1980

"Si les trotskystes avaient été des « sectaires » impénitents ou des « rêveurs » utopistes, coupés de la réalité, croit-on vraiment qu'il aurait été nécessaire, pour venir à bout de leur existence - qui était en elle-même déjà une forme de résistance - de les massacrer jusqu'au dernier à Vorkouta ? Sur les millions de détenus libérés des camps de concentration après la mort de Staline, (...) les trotskystes survivants peuvent se compter sur les doigts d'une seule main ? Est-ce vraiment par hasard ?"

Source : Cahiers Léon trotsky n°6, 1980.

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Les trotskystes en Union Soviétique (1929-1938)

P. Broué

La vie politique de l'Opposition


L'Opposition unifiée, bloc de tendances et de fractions, avait connu dès sa naissance et avant sa mise hors-la-loi de vifs débats internes. Le plus important avait opposé le noyau de 1923 au groupe dit du « centralisme démocratique », les « décistes » animés par Vladimir M. Smirnov et Timotei V. Sapronov [1] qui avaient réussi à entraîner avec eux ou influencer quelques bolcheviks comme Radek ou Nin sur l'analyse de la nature sociale de l'État et du parti et la nécessité de lutter pour un « deuxième parti ». L'écho de cette discussion ancienne roule encore dans le bruit des problèmes nouveaux débattus par l'Opposition de gauche en 1930.

Sur ce sujet, on dispose depuis plusieurs décennies d'un important témoignage, celui de Ante Ciliga. L'ouverture des « papiers d'exil » permet de le corriger dans ce qu'il avait de partial et en même temps de le compléter avantageusement grâce aux deux rapports des bolcheviks-léninistes Iakovine et Ardachelia [2].

Ces deux textes essentiels - et quelques autres de moindre importance - permettent de se faire une idée précise de la vie politique dans l'une des prisons réservées aux « bolcheviks-léninistes », l'isolateur de Verkhnéouralsk où ont été enfermés à partir de 1930 environ deux cents à deux cent cinquante détenus dont cent vingt se réclamant de l'Opposition de gauche.

Le tableau est indiscutable : en dépit de conditions matérielles plus que médiocres, car les locaux sont surpeuplés, l'isolateur est une véritable « université des sciences sociales et politiques » ‑ « la seule université indépendante d'U.R.S.S. » précise Ciliga [3]. Les détenus peuvent communiquer entre eux pratiquement, publier des journaux manuscrits où les articles, signés, ne sont soumis à aucune censure, où ils débattent leurs divergences, abordent les questions théoriques et d'actualité, « de la façon la plus franche, en mettant tous les points sur les i ». Les divers groupements politiques de cette prison sont « de vraies organisations, avec leurs comités, leurs journaux manuscrits, leurs chefs reconnus ». Ils fonctionnent en tenant des réunions en règle au cours des promenades voire dans la cour, avec bureau, ordre du jour, procès‑verbal. Il y a une administration des « postes » qui entretient, pour le compte de tous, relations internes et externes non seulement avec l'U.R.S.S., mais avec l'étranger, notamment par les transferts pour d'autres prisons. La bibliothèque est relativement fournie, les journaux paraissant en U.R.S.S. sont disponibles si on s'y abonne, ainsi que les quotidiens des P.C. étrangers. Les liaisons politiques enfin sont constamment maintenues. Ciliga témoignait déjà de l'arrivée aux mains des prisonniers de Verkhnéouralsk d'exemplaires du Biulleten Oppositsii et de brochures de Trotsky jusqu'en 1934 au moins puisque les détenus, dit‑il, ont eu la possibilité de discuter de l'entrée des trotskystes français dans la S.F.I.O. cette année‑là [4].

Le grand débat entre les trotskystes de Verkhnéouralsk a commencé à la fin de 1929 et s'est développé pendant toute l'année 1930, où un arrivage de cinquante détenus nouveaux a plus que doublé l'effectif des bolcheviks‑léninistes, et entassé les hommes au point qu'il est devenu impossible de les empêcher de communiquer. La discussion a commencé sous le signe de celle de l' « année noire » et de la grande vague des capitulations. Après les derniers reniements ‑ un groupe d'étudiants moscovites au début de 1930 ce sont les contrecoups de cette vague qui passent désormais au premier plan.

Un petit groupe de militants qu'animent des « vieux », le Géorgien G. Kvachadzé, l'Arménien Amo Saakian, l'ancien de l'Armée rouge VI.I. Rechetnitchenko, cherchent à extirper des rangs de l'Opposition les racines qui ont conduit tant de ses partisans à capituler. Ils dénoncent avant tout ce qu'ils appellent les tendances « conciliatrices », et, finalement, l'état d'esprit qui a conduit à l'élaboration de la déclaration d'août 1929. Dans les premiers jours de janvier, ces hommes font paraître un premier numéro du journal Bolchevik Militant, dans lequel une déclaration d'Arno Saakian se désolidarise de Rakovsky et de sa déclaration. Le journal développe systématiquement le thème emprunté à Trotsky selon lequel l'Opposition de gauche doit désormais s'adresser non plus au comité central et au parti, mais à la classe ouvrière elle‑même. Bientôt, la direction passe à une équipe de jeunes militants : O. Pouchas, M. Kamenetsky, Ia. G. Belinsky, N. Perevertsev, Emelianov semblent se rapprocher considérablement des positions des « décistes » que le dernier nommé rejoint d'ailleurs. L'idée centrale des « bolcheviks militants » est à ce moment‑là que l'on ne peut plus réformer le parti, d'une part, et qu'aucun « tournant à gauche » n'est par ailleurs possible de la part de la bureaucratie. Trotsky est présenté comme occupant la position principielle ferme cependant que Rakovsky manœuvre et tente la conciliation avec l'appareil : le Bolchevik militant en voit la preuve à partir du moment où, en mai, on commence à parler d'une nouvelle déclaration de Rakovsky au congrès.

La « majorité » a quelque peine à se définir devant ces attaques qui lui viennent de la « gauche ». Son premier réflexe est d'ouvrir elle­-même la discussion dans les pages d'une revue intitulée modestement Recueils sur la période actuelle, dont trois abondants numéros paraissent entre janvier et octobre avec des articles signés portant sur les questions économiques, politiques et tactiques. Son objectif, écrit Ardachelia, est d' « éclairer les problèmes de l'époque ». Le rétablissement du contact avec l'extérieur facilite l'entreprise : le « collectif bolchevik‑léniniste » réussit à faire parvenir cinq lettres à la direction clandestine de la fraction en U.R.S.S. et en reçoit cinq réponses ainsi qu'une dizaine de lettres ou documents émanant des « deux vieux », Trotsky et Rakovsky [5].

En juin 1930, la discussion a suffisamment mûri pour qu'on puisse tenter un bilan. Les dirigeants de la majorité ‑ ceux que Ciliga appelle « la droite » ‑ décident d'élaborer des thèses. Ce seront les « Thèses Trois », rédigées par trois des jeunes dirigeants de l'Opposition, Iakovine, Solntsev et Stopalov [6]. Leur analyse de la situation en U.R.S.S. est la même que celle de Trotsky. Ils reconnaissent l'existence de la « crise du bloc centre‑droite », du conflit qui fait rage entre staliniens et droitiers mais soulignent qu'il ne s'agit que d' « une lutte administrative de l'appareil contre les conséquences de sa propre politique économique », « vouée à l'échec » et qui « rejette tous les paysans du côté des koulaks » Pour eux, les « bonds à gauche », épisodiques et forcément limités, se paient en outre d'un prix très élevé, l'étouffement de la vie politique du parti, l'étranglement de sa gauche, l'écrasement des aspirations ouvrières qu'elle incarne. Ils soulignent le caractère « irréfléchi » du plan quinquennal, bureaucratique, et affirment qu'il est impossible de construire le socialisme en se coupant de sa base de classe, la classe ouvrière et que c'est pourtant ce que consacre le plan quinquennal.

Quelques semaines plus tard, sous l'impulsion de Man Nevelson et Aaron Papermeister, sont rédigées d'autres thèses d'un courant que Ciliga baptise « centre ». La divergence porte sur la politique économique. Le texte des « deux » se prononce pour le rétablissement de la Nep c'est‑à‑dire des relations purement marchandes avec la paysannerie que les « trois » ne croient pas possibles. Poznansky, puis Dingelstedt, qui arrive de Roubtsovsk, se rallient aux positions du « centre ».

Ce n'est qu'en septembre 1930 que le groupe du Bolchevik militant élabore ses propres thèses dont nous ne connaissons malheureusement pour le moment que les extraits cités par Iakovine et Ardachelia. Pour lui, l'U.R.S.S. est devenue un frein au développement du mouvement révolutionnaire mondial, et il ne saurait être question de front unique même avec un segment de la bureaucratie. Les thèses excluent toute possibilité de tournant à gauche, se prononcent pour « la réforme de l'État par l'action directe des masses ». Les « bolcheviks militants » constituent en somme une « opposition » à la direction de l'Opposition, cette « droite bolchevik-léniniste » dont ils pensent qu'elle est engagée dans une voie qui mène à la capitulation. Ils se veulent l'incarnation du « bolchevisme militant orthodoxe ». En fait, comme le note justement Ardachelia, ils se situent quelque part entre les B. L. et les « décistes ».

La majorité a progressé au cours de cette discussion. En mai, soixante détenus seulement avaient donné leur accord pour signer la déclaration d'avril de Rakovsky et des autres, cependant que quarante‑sept se situaient sur les positions des «bolcheviks militants ». Mais les difficultés de l'élaboration des thèses de ces derniers ‑ trois mois ‑, l'arrivée de lettres de Trotsky en contradiction avec les idées qu'ils défendent, provoquent une première rupture, celle de sept initiateurs du courant. Quand le texte de la déclaration d'avril est connu, vingt militants des quarante‑sept qui l'avaient refusée s'y rallient. A leur arrivée de Roubtsovsk, Dingelstedt, Abramsky et Antokolsky ont rallié la majorité mais soutenu aussi la nécessité de faire disparaître les organes concurrents émanant des deux fractions du « collectif ». Sur leur intervention, la majorité va publier La Pravda en prison tous les mois ou deux mois, sous forme d'articles copiés en cahiers ‑ cependant que le Bolchevik militant refuse de disparaître. La parution de deux organes se réclamant tous deux du « collectif bolchevik-­léniniste de Verkhnéouralsk » conduit fatalement à la scission, effective en 1931.

Les documents émanant de partisans de la majorité ‑ Ardachelia et Iakovine ‑ se rapportent exclusivement à la première partie de l'année 1930. Pour les années suivantes, nous ne disposons plus à nouveau que du seul témoignage, bien unilatéral, de Ciliga. Partisan de la « gauche » ‑ un droit qu'apparemment personne ne lui a contesté ‑ il donne des idées de ses adversaires une image de toute évidence caricaturale, parlant d' « esprit de soumission aux chefs », disant qu'il s'agit d' « un soutien à la politique officielle » avec « critique de ses méthodes » dont l'unique objectif est « la réforme par le haut » ‑ et il insiste lourdement et quelque peu démagogiquement sur le fait que les leaders des autres tendances sont issus de l'Institut des professeurs rouges [7]. Il importe donc d'accueillir avec prudence ses résumés de faits et ses jugements de valeur, tout en reconnaissant l'utilité de certaines des indications qu'il donne.

Il mentionne par exemple l'intérêt soutenu des détenus pour la situation allemande qu'ils suivent quotidiennement dans Die Rote Fahne, les longues discussions entre eux sur le fascisme, la claire conscience qu'ils ont de ce qui est en jeu en Allemagne, et, ce faisant, confirme, bien involontairement sans doute, l'homogénéité de cette opposition en prison et son accord fondamental avec les positions que Trotsky défend en exil [8]. Il semble difficile de le suivre quand il assure qu'il y eut « panique » chez les trotskystes de Verkhnéouralsk à l'annonce de l'arrivée au pouvoir de Hitler [9]. On peut néanmoins supposer que ces militants qui avaient une analyse correcte de la portée de l'événement, comprenaient la signification qu'il revêtait pour le prolétariat mondial et par conséquent pour eux‑mêmes. Notons seulement qu'il profite au passage d'une anecdote pour placer son camarade de prison, le gendre de Trotsky, Man Nevelson, parmi les « patriotes un peu bornés de notre État soviétique » [10]... Il usure qu'en 1933, après la victoire de Hitler, les décistes se prononcèrent pour la IV° Internationale et furent accusés par les « bolcheviks militants » de lancer un mot d'ordre « prématuré » et « démagogique », cependant que la Pravda en prison maintenait, sans trop insister, les positions traditionnelles. L'affaire fut de toute façon réglée avec l'arrivée ‑ en U.R.S.S. et dans l'isolateur ‑ du Biulleten Oppositsii qui convainquit tous les bolcheviks‑léninistes que le moment était venu d'abandonner le combat d'« opposition » en vue de la « réforme », et qu'il fallait maintenant construire de nouveaux partis et la IV° Internationale. Bientôt l'unité des bolcheviks‑léninistes était d'ailleurs rétablie [11].

Ce serait pourtant une erreur que de suivre de trop près le tableau un peu sommaire et légèrement déformé de Ciliga et d'imaginer une vie politique de l'opposition coulée partout au début des années trente sur le modèle de Verkhnéouralsk. Ailleurs, d'autres discussions l'ont rythmée.

D'abord certaines discussions sur des événements ponctuels. On sait qu'en général les B. L. se divisèrent à propos du « procès du Chakhty » dont certains acceptaient l'authenticité, d'autres dénonçant la fabrication et la machination montée selon eux entre Staline et le principal accusé, Ramzine [12]. Les lendemains de la déclaration d'août 29 et les semaines qui précèdent celle d'avril 30 sont consacrés à une correspondance entre colonies qui couvre tous les problèmes politiques.

Des discussions passionnées autour de la collectivisation et de l'industrialisation se sont bien entendu poursuivies bien après 1929. A côté des sceptiques déterminés qui ne voient, dans le meilleur des cas, dans cette politique qu'un « zigzag manœuvrier » précédant l'inévitable retour à la politique « de droite », d'autres interprétations se font jour. Rakovsky, souvent considéré comme sceptique par rapport aux conséquences socio-économiques de l'industrialisation et de la collectivisation, émet pourtant l'hypothèse qu'elles constituent pour la bureaucratie un moyen d'accroître son pouvoir et ses privilèges puisqu'elles élargissent ses assises économiques et sociales.

En 1930, résurgence des arguments de certains capitulards en 1929, on voit reparaître la théorie selon laquelle industrialisation et collectivisation dont la conséquence ‑ automatique ‑ est de renforcer le « noyau prolétarien » du parti entraînent donc inéluctablement et tôt ou tard ce dernier dans la voie de la réforme. C'est ce que dit Okoudjava, critiqué par Tsintsadzé [13] et à qui Trotsky fait l'honneur d'un coup de patte au passage. S'il semble bien que cette idée ne retrouva guère d'écho dans les rangs de l'Opposition auto‑épurée, il semble que les thèses de Rakovsky sur un nécessaire recours à la Nep en tant que forme concrète de la « retraite » préconisée par tous aient assez profondément divisé ses rangs.

Très tôt, et comme partout dans le monde à l'intérieur et sur les marges du mouvement communiste en crise, apparaissent des théories « révisionnistes » que les bolcheviks‑léninistes débattent avec sérieux et à propos desquelles ils polémiquent. Dès 1930, certains d'entre eux défendent et développent la théorie déjà mise en avant par certains décistes et surtout par les mencheviks, selon laquelle l'État russe serait à considérer non plus comme un État ouvrier, mais comme un « capitalisme d'État » : c'est un économiste de Kharkov, Vladimir Densov, ancien haut‑fonctionnaire du Gosplan [14] qui défend cette thèse en 1931 dans les rangs même du collectif. D'autres repoussent cette interprétation qui remet évidemment en cause les bases même du programme et de l'organisation de l'Opposition : ils envisagent néanmoins la possibilité d'une évolution de ce type dans un avenir plus ou moins proche.

Bien entendu, l'une des discussions principales les plus concrètes en même temps que plus difficile sur le plan théorique du fait de sa totale nouveauté, est celle qui s'esquisse en 1930 autour de la question de la nature de classe de l'État soviétique, donc de la nature de classe de la bureaucratie. Dans sa déclaration d'avril 1930, contresignée par Kossior, Mouralov et Kasparova, Khristian Rakovsky a écrit :

« D'État prolétarien à déformations bureaucratiques – comme Lénine définissait la forme politique de notre État ‑ nous nous développons en un État bureaucratique à survivances prolétariennes communistes [15]. »

Quelques lignes plus bas, il définit la bureaucratie comme une « une grande classe de gouvernants », une « classe originale » dont la base est constituée par la « possession du pouvoir d'État », « sorte originale de « propriété privée ».

Cette analyse soulève critiques et protestations. Dès le 5 juillet 1930, au nom des déportés de Kolpachevo, G. Khotimsky et A. Cheinkman attaquent vivement :

« Nous pensons que la bureaucratie n'est pas une classe et qu'elle ne le deviendra jamais [...] La bureaucratie est le germe d'une classe capitaliste dominant l'État et possédant collectivement les moyens de production [16]. »

On sait par d'autres déportés que Rakovsky a continué à travailler entre 1930 et 1932, notamment sur la question des « dangers du pouvoir » déjà abordée dans sa célèbre lettre à Valentinov d'août 1928. On mentionne entre autres travaux de lui qui ne sont jamais sortis d'U.R.S.S., Les Lois de l'accumulation socialiste pendant la période « centriste » de la dictature du prolétariat et Les Lois du développement de la dictature socialiste.

Débattant l'ensemble de cette question sous le pseudonyme de N. Matkine, Léon Sedov, après avoir rappelé les positions de Rakovsky et celles des déportés de Kolpachevo, mentionne les thèses d'« un camarade autorisé, incarcéré dans un isolateur », lequel propose de se contenter pour le moment de la formule d' «encerclement bureaucratique de la dictature du prolétariat [17]. »

Nous ne savons rien de plus sur une discussion qui a duré sans doute jusqu'à la mort des deux derniers militants de l'Opposition de gauche.


Notes

[1] Vladimir M. Smirnov (1887-1937), membre du parti en 1907, dirigeant à Moscou en 1917, commissaire dans les 5° puis 17° armées, travailla ensuite dans l'économie. « Déciste » en 1920, il rejoignit l'Opposition unifiée en 1926, puis rompit avec elle. Timotei V. Sapronov (1887-1939), peintre en bâtiment, membre du parti en 1912, animateur du groupe « déciste », avait capitulé en 1928 puis été arrêté de nouveau.

[2] On trouve dans les « papiers d'exil » de Harvard deux textes, des copies, très proches l'un de l'autre qui sont des rapports sur la vie politique dans l'isolateur de Verkhnéouralsk. L'un (n° 16927) est signé de Iakovine et Ardachelia, daté du 11 novembre 1930, l'autre (n° 16832), signé de « A. » - de toute évidence Ardachelia - et non daté. Il semble que les deux hommes avaient quitté l'isolateur et trouvé ensuite une possibilité de faire parvenir un rapport à Trotsky. Sauf référence à Ciliga, les informations données dans les pages suivantes proviennent des textes d'Ardachelia et Iakovine et nous avons évité de multiplier les notes de bas de page.

[3] A. Ciliga, op. cit., p. 170.

[4] Ibidem, p. 237. L'auteur précise que les trotskystes ont été informés, mais n'ont pas « su interpréter » l'entrée dans la S. F. 1. 0. Telle n'est pas l'opinion de Victor Serge qui écrit lors de son arrivée en France : « L'entrée de nos camarades dans les partis socialistes n'a pas, que je sache, provoqué de vives discussions [ ... ]. On s'est seulement demandé si dans les partis socialistes nos camarades pourraient garder leur nette physionomie politique. A cette condition, nous avons estimé qu'il était juste de rallier les grands partis de masse » (Lettre à Trotsky du 27 mai 1936, Bibliothèque du Collège de Harvard, 5013, avec la permission du Collège de Harvard).

[5] Iakovine et Ardachelia notent dans leur rapport du 11 novembre 1930, après avoir mentionné que les lettres de Trotsky sont parvenues àl'isolateur avec entre deux et quatre mois de retard : « Ces retards nous ont été très utiles ; ils nous ont permis de vérifier la ligne et les positions que nous avions élaborées et formulées par nous mêmes . Et nous avons souvent constaté avec plaisir que, face aux mêmes événements, la démarche de pensée et les formulations étaient les mêmes sur les îles de l’Oural et de Prinkipo... C'est pour nous la preuve réjouissante des liens qui unissent notre courant par‑delà les distances » (Bibliothèque du Collège de Harvard, 16927, avec la permission du Collège de Harvard).

[6] Il s'agit du texte dont nous publions en annexe de larges extraits sous le titre La Crise de la Révolution qui lui avait été donné dans le B.O. où il était signé « X. Y. Z. ». Ce « texte des Trois » appelé aussi « Thèses Trois » a été identifié à travers une série de recoupements dont le point de départ se trouvait dans la déposition de Trotsky devant la commission Dewey.

[7] A. Ciliga, op. cit., p. 176-177 et 192.

[8] Ibidem, p. 170 et 236.

[9] Ibidem, p. 237.

[10] Ibidem.

[11] A. Ciliga, op. cit., p. 235, situe cette unification à l'été 1933 et indique que Solntsev et Kamenetsky en avaient été, chacun de leur côté, les champions. Il relève aussi la formation d'un groupe de « trotskystes d'extrême‑droite » (Melnais, Barkine, Millmann) et, par ailleurs, l'unification, hors du « collectif », des éléments gauchistes (ex‑«militants » et ex‑« décistes ») en une « fédération des communistes de gauche ».

[12] Léonid K. Ramzine (1877‑1948), ingénieur et professeur, condamné à mort en 1930 pour avoir « avoué » être l'un des dirigeants des saboteurs et conspirateurs du « parti industriel », vit sa peine commuée en dix années de prison au cours desquelles il poursuivit ses travaux scientifiques. Il devait reprendre sa chaire d'enseignant en 1944.

[13] Cf. la lettre de K.M. Tsintsadzé à M.N. Okoudjava, 10 février 1930, Harvard, 15526, cf. documents, p. 115‑120.

[14] A. Ciliga, op. cit. p. 179, 200.

[15] Cf. documents, p. 90‑103.

[16] La lettre de Khotimsky et Cheinkman est incluse dans une correspondance d'U.R.S.S. signée L. Trigubov (Harvard, 17 308 infra. documents, p. 177). Trigubov, que Ciliga présente comme un vieux militant de Kiev, est présenté par Sedov comme « le correspondant à Moscou de l'Opposition ».

[17] Biulleten Oppositsii, n° 14, août 1930.


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