1939
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Première partie de La Bureaucratisation du Monde, 1939. |
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Le collectivisme bureaucratique
Bruno Rizzi
La définition de L'U.R.S.S.
Voici ce que Trotski dit et voici aussi nos observations :
qualifier de transitoire ou d'intermédiaire le
régime soviétique, c'est écarter les
catégories sociales achevées comme le
capitalisme (y compris le capitalisme d'Etat) et
le socialisme . Mais cette définition est, en
elle-même, tout à fait insuffisante et susceptible de
suggérer l'idée fausse que la seule transition
possible à un régime soviétique actuel mène
au socialisme. Un recul vers le capitalisme reste cependant
parfaitement possible. Une définition plus complète
sera forcément plus longue et plus lourde.
L'U.R.S.S. est une société intermédiaire
entre le capitalisme et le socialisme, dans laquelle :
- « Les forces productives sont encore trop
insuffisantes pour donner à la propriété
d'Etat un caractère socialiste. » Ces forces non
seulement sont insuffisantes, mais la propriété
d'Etat est propriété de classe : c'est une
propriété bureaucratique.
- « Le penchant à l'accumulation primitive,
né du besoin, se manifeste à travers tous les pores
de l'économie planifiée. » C'est bien
naturel, mais cela ne signifie pas que l'économie
planifiée doive être submergée : le
développement économique ne va pas à
rebours.
- « Les normes de répartition, de nature
bourgeoise, sont à la base de la différenciation
sociale. » Il ne s'agit pas de normes bourgeoises,
mais celles-ci sont propres à une nouvelle classe
exploiteuse.
- « Le développement économique, tout en
améliorant lentement la condition des travailleurs,
contribue à former rapidement une couche de
privilégiés. » Aussi avons-nous deux
caractères prouvant l'existence d'une nouvelle
société exploiteuse, puisque le système
économique est progressif et que les privilégiés
restent. A la place de « couche », nous lisons «
classe ».
- « La bureaucratie, exploitant les antagonismes
sociaux, est devenue une caste incontrôlée,
étrangère au socialisme. » Oui, elle est devenue
non seulement une caste, ou une couche, ou une clique, mais une
classe. Son caractère est stable et, désormais, bien
défini.
- « La Révolution sociale trahie par le parti
gouvernant vit encore dans les rapports de propriété
et la conscience des travailleurs. » Un parti gouvernant
un Etat ne peut être que l'expression d'une classe
qui trouve convenables les rapports de propriété
qu'on a établis.
- « L'évolution des contradictions
accumulées peut aboutir au socialisme ou rejeter la
société vers le capitalisme. »
L'évolution abandonnée à elle-même ne
reportera jamais la société vers le capitalisme, mais
vers l'accomplissement de la tâche historique
basée sur la production planifiée et sur la
propriété collective.
- « La contre-révolution en marche vers le
capitalisme devra briser la résistance des ouvriers.
» La contre-révolution n'est pas en marche vers
le capitalisme, mais elle s'est fixée dans le
collectivisme bureaucratique. Les ouvriers sont déjà
battus.
- « Les ouvriers marchant vers le socialisme devront
renverser la bureaucratie. La question sera tranchée en
définitive par la lutte de deux forces vives sur les
terrains national et international. » Parfaitement
d'accord. Pourtant, il s'agit d'une « question
nouvelle ». Défendre l'U.R.S.S. signifie
défendre le nouveau système d'exploitation, qui
est en train de s'imposer dans tout le monde.
A notre sens le régime stalinien est
intermédiaire, il écarte le capitalisme
surpassé, mais il n'écarte pas le socialisme
à venir. Il s'agit d'une forme sociale nouvelle,
fondée sur la propriété et l'exploitation de
classe.
L'insuffisance que remarque Trotski en qualifiant de
transitoire cette société, parce qu'elle pourrait
nous ramener au capitalisme, n'a pas de raison
d'être ; il s'agit, cependant, d'une
société intermédiaire, à savoir stable
jusqu'à l'accomplissement de sa tâche
historique. Etant donné que celle-ci est seulement
incidente, des événements politiques nationaux ou
internationaux peuvent bien l'arrêter ; alors la
classe travailleuse placera à nouveau cette tâche
sous son égide.
En attendant, cette nouvelle société est un fait.
A cause de toutes ses manifestations politiques et morales,
elle se trouve encadrée dans le vieux monde qui ne
l'est pas dans la souhaitée Internationale des
travailleurs. Son caractère de société que
dirige une classe nationale, l'opposera toujours plus aux
« fantaisies » internationales, tandis qu'elle
adhérera aux diverses « Sociétés des
Nations » selon les intérêts particuliers de sa
classe dirigeante.
Une fois encore les travailleurs du monde sont dupés,
quand on les pousse à lutter contre le Fascisme et à
la défense de l'U.R.S.S. C'était
précisément le prolétariat la seule classe
pouvant tenir tête au fascisme, mais il fallait un
prolétariat dirigeant et non remorqué par la vieille
carcasse capitaliste. A cet égard, les expériences de
Chine et d'Espagne ne sont pas sujettes à
équivoque, et d'autres encore plus dures sont en
gestation.