1965 |
"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne." |
Défense du trotskysme (1)
Le "Néo-trotskysme" en quête d'un "néo-programme"
Apparemment rien, absolument rien de neuf là-dedans, encore moins de quoi justifier le « réajustement du programme » . Dès 1933-1934, il y a trente ans, dans « Où va la France » , Trotsky expliquait qu'il fallait, face aux « planificateurs capitalistes » , élaborer des revendications de transition pour mobiliser les masses et s'opposer aux positions des « planificateurs » fascistes ou réformistes. Nous nous permettons de le rappeler à P. Frank, trois chapitres, rien que trois chapitres du Programme de transition sont consacrés à ce questions. Quelques extraits en suffiront à rafraîchir la mémoire de Frank :
« La nécessité d'un "contrôle" sur l'économie, d'une "direction" étatique, d'une "planification" est maintenant reconnue - au moins en paroles - par presque tous les courants de la pensée bourgeoise et petite-bourgeoise... les fascistes... les sociaux-démocrates... les ingénieurs et les professeurs (qui) cherchent à devenir des "technocrates"...
Les projets de limitation de l'absolutisme des "patrons de droit divin" restent de lamentables farces tant que les propriétaires privés des moyens sociaux de production peuvent cacher aux producteurs et aux consommateurs les machinations de l'exploitation, du pillage, de la tromperie. L'abolition du "secret commercial" est le premier pas vers un véritable contrôle de l'industrie...
Aucun fonctionnaire de l'Etat bourgeois ne peut mener à bout ce travail, quels que soient les pouvoirs dont on veuille l'investir... Les COMITES D'USINES, ET SEULEMENT EUX (souligné par nous) peuvent assurer un véritable contrôle sur la production, en faisant appel - en tant que conseillers et non comme "technocrates" - aux spécialistes honnêtes et dévoués au peuple...
L'élaboration d'un plan économique, même le plus élémentaire - du point de vue des intérêts des travailleurs et non de ceux des exploiteurs - est inconcevable sans contrôle ouvrier, sans que les ouvriers plongent leurs regards dans tous les ressorts apparents et cachés de l'économie capitaliste. Les comités des diverses entreprises doivent élire, à des conférences correspondantes, des comités de trusts, de branches d'industrie, de régions économiques, enfin de toute l'industrie nationale dans son ensemble. AINSI (souligné par nous) le contrôle ouvrier deviendra L'ÉCOLE DE L'ÉCONOMIE PLANIFIÉE. Par l'expérience, par le contrôle, le prolétariat se préparera à diriger directement l'industrie nationalisée, quand l'heure en aura sonné...
... Nous revendiquons l'expropriation des compagnies monopoleuses de l'industrie de guerre, des chemins de fer, des plus importantes sources de matières premières, etc.
La différence entre ces revendications et le mot d'ordre réformiste bien vague de "nationalisations" consiste en ce que :La nécessité de lancer le mot d'ordre de lexpropriation dans L'AGITATION quotidienne, par conséquent d'une manière fractionnée, et non pas seulement d'un point de vue PROPAGANDISTE, sous la forme générale, découle du fait que les diverses branches de l'industrie se trouvent à divers niveaux de développement, occupent des places différentes dans la vie de la société et passent par différents stades de la lutte des classes. Seule, la montée révolutionnaire générale du prolétariat peut mettre l'expropriation générale de la bourgeoisie à l'ordre du jour. L'OBJET DES REVENDICATIONS TRANSITOIRES EST DE PRÉPARER LE PROLETARIAT A RESOUDRE LE PROBLEME (souligné par nous).
- Nous repoussons le RACHAT;
- Nous prévenons les masses contre les charlatans du Front Populaire qui, proposant la nationalisation en paroles, restent en fait les agents du capital ;
- Nous appelons les masses à ne compter que sur leur propre force révolutionnaire ;
- Nous relions le problème de l'expropriation à celui de la conquête du pouvoir par les ouvriers et les paysans.
... Afin de réaliser un système unique d'investissement et de crédit selon un plan rationnel qui corresponde aux intérêts de toute la nation, il faut fusionner toutes les banques dans une institution nationale unique. Seule, l'expropriation des banques privées et la concentration de tout le système de crédit entre les mains de l'Etat mettront dans les mains de celui-ci les moyens nécessaires réels, c'est-à-dire matériels, et non pas seulement fictifs et bureaucratiques, pour la planification économique...
Cependant, L'ÉTATISATION DES BANQUES ne donnera ces résultats favorables que si le pouvoir d'état lui-même passe des mains des exploiteurs aux mains des travailleurs. »
(« Programme de transition » , nouvelle édition, pp. 18-22.)
Rien, dans ce système de revendications transitoires, n'est conjoncturel. Il répond aux problèmes avec lesquels le prolétariat est confronté au cours de la période de la crise historique du régime capitaliste, crise historique qui ne cesse pas d'opérer et de s'approfondir, y compris dans les moments de haute conjoncture (dont il faudrait d'ailleurs montrer les ressorts), et qui ne se terminera qu'avec la conquête du pouvoir par le prolétariat dans le monde entier. C'est dans la crise de la société bourgeoise elle-même, en donnant une expression consciente aux intérêts et aux aspirations des travailleurs, que le programme de transition trouve les éléments de leur mobilisation.
Il est frappant de constater à quel point, plus de vingt-cinq ans après son élaboration, il répond aux besoins actuels de la classe ouvrière. La « nécessité d'un contrôle sur l'économie », « d'une planification », de la « nationalisation » de toute une série d'industries de base s'est imposée à la bourgeoisie, qui a dû y recourir dans ses efforts pour sauver le système capitaliste dans son ensemble. Mais, réalisée par des gouvernements « libéraux » bourgeois, du type du « tripartisme » (M.R.P.-S.F.I.O.-P.C.F.), ou utilisée ensuite par des gouvernements divers jusqu'à un gouvernement de type bonapartiste (De Gaulle), elles se sont avérées n'être qu'un « pillage planifié du peuple » , et la plus-value produite par les travailleurs des industries « nationalisées » fait retour, dans l'ombre propice « du secret commercial » , par de multiples voies, aux trusts pourtant grassement indemnisés. Les « machinations de l'exploitation, du pillage, de la tromperie » , demeurent dissimulées aux producteurs et aux consommateurs. Le contrôle ouvrier sur l'industrie peut, seul, apporter la lumière dans ces profondes ténèbres. L'expropriation de toute une série de branches de l'industrie : l'industrie chimique, toute l'industrie lourde, l'industrie de l'automobile, toutes les industries relevant de l'énergie atomique, de l'électronique, de l'aviation, des hydrocarbures, des industries du bâtiment, etc. ; l'expropriation de toutes les banques et leur fusion en une banque unique ne s'imposent pas moins que la réalisation d'un plan de production. En même temps que la concentration des terres, la différenciation sociale dans les campagnes met également à l'ordre du jour le problème de l'alliance des ouvriers et paysans, qui doit trouver son expression dans les revendications dont les grandes lignes sont fournies par le programme de transition.