1940 |
La mise en application de la politique militaire prolétarienne élaborée par Trotsky selon la Workers’ International League (WIL) britannique... Source : Youth For Socialism, Vol. 2 n°10, juillet 1940. Reproduit dans Trotskyism and the second world war, 1938-1942. Traduction MIA. |
Ted Grant
Les travailleurs doivent être armés contre le capitalisme
Juillet 1940
Ces dernières années ont marqué la fin d’une époque de l’Histoire de l’Humanité. La défaite stupéfiante et paralysante des armées françaises face à la machine de guerre nazie a laissé le continent européen sous la tyrannie sanglante de l’impérialisme allemand.
Aux vaines vantardises de Reynaud ont succédé les capitulations honteuses de Pétain et Weygand. La réputation usurpée bâtie autour de la valeur militaire de ces « héros » a résisté à l'épreuve alors qu'elle ne concernait que la soumission des masses rebelles à la colonisation d'Algérie et du Maroc, mais qu’elle s'est révélée pitoyablement insuffisante face au monstrueux régime militaire allemand.
La classe dirigeante de France, qui avait contribué à l’arrivée au pouvoir de la réaction en Allemagne, s'est montrée totalement incapable d'opposer une résistance efficace aux légions nazies. Les capitalistes ont paralysé la lutte contre Hitler en tenant à l’écart les masses françaises. Hitler aurait pu être retenu dans le nord de la France, puis aux portes de Paris, si toute la population avait été mobilisée pour résister.
Mais si les classes dirigeantes avaient armé les travailleurs, elles auraient couru le risque que ces armes soient utilisées non seulement contre Hitler, mais aussi contre elles-mêmes. Elles craignaient particulièrement les ouvriers révolutionnaires de Paris.
Une fois auparavant, alors que les Prussiens étaient aux portes de Paris en 1870 et que les ouvriers étaient armés, ceux-ci en prirent le contrôle lors du premier soulèvement ouvrier réussi de l'histoire. Le correspondant du Daily Telegraph en France écrivait le 17 juin : "Le danger d'un soulèvement communiste et d'une guerre civile a contraint le gouvernement français à demander la paix." Ils remirent Paris intact aux Allemands.
La France a été trahie. La véritable Cinquième Colonne était le gouvernement de capitulation des financiers, des industriels, des millionnaires et des généraux. Ce sont eux qui ont remis le peuple français entre les mains d’Hitler. Plutôt que de perdre tous leurs profits par une victoire des masses françaises, ces « patriotes » préférèrent s'assurer de quelques miettes des tables nazies.
Et maintenant, les insatiables impérialistes allemands se préparent à la destruction de la Grande-Bretagne. Le gouvernement britannique a annoncé qu'il ferait tout pour contrer cette attaque à venir. Mais la classe dirigeante britannique est aussi pourrie que celle de France. Les seuls véritables préparatifs qu’ils font sont ceux destinés à être utilisés contre leur « ennemi principal » à l’intérieur du pays.
En France, 20 000 policiers ont été laissés à Paris pour « maintenir l’ordre » et en remettre le contrôle à Himmler. Une garde civile spéciale a été formée pour maintenir l'ordre à l'arrière des armées. Existe-t-il une garantie que la classe dirigeante britannique ne capitule pas de la même manière que celle de France ?
Il n'y a qu'une seule garantie de réussite d'une résistance à une tentative d'invasion nazie : l'armement de la classe ouvrière dans chaque rue et dans chaque usine, et le contrôle de cette milice ouvrière par des comités ouvriers.
Cela rendrait la Grande-Bretagne complètement imprenable. Les masses sauraient se débarrasser des envahisseurs, parachutés ou acheminées par voie maritime.
Mais la classe dirigeante ne peut pas emprunter ce chemin pour la même raison que les dirigeants français ne pouvaient l’emprunter : cela représenterait une menace encore plus grande pour leur profit et leur domination que même une victoire nazie.
Chamberlain, le parti conservateur, les grandes entreprises et les banquiers de la City de Londres ont soutenu Hitler pendant des années comme rempart contre le socialisme, et ne l'ont combattu qu'à contrecœur lorsque l'impérialisme allemand menaçait leur empire et leurs profits. Les contradictions entre les deux impérialismes ne leur laissaient aucune alternative. Mais ils sont responsables de la situation désastreuse dans laquelle se trouvent aujourd’hui les travailleurs britanniques et européens. Ils constituent depuis des années la véritable cinquième colonne d'Hitler. Leur bilan, leur nature même et leur position dans la société les rendent complètement impuissants pour défendre les travailleurs contre le fascisme. Ils doivent être balayés et les travailleurs eux-mêmes doivent diriger leur propre destin.
Depuis des années, les dirigeants travaillistes mènent campagne contre la politique profasciste de Chamberlain et du gouvernement. Mais ils siègent désormais dans ce même gouvernement et l’aident à mener une politique désastreuse pour la classe ouvrière.
Les syndicalistes, les militants du Labour et des ligues de la jeunesse doivent exiger que les dirigeants travaillistes engagent immédiatement la lutte pour le pouvoir. Les travaillistes doivent se munir d’un programme apte à mobiliser tous les travailleurs de Grande-Bretagne. Et ce programme doit d'abord préconiser d’armer les travailleurs contre l’ennemi capitaliste intérieur et contre l'envahisseur impérialiste.
Les ressources de la Grande-Bretagne ne pourront être utilisées que si un vaste plan est entrepris pour éliminer le gaspillage et l’inefficacité bureaucratique du capitalisme. La Cinquième Colonne capitaliste doit être rendue complètement impuissante par la prise de contrôle des banques, des mines, des terres, des chemins de fer et de toutes les grandes industries, sans indemnité et sous contrôle des travailleurs.
Grâce à un programme de socialisme intérieur, les masses britanniques pourraient être mobilisées dans la lutte à mort contre le nazisme. Mais nous devons affronter l’ennemi avec une bannière intacte. L’impérialisme britannique opprime les masses dans les colonies aussi brutalement qu’Hitler le fait contre les peuples qui sont sous ses ordres sur le continent. Les travaillistes doivent immédiatement publier une déclaration accordant la pleine autodétermination aux peuples de l’Empire.
On pourrait alors affronter les bombardiers et les chars d’Hitler sans craindre la défaite. Un appel pourrait être lancé à tous les peuples d’Europe, et notamment à celui d’Allemagne, pour qu’ils se rallient. Le soutien d’Hitler s’effondrerait alors sous ses pieds et un puissant mouvement de libération surgirait parmi les soldats et les ouvriers allemands.
Seuls le mot d’ordre d’une véritable libération sociale et nationale peut trouver un écho parmi les masses opprimées d’Europe. C’est seulement de cette voie que peut venir le salut de la classe ouvrière.
La perspective d’une armée britannique avançant vers la reconquête de l’Europe sous la domination des impérialistes après des mois et des années de préparation ouvre une perspective sans fin de massacres et de destructions.
Le choix qui s’offre à la classe ouvrière est clair. La voie de Blum et de Jouhaux a conduit à la dégradation et à l'humiliation des masses françaises, et à leur soumission à l'exploiteur nazi. Attlee et Citrine conduisent le mouvement travailliste britannique au même désastre. Seul un programme socialiste peut sauver les travailleurs de Grande-Bretagne et d’Europe.
Mais le temps presse ; il faut agir rapidement. Si les dirigeants travaillistes refusent de mettre en œuvre ce programme socialiste, ils seront alors vus par les masses comme des traîtres et il sera clair que seuls les socialistes révolutionnaires peuvent ouvrir la voie de la paix et du socialisme.