1965 |
"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne." |
Défense du trotskysme (1)
Le pablisme et le « mouvement réel des masses »
La politique du L.S.S.P. est la version ceylanaise de la politique d'adaptation aux appareils, dont Frank et Germain ont donné la version française en août 1953, et en décembre 1960-janvier 1961 la version belge.
En France et en Belgique, le « mouvement réel des masses » entrait en conflit avec les appareils. Les pablistes se sont faits les laquais des appareils contre le « mouvement réel des masses » . En France, ils ont combattu ouvertement les trotskystes qui luttaient pour donner une expression consciente au débordement des appareils par la grande masse de la classe ouvrière, et pousser l'action le plus loin possible. En Belgique, ils ont canalisé autant qu'il était en leur pouvoir le « mouvement réel des masses » au profit de l'appareil de la F.G.T.B., en s'alignant sur la fausse gauche représentée par Renard. A Ceylan, c'est directement qu'ils sont venus au secours de la bourgeoisie et de l'appareil d'état bourgeois, alors que se préparait une profonde crise révolutionnaire.
Ils contribuaient ainsi dans l'immédiat soit à l'échec, soit à la défaite pure et simple du mouvement. Sans aucun doute, leur contribution fut des plus importantes. C'est l'évidence à Ceylan, mais cela ne l'est pas moins en France. Il faut mesurer l'importance historique - et nous pesons nos termes - de l'intervention du mouvement « trotskyste » officiel en flanc-garde des appareils, ou directement de la bourgeoisie, dans les processus de la lutte des classes, au moment précisément où le « mouvement réel des masses » entre en conflit avec ses appareils. Les spéculations ne sont pas notre fait. Mais l'activité des pablistes à l'échelle internationale, leur lutte contre les organisations trotskystes, leurs efforts pour les liquider, leur intervention concrète dans la lutte des classes partout où ils se manifestèrent furent incontestablement parmi les facteurs essentiels qui empêchèrent la cristallisation et l'organisation d'un avant-garde apte à devenir, à son tour, une force motrice dans la lutte des classes, la crise de la société bourgeoise et la crise du stalinisme.
Lorsque Frank parle de « l'absence de grandes luttes révolutionnaires... depuis une quinzaine d'années » dans les pays capitalistes avancés, il ne ment pas, seulement il masque encore le fait que ces quinze dernières années ont souligné la nécessité historique de la lutte pour la construction de partis bolchéviques et d'une Internationale basée sur le Programme de transition - les deux étant inséparables - dans le cours même de la lutte des classes. Malgré leur ampleur, les grandes luttes du prolétariat ont reflué faute de tels partis et d'une telle Internationale. Ainsi la société bourgeoise a-t-elle pu surmonter ses crises. Depuis 1953 surtout, toutes les grandes luttes du prolétariat à l'échelle internationale ont mis celui-ci aux prises, soit de façon directe comme en Europe orientale, soit dans le cours de la lutte (août 53, septembre 55, grève des mineurs de mars 63 en France, grève générale belge, etc.) et de façon plus ou moins ouverte, avec les appareils sociaux-démocrates et staliniens, créant ainsi au sein de la classe ouvrière des conditions favorables qui n'avaient jamais existé auparavant pour la construction de tels partis et d'une telle Internationale. Il ne manquait au rendez-vous vous que l'organisation dont ce devait être la tâche. Pire, les « trotskystes » Frank-Germain-Pablo (là où les conditions étaient de ce point de vue politiquement les plus favorables, c'est-à-dire dans les pays capitalistes avancés d'Europe), combattaient, au nom de la « IV° Internationale » , contre la construction de cette nouvelle direction révolutionnaire.
Leurs forces réelles ne rendent pas comptent de leur importance politique. Trotsky aimait à citer cette phrase de Spinoza : « Ni rire ni pleurer, mais comprendre » . Il nous faut comprendre ce que signifie cet « Éloge du trotskysme » publié par Pablo dans ce même numéro de « Quatrième Internationale » où Frank se prononçait pour la révision du programme du trotskysme. Voici ce qu'écrivait le « secrétaire général de la IV° Internationale » :
« Sous la pression conjointe des nouvelles réalités de la situation internationale et de la révolution chinoise, la direction kroutchévienne de la bureaucratie soviétique, afin de sauvegarder son influence sur le mouvement ouvrier international et les peuples coloniaux, s'est vue obligée d'opérer un tournant d'importance historique, au moins par rapport à la révolution dans les pays semi-coloniaux et coloniaux. Outre l'aide économique et militaire accordée à ces pays, et qui constitue un apport parfois décisif pour la consolidation de la révolution dans ces pays, cette direction s'est vue également obligée de reconnaître la justification des « guerres de libération » c'est-à-dire d'admettre le concept de guerre-révolution, forme à travers laquelle se réalise l'émancipation nationale et sociale des pays semi-coloniaux et coloniaux à notre époque. A quand l'extension de ce concept dans les pays capitalistes avancés ? Ce n'est certainement qu'une question de temps, car tout marche actuellement incroyablement vite, et la pression révolutionnaire se renforce selon une progression géométrique. Ainsi la débâcle de la politique menchévique stalinienne, qui, des décennies durant, a su paralyser le mouvement ouvrier international et détruire des chances réelles pour l'élargissement de la base de la révolution mondiale, est actuellement en train de devenir manifeste et totale. »
(« Quatrième Internationale » , n° 16, juillet 1962 p. 40.)
Les thèmes centraux du pablisme sont ici réaffirmés en toute clarté. La conclusion devrait être que c'est désormais une utopie que de vouloir constituer des partis trotskystes, un anachronisme que de se réclamer de la IV° Internationale. Mais non : il s'agit d'un « Eloge du trotskysme » . Cela signifie que ces chevaux de retour de la capitulation devant les appareils et la bourgeoisie vont combattre le trotskysme au nom du « trotskysme » , la reconstruction de la IV° Internationale au nom de la « IV° Internationale » . Août 53, la grève générale belge, la politique du L.S.S.P., l'orientation définie par les pablistes soutenant comme la corde soutient le pendu les mouvements révolutionnaires d'Allemagne orientale, de Pologne, la révolution hongroise, etc., autant d'illustrations du rôle politique du pablisme.