"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme ou nouvelle époque historique ?
« Toutes les caractéristiques actuelles du milieu étudiant ne font qu'exprimer un phénomène fondamental souligné par le camarade E. Mandel, le 9 mai à la Mutualité, à savoir la réintégration du travail intellectuel dans le travail productif, la transformation des capacités intellectuelles des hommes en principales forces productives de la société » (Daniel Bensaïd, Henri Weber « Mai juin 68, une répétition générale » page 29).
L'ensemble des théories révisionnistes sur la troisième révolution industrielle, la « prodigieuse croissance des forces productives au cours de ces vingt cinq dernières années », qui vont directement à l'encontre des analyses et des perspectives de Lénine et de Trotsky, veulent trouver un pilier dans les écrits de Marx. Ils en appellent contre Lénine et Trotsky, à Marx. Ainsi, à l'instigation de Mandel, Bensaïd et Weber renvoient ils par une note en bas de page à une « citation » de Marx qu'ils reproduisent d'après... Marcuse (du travail sérieux !). En fait, ils se réfèrent (par procuration) à certains passages des « Fondements de la critique de l'économie politique ». Marx y explique (pages 221 222) :
« L'échange du travail vivant contre du travail objectivisé, c'est à dire la manifestation du travail social sous la forme antagonique du capital et du salariat est l'ultime développement de la valeur et de la production fondée sur la valeur. La prémisse de ce rapport est que la masse du temps de travail immédiat, la quantité de travail utilisée représente le facteur décisif de la production des richesses. or, à mesure que la grande industrie se développe, la création de richesses dépend de moins en moins du temps de travail et de la quantité de travail utilisée, et de plus en plus de la puissance des agents mécaniques qui sont mis en mouvement pendant la durée du travail. L'énorme efficience de ces agents est, à son tour sans rapport aucun avec le temps de travail immédiat que coûte leur production. Elle dépend bien, plutôt, du niveau général de la science et du progrès de la technologie ou de l'application de cette science à la production. (Le développement des sciences parmi lesquelles celles de la nature ainsi que toutes les autres est bien sûr fonction du développement de la production matérielle).
L'agriculture, par exemple, devient une simple application de la science du métabolisme matériel de la nutrition et le mode le plus avantageux de sa régulation pour l'ensemble du corps social.
La richesse réelle se développe maintenant, d'une part grâce à l'énorme disproportion entre le temps de travail utilisé et son produit et, d'autre part, grâce à la disproportion qualitative entre le travail, réduit à une pure abstraction, et la puissance du procès de production qu'il surveille ; c'est ce que nous révèle le grande industrie. Le travail ne se présente pas tellement comme une partie constitutive du procès de production. L'homme se comporte bien plutôt comme un surveillant et un régulateur du procès de production (cela vaut non seulement pour la machinerie, mais encore pour la combinaison des activités humaines et le développement de la circulation entre individus).
Le travailleur n'insère plus, comme intermédiaire entre le matériau et lui, l'objet naturel transformé en outil ; il insère à présent le procès naturel, qu'il transforme en un procès industriel comme intermédiaire entre lui et toute la nature, dont il s'est rendu maître. Mais lui même trouve place à côté du procès de production, au lieu d'en être l'agent principal.
Avec ce bouleversement, ce n'est ni le temps de travail utilisé, ni le travail immédiat effectué par l'homme qui apparaissent comme le fondement principal de la production de la richesse ; c'est l'appropriation de sa force productive générale, son intelligence de la nature et sa faculté de la dominer, dès lors qu'il s'est constitué en un corps social : en un mot, le développement de l'individu social représente le fondement essentiel de la production et de la richesse. »
Même en interrompant ici la citation (ce qui, une fois de plus est une belle et significative escroquerie) faire dire à Marx que la science et la technique sont devenues des forces productives directes est un singulier tour de passe passe : « c'est l'individu social (socialisé) qui représente le fondement essentiel de la production et de la richesse ». La force productive par excellence, c'est l'homme socialisé. Le « procès naturel, transformé en procès industriel » est seulement « l'intermédiaire entre lui et la nature dont il s'est rendu maître ». Au cours de la transformation des moyens de production de « l'outil au procès industriel » se forme et se développe « sa force productive générale, son intelligence de la nature et sa facilité de la dominer, dès lors qu'il s'est constitué en un corps social ». Encore faut il qu'il se l'approprie . Il n'y pas d'abstractions qui seraient « la science et la technologie » existantes et opérantes par elle mêmes : ce sont des produits sociaux qui n'existent qu'en fonction du corps social et sont conditionnés par lui.
Mais le « corps social » n'est pas non plus une abstraction : il s'agit du corps social où le « travail social se manifeste sous la forme antagonique dit capital et du salariat (qui) est l'ultime développement de la valeur et de la production fondée sur la valeur ». Ce corps social, parce qu'il crée les conditions où « à mesure que la grande industrie se développe, la création de richesse dépend de moins en moins du temps de travail et de la quantité de travail utilisée, et de plus en plus des agents mécaniques qui sont en mouvement pendant la durée du travail », où « l'énorme efficience de ces agents est à son tour sans rapport aucun avec le temps de travail immédiat que coûte leur production » pousse au paroxysme les contradictions sociales que la loi de la valeur exprime abstraitement : contradiction d'un mode de production dont le moteur est la production de la plus value et sa transformation en capital élargi ; c'est à dire l'appropriation par les possesseurs des moyens de production, justement, du temps de travail non payé ; contradiction entre les créateurs de la valeur, la classe ouvrière, qui produisent la plus value, et les possesseurs des moyens de production qui extorquent cette plus value.
Si ces gens qui font des gloses sur « la science force productive directe » voulaient bien pousser leur lecture jusqu'au bas de la page 222 seulement, ils liraient :
« Ce capital est une contradiction en procès : d'une part il pousse à la réduction du temps de travail à un minimum et, d'autre part, il pose le temps de travail comme la seule source et la seule mesure de la richesse. Il diminue donc le temps de travail sous sa forme nécessaire pour l'accroître sous sa forme de sur travail. Dans une proportion croissante, il pose le sur travail comme la condition - question de vie ou de mort du travail nécessaire ».
La « science et la technique » sont par là même, à un certain point de développement du mode de production bourgeois, tant que subsiste ce mode de production des facteurs d'une fantastique destruction de forces productives et se retournent contre le développement de la « science et de la technique »
« Si le temps de travail est la mesure de la richesse c'est que la richesse est fondée sur la pauvreté et que le temps libre résulte de la base contradictoire du sur travail ; en d'autres termes cela suppose que tout le temps de l'ouvrier soit posé comme du temps de travail et que lui même soit ravalé au rang de simple travailleur et subordonné au travail.
« C'est pourquoi, la machinerie la plus développée contraint aujourd'hui l'ouvrier à travailler plus longtemps que ne le faisait le sauvage ou lui même lorsqu'il disposait d'outils plus rudimentaires et primitifs. » (page 225).
Le « temps libre » conditionne le développement de la science, de la technique, de la culture. Mais la gigantesque croissance du capital exige pour être mis en valeur, toujours et toujours plus de surtravail de la part de centaines de millions de travailleurs, comme condition du « temps libre » d'une minorité de la société. Il s'agit déjà d'une incalculable destruction de « forces productives ». De même que la condition de la richesse à un pôle de la société bourgeoise implique la pauvreté à l'autre pôle, le développement de la science et de la technique implique que par masses de centaines de millions, hommes et femmes aient leur force vitales, leurs forces créatrices détruites. Et lorsque des centaines de millions d'autres hommes et de femmes, dépourvus des moyens de production, ont du temps libre, tout leur temps libre, c'est qu'ils ne peuvent vendre la seule chose qu'ils possèdent, leur force de travail. Ils deviennent de simples rebuts de la société : voilà ce que signifie « le temps libre », pour les travailleurs tant que subsistent les rapports de productions bourgeois.
« Le travail immédiat en tant que tel cesse d'être le fondement de la production, puisqu'il est transformé en une activité qui consiste essentiellement en surveillance et en régulateur ; tandis que le produit cesse d'être créé par le travailleur individuel immédiat et résulte plutôt de la combinaison de l'activité sociale que de la simple activité du producteur ». (Page 227).
Il va de soi que transformés en simples appendices de la machine pendant tout leur temps, les travailleurs qui n'ont pas de temps libre subissent la « combinaison » de l'activité sociale, tandis que les travailleurs qui ont tout « leur temps libre », en sont purement et simplement rejetés. La « Science et la Technique » tant que le capital fonctionne comme capital, déjà de ce seul point de vue, celui de la force productive sociale, aboutissent à une incommensurable destruction de forces productives, et ont comme conséquence le renforcement d'entraves, toujours plus étroites, au développement de la science et de la technique, duquel l'énorme majorité de la population mondiale est rejetée.
Il n'est pourtant pas possible de s'arrêter là. « La combinaison de l'activité sociale » n'est pas indépendante des rapports sociaux de production. Elle est déterminée par l'exigence de l'accaparement du surtravail et sa transformation en capital élargi. L'emploi du « temps libre » des uns est aussi conditionné par la nécessité de la production de la plus value et de sa réalisation, autrement dit par la suppression de tout temps libre pour les autres, ainsi que par tout « le temps libre » de ceux qui sont rejetés du cycle de la production. Outre un gigantesque parasitisme social, armées, polices, curés, idéologues, philosophes, administrateurs, avocats, juges, appareils d'états, de gouvernements, politiciens, tondeurs de coupons, millions et millions de travailleurs obligés de vendre leur force de travail, mais employés dans des fonctions non productives etc., indispensables au fonctionnement de la société bourgeoise, mais qui eux aussi représentent une destruction massive de forces productives, aussi bien parce qu'ils ne produisent pas, que par ce qu'ils consomment, la division sociale du travail et l'exigence de produire la plus value, conditionnent le développement et le sens du développement de la « science et de la technique ».
Autrement dit, ceux qui disposent de leur « temps libre » et le consacrent au développement de la « science et de la technique » développent celles ci en fonction des exigences du mode de production capitaliste, de la production de la plus value selon le stade historique où sont parvenus les rapports sociaux de production bourgeois, et, bien sûr, l'application qui est faite de la « science et de la technologie » dépend des mêmes conditions.
Scientifiques, techniciens, et autres, n'échappent pas à la division sociale du travail, leurs travaux sont conditionnés par les exigences du « corps social », leur savoir même est mutilé. 7 000 000 d'étudiants aux U.S.A., 1 700 000 en Europe occidentale ? Que signifient ces chiffres par eux mêmes ? Rien ! Quelles sont les fonctions productives auxquelles sont destinés ces étudiants ? Quel enseignement reçoivent ils ? Quels sont les besoins de la société bourgeoise ? En fonction de quelles circonstances politiques le nombre d'étudiants s'accroît il ?
Une partie des étudiants est destinée à remplir les fonctions parasitaires nécessaires au mode de production capitaliste. Une autre partie est destinée à être happée par le mode de production capitaliste, à avoir tout son temps utilisé dans le cycle de la production comme travail complexe comparé au travail simple ; mais quoique à un niveau supérieur également dans « une activité qui consiste essentiellement en surveillance et en régulateur », que le capital utilise pour en extraire le plus possible de surtravail. Quelquefois, ils auront une position ambigüe de chiens de garde du capital et d'exploités, une autre partie sera rejetée purement et simplement, après son passage à l'Université, sans fonctions précises parmi la horde de ceux qui disposent de « tout leur temps libre », car ne parvenant pas à vendre leur force de travail. Une minorité sera affectée au développement de la science et de la technique, ou à des fonctions d'enseignants, mais selon les exigences du mode de production capitaliste au stade historique où il est parvenu : l'impérialisme, l'économie de guerre.
L'enseignement qu'ils reçoivent leur est à la fois indispensable et partiellisé, il exprime la division sociale du travail de la société bourgeoise quand il n'est pas frelaté.
Les besoins de la société bourgeoise s'expriment actuellement dans la réforme Fouchet Faure Guichard, qui particularise à la France des besoins généraux du mode de production capitaliste.
Le nombre des étudiants ne pouvant absolument rien quant au développement des forces productives, l'analyse de leur enseignement, des fonctions auxquelles ils sont destinées, prouvent au contraire que le mode de production capitaliste entraîne la destruction systématique de forces productives. Leur nombre a cru considérablement non en raison « de la science et la technique forces productives directes » mais des rapports politiques entre les classes au lendemain de la deuxième guerre mondiale qui obligeait la bourgeoisie à faire des concessions à la classe ouvrière et à la petite bourgeoisie sur le plan de l'enseignement. Mais la croissance du nombre des étudiants, paradoxalement, souligne l'incapacité du mode de production capitaliste à développer les forces productives ; par les fonctions auxquelles elles destinent ces étudiants, par le rejet de milliers et milliers d'entre eux hors de l'activité sociale ; par la sélection qu'elle met en œuvre ; par la destruction de son propre enseignement.
Et qu'en est il de la « transformation qualitative de la classe ouvrière... de la réduction de la main d'œuvre non qualifiée et de l'amplification d'un personnel technique de plus en plus qualifié ? » Ni Germain-Mandel, ni Garaudy, ni Fajon, ni Pablo, n'ont eu raison contre Marx. La bourgeoisie a besoin de plus en plus
« d'ouvrier surveillant l'action transmise par la machine aux matières premières et la protégeant contre les dérèglements... le procès de production cesse d'être un procès de travail, au sens où le travail en constituerait l'unité dominante. Aux nombreux points du système mécanique, le travail n'apparaît plus que comme être conscient, sous forme de quelques travailleurs vivants. Eparpillés, soumis au processus d'ensemble de la machinerie, ils ne forment plus qu'un élément du système, dont l'unité ne réside pas dans les travailleurs vivants, mais dans la machinerie vivante (active) qui par rapport à l'activité isolée et insignifiante du travail vivant apparaît comme un organisme gigantesque. A ce stade le travail objectivé apparaît réellement, dans le procès du travail, comme la puissante dominante vis à vis du travail vivant, alors que jusque là le capital n'était que la puissance formelle et s'appropriait ainsi le travail ».
Le développement de l'automation et de la cybernétique, donne à ce pronostic de Marx sa pleine validité. La qualification du producteur, travail simple et travail complexe, tend à être détruite. La bourgeoisie, qui à un certain stade devait développer l'instruction et l'enseignement publics en raison des exigences du procès de production, s'efforce de détruire cet acquis. Dès l'enseignement primaire cela se manifeste. Toute une série de matières enseignées à la simple école primaire et communale en France, seront éliminées (histoire, géographie) si rien n'entrave les plans de réformes du gouvernement. Les « nouvelles méthodes » d'enseignement du français et des mathématiques, si elles étaient appliquées, aboutiraient à faire que les élèves sortant de la primaire seraient incapables d'écrire une lettre en français, de résoudre des problèmes d'arithmétique élémentaires, sous prétexte de « méthodes globales ».
Les cycles courts et longs des lycées, transformés massivement en C.E.S., poursuivent la destruction de l'enseignement engagée dès l'école primaire. La plupart des élèves sortiront des C.E.S., de l'enseignement court, sans formation professionnelle, avec des connaissances bâtardes et inutilisables, tout juste bons à devenir des « surveillants » du procès de production. Les C.E.T. sont détruits. A leur place, sous la tutelle directe du patronat, sera formée une main d'œuvre mobile et polyvalente, sans qualification réelle, bonne à tout, bonne à rien.
Evidemment, il s'agit non d'un absolu mais d'une tendance du développement capitaliste qui se heurte à de nombreux obstacles. En premier lieu à la résistance de la classe ouvrière, du prolétariat lui même. La valeur de la force de travail est historiquement conditionnée. Dans les pays capitalistes économiquement développés, une longue lutte de classe du prolétariat a eu comme conséquence d'incorporer dans la valeur de la force de travail de nouveaux besoins, dont ceux de plus de culture, plus d'enseignement. La « loi d'airain » de Lassale. qui, déformant Marx, réduisait la valeur de la force de travail à celle des moyens de subsistances et de renouvellement de la force de travail, a été vigoureusement combattue par Marx. La puissance du prolétariat, les luttes de la classe ouvrière ont contraint la bourgeoisie à des concessions y compris sur le plan de l'enseignement des connaissances et de la culture (celle ci fut elle bourgeoise). L'origine du gonflement des effectifs scolaires et étudiants réside dans la lutte de classe du prolétariat dont profite en premier lieu, sur ce plan, la petite bourgeoisie. Mais le mouvement naturel de l'accumulation capitaliste « de la science et de la technique », est de vider ces acquis de leur substance et de les détruire.
Les « théoriciens » de la « science force productive directe » ont tout simplement « oublié » la loi de la valeur. Ils ont « oublié » que le moteur de la production, dans le mode de production capitaliste, est la production de la plus value, sa transformation en capital élargi. Ils ont « oublié » que la plus value est composée du travail non payé. Il ont « oublié » que le capital n'utilise les machines que dans la mesure où elles permettent à l'ouvrier de lui consacrer une plus grande partie de son temps, de travailler plus longtemps pour le capitaliste et moins longtemps pour lui même. Grâce à elles, la durée nécessaire à produire un objet déterminé est effectivement réduite à un minimum, mais c'est uniquement pour qu'un maximum de travail valorise un maximum d'objets.
Ils ont « oublié » les rapports sociaux de production bourgeois et leurs conséquences. La richesse bourgeoise est antagoniste à la richesse sociale, la valeur d'usage n'a, du point de vue bourgeois, d'intérêt que comme support de la valeur d'échange. Les rapports sociaux de production bourgeois impliquent que « la masse de travail immédiat, la quantité de travail utilisée représente le facteur décisif de la production » et le développement de la science et de la technique est subordonné, dépend, de cette nécessité. Si bien que, tout en révélant les virtualités d'un procès (le production où « ni le temps de travail utilisé, ni le travail immédiat effectué » ne seront plus « le fondement principal de la richesse » où ce sera « l'appropriation de sa force productive générale (de l'homme), son intelligence de la nature et sa faculté de la dominer, dès lors qu'il s'est constitué en un corps social », où « le développement de l'individu social (sera) le fondement essentiel de la production et de la richesse » le mode de production capitaliste, tant qu'il subsiste, fait que la force de travail humaine reste la principale force productive. Pour qu'il n'en soit plus ainsi il faudra que le corps social tout entier participe, en disposant de son temps libre, au développement scientifique, technique, culturel, à la maîtrise de la nature, ce qui présuppose qu'il ait la maîtrise de son propre développement social. En d'autres termes pour parvenir à ce stade il faut rien de moins que la disparition des antagonismes sociaux et nationaux, la disparition de la division entre travail manuel et travail intellectuel à un stade très avancée du socialisme où la fin des antagonismes sociaux aboutira à la liquidation de I'Etat et où succédera à l'administration des hommes, l'administration des choses. Marx ajoute :
« Le premier cas est important parce que le capital réduit a un minimum - sans qu'il en ait d'ailleurs la moindre intention le travail humain, la dépense de force. Le travail émancipé saura d'ailleurs tirer parti de ce service rendu qui est d'ailleurs la condition de son émancipation » ( page 217 des Fondements à la critique de l'économie politique).
Mais le « travail humain », la classe ouvrière le prolétariat doivent, pour « en tirer parti » d'abord s'émanciper. c'est-à dire réaliser la révolution socialiste mondiale. Tant qu'elle n'est pas réalisée, « la science et la technique », se dressent devant eux comme des forces étrangères qui les dominent et qui les broient. Ce qui est vrai d'ailleurs également pour l'humanité tout entière y compris pour les savants et les techniciens à qui échappent les résultats de leurs travaux. C'est bien pourquoi « la science et la technique » apparaissent, et d'abord aux révisionnistes de tout acabit, comme des choses en soi, merveilleuses divinités, « des forces productives directes », alors qu'elles sont des produits sociaux, et que la force productive dont dépendent toutes les autres c'est « l'homme, l'homme socialisé ». Le développement de la science et de la technique comme produit des rapports sociaux de production bourgeois, à un certain stade de développement du mode de production capitaliste, se dresse contre la force productive dont dépendent toutes les autres: « l'homme, l'homme socialisé », sans lequel elle n'existe pourtant pas, et menace de la détruire. Il serait vain et ridicule cependant d'en rendre responsables, en les prenant comme des choses en soi, la « science et la technique ». La responsabilité en incombe aux rapports sociaux de production bourgeois qui a un stade donné engendre : l'impérialisme.
« A mesure que la grande industrie se développe, la création de richesse dépend de moins en moins du temps de travail et de la quantité de travail utilisé ». En même temps que « le capital n'utilise les machines que dans la mesure où elles permettent à l'ouvrier de lui consacrer une plus grande partie de son temps », Les crises de surproduction expliquait Marx dès « Le Manifeste Communiste » démontrent « que le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses crées dans son sein. Comment la bourgeoisie surmonte elle ces crises ? D'un côté par la destruction forcée d'une masse de forces productives ; de l'autre, par la conquête de nouveaux marchés et l'exploitation plus approfondie des anciens. A quoi cela aboutit il ? A préparer des crises plus générales et plus formidables et à diminuer les moyens de les prévenir ».
Au bout c'est l'impérialisme. Marx ne vécut pas assez longtemps pour voir se former et se développer « l'impérialisme stade suprême du capitalisme » et l'analyser. Il analysa les conditions générales qui y conduisaient. La tâche d'analyser l'impérialisme revint à Lénine. Comme il appartint à Trotsky d'en tirer toutes les conséquences. Il est temps de passer des généralités sur « les forces productives » à l'analyse concrète et, pour ce faire, de revenir à Lénine.
Notes
[1] Lire à ce propos « Science et Révolution » conférence de Gérard Bloch faite au Cercle d'Etudes Marxistes de Paris le 14 mars 1969, éditée dans les n° 5-6 ( mai 1969) de « Etudes Marxistes ».