"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe
Les “ théories ” de Mandel exigent nombre de cabrioles des plus remarquables. L'une des plus belles consiste à réduire le Marché Commun à une chose en soi, “ interdépendante ” toutefois (Mandel trouve toujours le mot qui permet de masquer la dure réalité par le vague, le brouillard, le neutre, l'impalpable). A croire que le monde d'abord divisé en deux, ensuite en trois, se divise maintenant en quatre, selon les théories pablistes : “ le monde de la révolution coloniale ou tiers monde, le monde des États ouvriers, le monde capitaliste en général, le monde de l'Europe occidentale ” ‑ La bataille dans le champ clos du Marché Commun ou pour la pénétration au sein du Marché Commun ne peut absolument se séparer de celle qui se livre à l'échelle de la planète afin de trouver des débouchés aux marchandises et aux capitaux. Si l'impérialisme allemand, si l'impérialisme français, si l'impérialisme italien, tentent de monopoliser à leurs profits le Marché Commun, s'efforcent non seulement de dominer le marché, mais encore de s'emparer des moyens de production de leur concurrents, soit pour les détruire, soit pour se les subordonner et les adapter à leurs propres besoins, la raison en est la lutte sur le marché mondial. De la même manière, si l'impérialisme américain, l'impérialisme anglais, et dans une certaine mesure, l'impérialisme japonais, sautent par‑dessus les barrières du Marché Commun, l'investissent et s'y implantent, c'est qu'il représente un des éléments du marché mondial et de la division internationale du travail : la pénétration et l'implantation dans le Marché Commun est indispensable à la défense et à l'extension des positions sur le marché mondial et au sein de la division internationale du travail, à l'exportation des marchandises et des capitaux de chaque impérialisme sur le marché mondial.
Le capitalisme d'Allemagne Occidentale réalise plus de 10 % du commerce mondial, il renforce ses positions en Europe afin de pénétrer plus puissamment sur le marché mondial, élargir sa base et la renforcer en vue d'ouvrir de nouveaux débouchés à ses marchandises et à ses capitaux à l'échelle mondiale. Il n'a pas le “ choix ”. Le capitalisme français, tout décadent qu'il soit, n'a pas, ne peut avoir d'autre ligne de conduite. Le capital italien procède de la même façon. La firme Fiat représente un exemple type d'entreprise “ européenne ”. Elle ressemble à une énorme pieuvre ayant son corps en Italie et dont les multiples tentacules s'étendent en Europe occidentale. Un holding, l'Instituto Financiare Industriale, donne la main mise à la famille Agnelli, qui le contrôle à 70 %, sur toute une série d'affaire§ en Europe occidentale et en Italie. Mais cette puissance fut un élément décisif qui lui permit d'enlever à Renault l'équipement de l'usine géante de construction de voitures de Togliatti sur la Volga en U.R.S.S., qui construira sans licences 600.000 Fiat 104 chaque année. Il lui est ainsi possible d'exporter dans tous les pays 400.000 voitures, le tiers de sa production annuelle, plus 24.000 autres assemblées sur place dans les 5 continents.
N'en déplaise à !'honorable Mandel, les plus “ européens ” des “ européens ” savent pertinemment que l'Europe s'intègre au marché mondial, à la division internationale du travail, et surtout que les frontières de l’Europe ne vont pas de l’Elbe à Trieste, car c’est une des particularités de la conception Mandelo‑pabliste de l'unité de l'Europe que d'en exclure l'Est de l'Europe et l'URSS.
Nous l'avons déjà vu, Mandel estime que :
“ Après l'échec deux fois répété d'une expansion violente vers l'Est, les forces productives d'Allemagne Occidentale essaient aujourd'hui de sortir de leurs étroites frontières nationales en se frayant un passage pacifique vers l'ouest par des méthodes commerciales ”.
Il ne s'arrête pas en si bon chemin, il limite “ ses ” États‑Unis socialistes d'Europe à l'Europe Occidentale. Une “ Europe socialiste ”, made in Mandel, reprendrait :
“ l'idée proposée par Lord Chalfont, sous forme de chantage, de former une “ communauté technologique ” avec l'Union Soviétique et d'autres pays de l'Est (qui) pourrait constituer une solution transitoire, en attendant que la nouvelle génération de l'“ intelligentsia socialiste ” soit parvenue au meilleur de ses possibilités ” (idem page 160).
Non seulement “ l'Europe Socialiste ”, fabrication Mandel, s'arrête là où commence le contrôle de la bureaucratie du Kremlin, mais encore après que “ l'intelligentsia socialiste ” sera parvenue au meilleur de ses possibilités même la “ communauté technologique ”, n'aura plus de raison d'être ! D'une part, Mandel suppose “ l'intelligentsia socialiste ”, à son niveau intellectuel, bien au‑dessous de celle d'un de ses maîtres à penser (pardon, à élaborer des concepts) Lord Chalfont (après vous Milord), d'autre part, il respecte la “ coexistence pacifique ” à l'exemple “ des forces productives ” (d'aucuns diraient le capitalisme) d'Allemagne occidentale ; ensuite, il construit son petit socialisme aux limites de l'Europe Occidentale (à chacun son socialisme dans une aire géographique bien déterminée et “ les forces productives ” seront bien gardées, eût expliqué Staline).
Les “ forces productives ” n'ont pas la bienséance de l'honorable Mandel. D'abord, elles ont horreur de l'anonymat. Elles ne sont pas “ forces productives ” en général, mais “ forces 'productives ” d'un mode social de production donné. Les “ forces productives ” de l'Allemagne Occidentale, de tous les pays capitalistes du monde, tendent à faire leur jonction avec les “ forces productives ” des pays de l'Est de l'Europe, de l'U.R.S.S., (le la Chine, de tous les pays qui ont échappé au mode de production capitaliste. Inversement, les “ forces productives ” des pays de l'Est de l'Europe, de l'U.R.S.S., de Chine, ont également besoin de faire leur liaison avec celles du reste du monde. Depuis Staline, Mandel est le seul à ne pas en convenir. Il ne peut néanmoins passer sous silence la croissance des échanges entre l'Europe de l'Ouest, l'Europe de l'Est, l'U.R.S.S., la Chine “ de 1958 à 11,67, les exportations de la C.E.E. vers les pays de l'Europe de l'Est passèrent de 624 millions de dollars à 2,1 milliards de dollars ”. Il constate même que :
“ Depuis le milieu de l'année 1966, le bloc oriental (sic) ne se contente plus de jouer le rôle d'un marché privilégié pour les marchandises européennes; il s'approche du point où des exportations modestes de capitaux en provenance des pays impérialistes européens deviennent possibles. La construction de complexes industriels par des firmes occidentales est assortie de crédits à longues durées et de conditions d'intérêts telles que l'on peut parler d'un véritable placement de capitaux ”.
Il n'en tire cependant aucune conséquence. Ces phénomènes sont vraisemblablement à ranger dans la catégorie pabliste “ interdépendance des quatre mondes ”.