1938

Résolution écrite par James P. Cannon et Max Schachtman et adoptée par la conférence de fondation du SWP (décembre 1937 - janvier 1938), publiée dans Socialist Appeal (26 février 1938)

James P. Cannon - Max Schachtman

La situation interne et la nature du parti

janvier 1938

Le Socialist Workers Party est un parti marxiste révolutionnaire, basé sur un programme précis, dont le but est d’organiser la classe ouvrière dans la lutte pour le pouvoir et la transformation de l’ordre social existant. Toutes ses activités, ses méthodes et son régime interne sont subordonnés à ce but et sont conçus pour le servir.

Seuls des militants doués d'initiative et d’esprit critique sont capables de forger un tel parti, et de résoudre ses problèmes par la réflexion, la discussion et l’expérience collectives.

De là découle la nécessité d’assurer la démocratie de parti la plus large dans les rangs de l'organisation.

La lutte pour le pouvoir, organisée et dirigée par le parti révolutionnaire, est la lutte la plus impitoyable et la plus implacable de toute l'histoire. Une organisation non soudée, hétérogène, indisciplinée et dont les membres ne reçoivent pas de formation est totalement incapable de réaliser les tâches historiques mondiales auxquelles le prolétariat et le parti révolutionnaire sont confrontés à l’époque actuelle. Ceci est vérifié avec d’autant plus de force à la lumière de la situation singulièrement difficile de notre parti et de l’extraordinaire persécution qu’il subit. De là découle l'exigence inconditionnelle d’une complète discipline pour tous les militants du parti dans toutes les activités et actions publiques de l'organisation.

Le principe du centralisme démocratique

La centralisation de la direction et de l'orientation est une condition indispensable pour toute action soutenue et disciplinée, particulièrement dans le parti qui s’est fixé comme objectif de diriger les efforts collectifs du prolétariat dans sa lutte contre le capitalisme. Sans un comité central fort et ferme, qui a le pouvoir d’agir promptement et efficacement au nom du parti et de superviser, coordonner et diriger toutes ses activités, sans exception, l’idée même d’un parti révolutionnaire est une plaisanterie vide de sens.

C’est à partir de ces considérations, basées sur toute l'expérience de la lutte de la classe ouvrière dans le monde entier depuis un siècle, que nous déduisons le principe léniniste d’organisation, à savoir le centralisme démocratique. La même expérience a démontré qu’il n y a pas de garanties absolues pour préserver le principe du centralisme démocratique, ni de formule rigide qui puisse être établie à l’avance, a priori, sur comment appliquer celui-ci dans toutes les circonstances imaginables. A partir de certaines conceptions fondamentales, le problème d’appliquer différemment le principe du centralisme démocratique, en fonction de conditions différentes et des étapes du développement de la lutte, ne peut être résolu qu’en relation- avec la situation concrète, au cours des tests et de l’expérience par lesquels passe le mouvement, et sur la base des rapports réciproques les plus fructueux et les plus sains entre les instances dirigeantes du parti et ses militants de base.

La direction du parti doit être sous le contrôle des militants, sa politique doit toujours être ouverte à la critique, à la discussion et à la rectification de la part des militants de base, dans des formes et des limites convenablement établies, et les instances dirigeantes elles-mêmes doivent pouvoir être révoquées ou modifiées selon des procédures statutaires. Les militants du parti ont le droit d’exiger et d’attendre des dirigeants le plus grand sens des responsabilités, précisément à cause de la position qu’ils occupent dans le mouvement. La sélection des camarades aux postes de direction signifie l'attribution d’une responsabilité extraordinaire. l'aptitude à occuper ces responsabilités doit être démontrée non pas une fois, mais continuellement par la direction elle-même.

Les responsabilités de la direction

Elle est dans l'obligation de donner l'exemple le plus élevé de responsabilité, de dévouement, de sacrifice, et d'identification complète avec le parti lui-même, sa vie et son action quotidiennes. Elle doit montrer qu’elle est capable de défendre sa politique devant les militants du parti, et de défendre la ligne du parti et le parti ‘tout entier devant la classe ouvrière en général. Une activité soutenue du parti. non interrompue ou perturbée par des changements abrupts et désorientants, présuppose non seulement une continuité de tradition et un développement systématique de la politique du parti, mais aussi la continuité de la direction. Un des signes importants qu’un parti est sérieux et fermement constitué, que c'est un parti réellement engagé dans un travail productif dans la lutte de classe, c’est qu’il se dégage de ses rangs un ‘ cadre de camarades dirigeants relativement capables, qui ont fait la preuve de leur persévérance et qui sont dignes de confiance, et que ce parti assure ainsi une certaine stabilité et une certaine continuité de la direction grâce à un tel cadre. La continuité de la direction ne signifie cependant pas une auto-perpétuation automatique de la direction. Un renouvelle- ment constant de ses rangs au moyen d’ajouts, et quand c’est nécessaire, de remplacements, est la seule assurance pour le parti que sa direction ne va pas succomber aux effets du dessèchement, qu’elle ne sera pas alourdie par du bois mort, qu’elle évitera la corrosion du conservatisme et du dilettantisme, qu’elle ne sera pas l’objet de conflits entre les éléments les plus âgés et les plus jeunes, que le noyau de base de cadres anciens sera revigoré par du sang nouveau, que la direction dans son ensemble ne se transformera pas en « comitards » purement bureaucratiques, avec une vie éloignée de la vie réelle du parti et de l’activité des militants de base. Comme pour la direction, être membre du parti implique un certain nombre de droits déterminés. Etre membre du parti confère la liberté la plus complète de discussion, de débat et de critique dans les rangs du parti, limitée seulement par des décisions et des dispositions prises par le parti lui-même, ou par des instances auxquelles il confie cette fonction. L’appartenance au parti confère à chaque militant le droit d’être démocratiquement représenté à toutes les assemblées qui déterminent la politique du parti (depuis la section locale jusqu’aux conférences nationales et internationales), et le droit à un vote final et décisif dans la détermination du programme, de la politique et de la direction du parti.

Responsabilités des militants

En même temps que les droits dans le parti, les militants ont aussi un certain nombre d’obligations bien définies. Le caractère théorique et politique du parti est déterminé par son programme, qui constitue la ligne de démarcation entre le parti révolutionnaire et tous les autres partis, groupes et tendances dans la classe ouvrière. La première obligation d’un militant du parti est d’accepter loyalement le programme du pani et d’être affilié selon les règles à l’une des unités de base du parti. Le parti exige de chacun de ses membres qu’il accepte sa discipline et qu’il mène son activité en accord avec ’ le programme du parti, avec les décisions adoptées par ses conférences et avec la politique formulée et conduite par la direction du parti. l'appartenance au parti implique l’obligation d’une loyauté à 100 % envers l'organisation, le rejet de tous les agents d’autres groupes hostiles dans ses rangs, et de façon générale de ne pas tolérer de double allégeance. L’appartenance au parti nécessite un minimum d’activité dans l'organisation, telle qu'établie par l’unité appropriée, et sous la direction du parti; elle nécessite l'accomplissement de toutes les tâches que le parti assigne à chaque membre. L’appartenance au parti implique l'obligation pour chaque membre de contribuer matériellement au fonctionnement de l'organisation, selon ses moyens.

De ce qui précède. il s’ensuit que le parti cherche à inclure dans ses rangs tous les ouvriers révolutionnaires, qui ont une conscience de classe et qui sont combatifs, qui défendent son programme et qui sont actifs de façon disciplinée dans la construction du mouvement. Le parti marxiste révolutionnaire rejette non seulement l'arbitraire et le bureaucratisme du CP [Parti communiste], mais aussi la conception « tout- inclusive », fausse et trompeuse, du parti de Thomas-Tyler- Hoan [le SP], qui est une mascarade et une supercherie. L'expérience a démontré de manière décisive que ce « tout- inclusif» paralyse le parti en général, et son aile gauche révolutionnaire en particulier, en réprimant et en pourchassant bureaucratiquement celle-ci, tout en laissant le champ libre à l’aile droite pour commettre les plus grands crimes "au nom du socialisme et du parti. Le SWP cherche à être inclusif seulement dans le sens suivant: il accepte dans ses rangs ceux qui acceptent son programme et rejette de ses rangs ceux qui rejettent son programme.

La discussion au sein du parti

Les droits de chaque militant individuel, tels que définis ci-dessus, n’impliquent pas que les militants, dans leur ensemble, c’est-à-dire le parti lui-même, ne possèdent pas leurs propres droits. Le parti dans son ensemble a le droit d’exiger que son travail ne soit pas perturbé et désorganisé, et il a le droit de prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour assurer son fonctionnement régulier et normal. Les droits de chaque militant individuel sont clairement secondaires par rapport aux droits des militants du parti dans leur ensemble. La démocratie du parti ne signifie pas seulement la protection la plus scrupuleuse des droits de chaque minorité; elle signifie aussi la protection du rôle dirigeant de la majorité. Le parti a par conséquent le droit d’organiser la discussion et de déterminer ses formes et ses limites.

Toute discussion au sein du parti doit être organisée du point de vue selon lequel le parti n’est pas un club de discussion, qui débat interminablement sur toute et n’importe quelle question à tout et à n’importe quel moment, sans arri- ver à une décision s’imposant à tous, qui permette à l’organisation d’agir, mais du point de vue que nous sommes un parti discipliné d’action révolutionnaire. Le parti en général a par conséquent non seulement le droit d’organiser la discussion conformément aux exigences de la situation, mais ses unités constitutives de niveau inférieur doivent avoir le droit, dans l'intérêt de la lutte contre la perturbation et la désorganisation du travail du parti, de rappeler à l’ordre les éléments irresponsables, et si nécessaire de les éjecter de ses rangs.

Les décisions de la conférence nationale du parti s’imposent à tous les membres du parti sans exception, et elles mettent un terme à la discussion sur toutes les questions controversées sur lesquelles une décision a été prise. Tout membre du parti qui viole les décisions de la conférence, ou qui tente de relancer la discussion sur ces sujets sans autorisation formelle du parti, se place ‘de ce fait en opposition au parti et perd ses droits de membre. Toutes les organisations du parti sont autorisées à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire appliquer cette règle, et sont tenues de le faire.