolutionnaire » dont la solution dépend de la lutte consciente et organisée pour la construction de la IV° Internationale. La théorie de la Révolution Permanente prise globalement rend compte du mouvement du prolétariat de chaque pays et du prolétariat mondial sans être un schéma abstrait et supra-historique, car elle inclut les termes du programme de fondation de la IV° Internationale: les relations entre la crise de l'impérialisme, le processus inconscient et la nécessité de son expression consciente par la médiation des partis révolutionnaires et de l'Internationale. L'Internationale et ses partis sont compris par la théorie de la révolution permanente comme indispensables au prolétariat pour qu'il s'érige en classe dominante qui maîtrise, en même temps que sa propre histoire, l'histoire de l'humanité.

Cette conception de la théorie de la Révolution Permanente permettait à Trotsky de formuler la fameuse « variante » :

« La création d'un tel gouvernement (un gouvernement ouvrier-paysan) par les organisations ouvrières traditionnelles est‑elle possible ? L'expérience antérieure nous montre comme nous l'avons déjà dit que c'est pour le moins peu vraisemblable. Il est cependant impossible de nier catégoriquement par avance la possibilité théorique de ce que sous l'influence d'une combinaison tout à fait exceptionnelle de circonstances (guerre, défaite, krach financier, offensive révolutionnaire des masses, etc.) des partis petits-bourgeois, y compris les staliniens, puissent aller plus loin qu'ils ne le veulent eux-mêmes dans la voie de la rupture avec la bourgeoisie. En tout cas, une chose est hors de doute : si même cette variante, peu vraisemblable, se réalisait un jour quelque part, et qu'un « gouvernement ouvrier et paysan » dans le sens indiqué plus haut, s'établissait en fait, il ne représenterait qu'un court épisode dans la voie de la véritable dictature du prolétariat ».

Une semblable « combinaison tout à fait exceptionnelle de circonstances » se produisit précisément à la fin et au lendemain de la II° guerre impérialiste mondiale. D'elle, est née la révolution chinoise. L'effondrement des impérialismes anglais, français, hollandais, sous les coups de l'impérialisme japonais, de celui-ci sous les coups de l'impérialisme U.S., la totale décomposition de la bourgeoisie et de l'Etat bourgeois chinois, l'incapacité de l'impérialisme U.S. à relayer en Asie les impérialismes effondrés, alors qu'il devait soutenir à bout de bras en Europe ces vieilles puissances impérialistes, le mouvement déferlant des paysans chinois, contraignirent le Parti Communiste chinois à s'emparer du pouvoir. A la tête de la paysannerie, le P.C.C. était un parti ouvrier par son origine, et non un parti paysan. Il est né, comme parti de la Ill° Internationale, sous l'impulsion de la Révolution d'Octobre. Que la classe ouvrière ne se soit pas mise en mouvement et qu'au lieu de l'appeler à engager le combat le P.C.C. ait tout fait pour l'immobiliser au cours de la période révolutionnaire ne supprima pas l'origine du P.C.C., n'ôta rien à ses liens avec le prolétariat et l'intelligentsia des villes.

C'est comme parti du prolétariat qu'il prit la tête de la révolution chinoise. D'autre part, au cours des longues années de la guerre civile ouverte ou larvée, de guerre contre l'intervention japonaise, ses liens de subordination au Kremlin s'étaient rompus. La révolution chinoise, la politique du P.C.C., sa nature, exigent une étude spéciale [1]. Mais au lendemain de la révolution, le gouvernement correspondait à ce type de gouvernement dont Trotsky admettait la possibilité « comme court épisode dans la voie de la dictature du prolétariat ». Celle‑ci ne s'est pas encore réalisée mais un Etat ouvrier déformé dès son origine fut constitué qui expropria la bourgeoisie. Le P.C.C. vérifia en ce sens la théorie de la Révolution Permanente. Cependant, si loin qu'il dut aller, il se dresse à chaque moment comme obstacle au développement de la révolution vers une authentique dictature du prolétariat en Chine, à son intégration ouverte et consciente à la révolution prolétarienne mondiale. La « révolution culturelle » a démontré tout à la fois la nécessité de poursuivre la révolution en Chine « en permanence », la tendance profonde qui y pousse et l'obstacle que constitue le P.C.C. Un parti qui se situe sur le programme de la IV° Internationale est indispensable en Chine comme ailleurs pour que la révolution se poursuive en permanence, par la révolution politique.

Seule l'analyse des rapports politique entre les classes et à l'intérieur des classes à l'échelle nationale et internationale en utilisant la méthode la révolution permanente, à partir de la crise d'une profondeur sans précédent de l'impérialisme mondial, rend compte du rôle joué par la petite bourgeoisie radicale au cours de ces vingt dernières années, et notamment à Cuba. La décomposition du régime de Batista était si grande que même l'impérialisme U.S. cherchait une « solution de rechange ». Loin de s'opposer à la prise du pouvoir par Fidel Castro et le mouvement du 26 juillet, il retira son appui à Batista. Le mouvement du 26 juillet fut un mouvement de la petite bourgeoisie des villes qui s'appuya sur la paysannerie. Pendant toute la guérilla, il ne fit pas appel au prolétariat dont l'action politique sur son propre plan de classe était entravée par le Parti communiste cubain.

La victoire de Fidel Castro et du mouvement du 26 juillet, fut celle d'un parti petit-bourgeois ayant le soutien de la paysannerie pauvre et la sympathie du prolétariat, mais sans que celui-ci intervienne sur son propre plan et selon ses objectifs propres. Mais la défaite de Batista galvanisa aussi bien la paysannerie que le prolétariat.

Les masses ne toléraient plus la main‑mise de l'impérialisme américain sur l'essentiel de l'économie de l'île, sans qu'elles disposent cependant de leur autonomie politique. De son côté, la petite bourgeoisie radicale aspirait à l'indépendance économique et politique, à une économie nationale formant une entité propre donnant un fondement et un cadre au développement de la bourgeoisie et du capital cubains. Les relations entre l'impérialisme U.S., la bourgeoisie compradore, et le mouvement du 26 juillet se tendirent jusqu'à leur point de rupture. Pris entre les exigences de l'impérialisme, celles des masses et de la petite bourgeoisie radicale, Fidel Castro et son mouvement furent entraînés plus loin qu'ils ne l'avaient prévu dans la rupture avec l'impérialisme et la bourgeoisie compradore. Ils prirent des mesures extrêmement radicales : expropriations des sociétés étrangères, réformes agraires relativement étendues, épuration du gouvernement et de l'appareil d'Etat, appui sur des organismes de masses. Le gouvernement cubain acquit des caractéristiques d'un gouvernement ouvrier et paysan. Il restait cependant et demeure un gouvernement bonapartiste petit ‑ bourgeois. L'appareil d'Etat reste d'origine et de nature sociale bourgeoise, quoiqu'il ait été très altéré. Le prolétariat, par l'encadrement du Parti uni de la révolution socialiste, qui a intégré au mouvement du 26 juillet le P.C.C., par l'intégration des syndicats à l'Etat, est subordonné à l'Etat. L'ampleur des nationalisations et le « plan » ne modifient pas la nature et l'origine sociale de l'Etat. La petite-bourgeoisie cubaine est incapable de prendre en charge le développement économique. L'Etat au moyen des nationalisations et du plan tente de procéder à une sorte d'accumulation primitive. L'échec du développement d'une économie cubaine diversifiée et constituant une unité organique obligea Castro et son gouvernement à s'orienter vers la monoculture et la spécialisation dans la production de sucre de canne pour le marché mondial. La vente du sucre sur le marché mondial, selon les normes capitalistes, la réalisation de la plus-value cristallisée dans cette marchandise commandent toute l'économie cubaine. Or, de plus, malgré une mobilisation sans précédent, la zafra de 10 millions de tonnes de sucre fut à son tour un échec. De plus en plus, le gouvernement bonapartiste petit bourgeois et l'économie cubaine dépendent de l'aide économique que leur dispense la bureaucratie du Kremlin et pour qui Cuba représente une carte à jouer éventuellement dans ses rapports avec l'impérialisme U.S. Le régime de Castro repose sur le maintien d'un équilibre entre les classes à Cuba et dans le monde, et entre l'impérialisme et la bureaucratie du Kremlin, qui se rompra inéluctablement.

En soi, les échecs économiques ne condamneraient pas Fidel Castro et son gouvernement, s'il n'y avait derrière la tentative petite‑bourgeoise d'assurer de cette façon l'indépendance nationale. A l'époque impérialiste pour tous les pays l'indépendance nationale est toujours relative. Dans les pays économiquement arriérés elle ne saurait être acquise que par la prise du pouvoir par le prolétariat, la transformation des rapports sociaux qui conditionnent un développement spécifique de l'économie. Mais, y compris dans des pays comme l'U.R.S.S. et la Chine, aux énormes ressources naturelles, cela n'est vrai qu'à l'intérieur de certaines limites. Plus croît et se diversifie l'économie plus devient indispensable l'intégration au marché mondial et à la division internationale du travail. Finalement, pour tous les pays, l'indépendance nationale dépend du mode de production social mondial. La prise du pouvoir par le prolétariat dans chaque pays, l'établissement des rapports de production socialistes à l'échelle mondiale, sont les seules garanties à l'indépendance nationale de chaque pays, parce que les rapports entre peuples deviendront coopératifs. La direction petite bourgeoise cubaine combat ouvertement cette solution : la seule solution, surtout pour un pays aussi limité que Cuba qui subit forcément brutalement et immédiatement la « dictature » du marché mondial et de la division internationale du travail, dominés par l'impérialisme. Cette tâche démocratique bourgeoise ‑ l'indépendance nationale elle n'a pu la réaliser. Cuba dépend étroitement de l'impérialisme et de la bureaucratie du Kremlin, malgré l'étendue des nationalisations : l'indépendance nationale y est formelle, comme pour tous les pays qui ont accédé au cours de ces vingt‑cinq dernières années à l'indépendance politique. La tentative d'édifier une économie nationale, que l'on pourrait qualifier faute d'un meilleur terme, de capitalisme d'Etat, compte tenu de l'origine sociale et politique de l'Etat cubain, a été poussée plus loin que dans aucun pays économiquement arriéré : son échec est d'autant plus démonstratif.

La seule issue est que le prolétariat s'empare du pouvoir et reprenne à son compte les nationalisations et le plan en transformant radicalement leur contenu et leurs objectifs, par l'institution d'un Etat ouvrier, dans la perspective de la révolution prolétarienne en Amérique Latine et en Amérique du Nord. Autrement les nationalisations deviendront obligatoirement une source de prébendes et de pillage pour une petite bourgeoise rapace qui aspire à se renforcer. Elles n'auront d'autres significations que celles réalisées par Nasser, Ben Bella, et tant d'autres. A Cuba, la révolution sociale reste à faire, la petite bourgeoisie radicale a préparé le terrain, le soc de la révolution prolétarienne doit passer.

Il est incontestable qu'au cours de ces vingt‑cinq dernières années, la bourgeoisie et la petite bourgeoisie des pays économiquement arriérés ont joué un rôle beaucoup plus considérable que l'histoire semblait encore leur réserver. Les révisionnistes de toutes origines, à commencer par les renégats à la IV° Internationale, se sont immédiatement enthousiasmés et mis à leur service. Il suffisait que Castro prononce un discours formellement à la gauche du stalinisme et sans plus attendre il devenait « un marxiste naturel », le rénovateur du marxisme dépassant Trotsky lui‑même, l'O.L.A.S. devenait la nouvelle Internationale. Le rôle épisodique de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie radicales s'explique par la force contraignante du stalinisme sur les prolétariats des pays économiquement développés comme sur ceux des pays économiquement arriérés sur le fond général de la crise de l'impérialisme. Le prolétariat d'Europe en ébranlant tout le système impérialiste mondial multiplia les possibilités des peuples coloniaux ou semi‑coloniaux de s'engager dans les luttes pour l'indépendance nationale. Mais s'il affaiblissait l'impérialisme mondial en ses vieux bastions il ne l'abattait pas, l'appareil international du stalinisme dévoyait ses luttes. Pour les prolétariats des pays économiquement arriérés le contrôle exercé par le stalinisme sur les prolétariats des pays capitalistes aboutissait à leur isolement politique : aucun pôle politique et d'organisation ouvrant une perspective politique qui leur soit propre n'existait et ne leur permettait de constituer des partis qui intègrent leur lutte à celle du prolétariat mondial pour la révolution socialiste. Là où les partis staliniens existaient dans les pays économiquement arriérés, ils aliénaient l'indépendance de classe du prolétariat et collaboraient soit directement avec l'impérialisme, soit aux organisations petites bourgeoises ou bourgeoisies nationalistes. Garanties par cette politique, la bourgeoisie et la petite bourgeoisie des pays économiquement arriérés canalisèrent le mouvement du prolétariat et exploitèrent, dans certaines limites la crise de l'impérialisme. Selon les circonstances, elles manœuvrèrent entre l'impérialisme et la bureaucratie du Kremlin qui, éventuellement, leur apportait aide et assistance pour mieux en faire des objets de marchandage au cours de ses compromis avec l'impérialisme.

La théorie de la Révolution Permanente est entièrement confirmée par l'expérience de ces vingt‑cinq dernières années. La bourgeoisie et la petite bourgeoisie des pays coloniaux ou semi‑coloniaux restent incapables de résoudre les tâches démocratiques bourgeoises à l'époque impérialiste, les réformes sont toujours partielles et limitées, y compris la réforme agraire

La question centrale de l'indépendance nationale n'a pas été résolue et ne peut pas l'être. Le mouvement du prolétariat le pousse à dépasser les cadres limités que lui assignent la bourgeoisie et la petite bourgeoisie. Mais ce mouvement profond reste une tendance plus ou moins développée, le prolétariat, pour se mettre à la tête de la paysannerie, doit disposer d'un parti de classe. La théorie de la Révolution Permanente a été confirmée également sous son aspect suivant :

« La conquête du pouvoir par le prolétariat ne met pas un terme à la révolution elle ne fait que l'inaugurer. La construction du socialisme n'est concevable que sur la base de la lutte de classe à l'échelle nationale et internationale. Cette lutte, étant donné la domination décisive des rapports capitalistes sur l'arène mondiale, amènera inéluctablement des manifestations violentes, c'est‑à‑dire à l'intérieur des guerres civiles et à l'extérieur des guerres révolutionnaires. C'est en cela que consiste le caractère permanent de la révolution socialiste elle-même. qu'il s'agisse d'un pays arriéré qui vient d'accomplir sa révolution démocratique ou d'un vieux pays capitaliste qui a déjà passé par une longue période de démocratie et de parlementarisme ». (« Qu'est‑ce que la Révolution Permanente », thèse 9).

La nécessité de la Révolution politique en U.R.S.S., en Chine, dans les pays de l'Europe de l'Est, vérifie cette thèse : le prolétariat d'U.R.S.S. isolé n'a pu conserver le pouvoir. Il lui faut le reconquérir, tandis que ceux de Chine et de l'Europe de l'Est ont à le conquérir, par la révolution politique partie intégrante de la révolution prolétarienne mondiale.

La vérification de la théorie de la Révolution Permanente est éclatante en raison de la nouvelle période ouverte par mai‑juin 68 et du processus de révolution politique qui s'est engagé en Tchécoslovaquie pendant l'année 1968. Les rapports politiques qui résultaient de la crise de l'impérialisme, de sa décomposition croissante, mais où la bureaucratie du Kremlin et son appareil international avaient la force politique de contenir le prolétariat, d'appuyer les équipes bourgeoises ou petites bourgeoises nationalistes, s'épuisent. La crise de l'impérialisme se conjugue à celle de la bureaucratie du Kremlin et de son appareil international et cette combinaison libère le jeu normal des rapports entre les classes.

Tout comme la bureaucratie du Kremlin, les directions nationalistes bourgeoises et petites bourgeoises sont contraintes de s'aligner sur les forces de classes fondamentales en mouvement et de se plier aux exigences de l'impérialisme par crainte du prolétariat. « La question du caractère, des liens internes, et des méthodes de la révolution internationale en général » est posée avec plus de force et de clarté que jamais. La théorie de la Révolution Permanente repose sur l'hégémonie du prolétariat mondial, et du prolétariat de chaque pays comme partie du prolétariat mondial, dans la lutte de classe à l'ère de la révolution prolétarienne. Elle s'exprime programmatiquement par le programme de fondation de la IV° Internationale. Elle soulève la question de la lutte, au cours de la lutte de classe, et comme élément finalement de celle‑ci, pour la construction du parti révolutionnaire et de l'Internationale, à partir des conquêtes et des acquis du prolétariat. Elle constitue l'acquis théorique et politique le plus achevé né de plus d'un siècle de lutte du prolétariat, le concentré de son expérience, dont la conclusion ne saurait être autre que celle du programme de transition : il faut reconstruire le IV° Internationale pour que retentisse le vieux cri de guerre de Marx, « la révolution en permanence » jusqu'au socialisme.


Notes

[1] Voir brochure de P. Broué (Note de l’auteur).
Il s’agit de La question chinoise et l’Internationale Communiste Ed. EDI (Note de l’éditeur)


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