1918 |
« Le programme du parti communiste n'est pas seulement le programme de la libération du prolétariat d'un pays. C'est le programme de la libération du prolétariat du monde entier. Car c'est le programme de la révolution internationale. » |
Il y a des gens qui s'appellent anarchistes, c’est-à-dire partisans de l’abolition des lois. Ils prétendent que les communistes-bolchéviques prennent un mauvais chemin parce qu’ils veulent maintenir le pouvoir. Tout pouvoir et tout Etat signifie oppression et violence ; nous avons vu qu'une telle pensée n'est pas juste à l’égard du communisme. La société communiste est une société dans laquelle il n’y a ni ouvriers ni capitalistes, où il n'y a aucun Etat. La différence entre la société anarchiste et la société communiste ne gît pas dans le fait qu'une aurait un Etat et l'autre pas, il n'y a d’État ni dans l'une ni dans l'autre. La vraie différence est la suivante :
Les anarchistes pensent que les hommes pourraient vivre le mieux, si toute la production était divisée en petites coopératives de production, en communes. Il se formerait par association volontaire une société, une coopérative de 10 personnes — à merveille ! Ces 10 personnes commencent leur travail à leurs propres risques et périls. A un autre endroit naît une deuxième société semblable. A un troisième endroit une troisième société. Plus tard ces coopératives commencent à entrer en négociation et en rapport : L'une manque de ceci, l'autre de cela. Insensiblement elles tombent d'accord et concluent des « contrats libres ».
Toute la production se meut dans ces petites communautés. Chacun reste libre de sortir quand il lui plait de la communauté, et chaque communauté reste libre de sortir de la fédération libre de ces petites communautés (coopératives de production).
Les anarchistes jugent-ils juste ? Tout ouvrier qui connaît la production des fabriques et des usines voit que leur jugement est faux. Disons donc pourquoi :
La société future doit sauver le peuple travailleur d'une double détresse. Premièrement de l’exploitation de l'homme par l'homme, de l’oppression qui découle du fait que l’un s'asseye sur la nuque de l’autre. Cela sera réalisé lorsque le joug du capital sera brisé et qu’on aura repris aux capitalistes leurs richesses. Il reste cependant encore un devoir. Il consiste à se libérer du joug de la nature, à se soumettre cette nature, à organiser la production de la manière la meilleure et la plus parfaite. Alors seulement l’homme dépensera peu de temps à la préparation des repas, à la confection des chaussures et des vêtements, à l’édification des maisons, etc., et emploiera le reste de son temps à son développement spirituel : la science, l'art et tout ce qui orne la vie humaine. Les ancêtres de l'homme actuel, qui vivaient comme un troupeau de demi-singes, étaient égaux entre eux, mais ils avaient une vie semblable à celle du bétail, parce qu'ils n’avaient pas soumis la nature, mais qu’ils étaient complètement soumis à elle. Par la grande industrie capitaliste l’humanité a appris, au contraire, à se soumettre la nature, mais les ouvriers vivent comme des bêtes de somme parce que le capitaliste s’est assis sur leur nuque, parce que l'inégalité économique domine. Qu’en résulte-t-il ? Il faut unir l’égalité économique et la grosse industrie. Il n'est pas suffisant que les capitalistes disparaissent. Il est nécessaire que la production, comme nous le disions auparavant, soit basée sur un large pied. Toutes les petites entreprises incapables doivent périr. Tout le travail doit être concentré dans les grandes fabriques, les grandes usines et les grandes entreprises agricoles. Il ne faut pas que Jean ignore ce que Pierre fait et que Pierre ne sache pas ce que fait Jean, Une telle société n’est capable de rien. Il est nécessaire d’avoir un plan de travail unique. Ce plan unique sera meilleur s’il englobe un plus grand nombre d’endroits. Le monde entier doit finalement former une grande entreprise de travail où toute l’humanité travaille pour elle sur les meilleures machines, dans les plus grandes fabriques, sans les maîtres et les capitalistes d’aujourd’hui, mais d'après un plan rigoureusement préparé, calculé et mesuré.
Pour développer davantage la production, on ne doit pas seulement ne pas mettre en pièces la grosse industrie que le capitalisme nous lègue déjà, on doit encore l’agrandir. Plus large et plus grand sera le plan d’ensemble, plus grandes seront les proportions dans lesquelles la production sera organisée, plus elle obéira aux ordres venant d'un point statistique central de comptes et de décomptes, en d’autres termes, plus elle sera centralisée, meilleure elle deviendra. Car moins l'homme aura de travail, plus il sera libre et plus 1a société humaine aura de temps pour son développement spirituel.
Mais la société future que défendent les anarchistes est l’inverse de cela. La société anarchiste fractionne la production au lieu de l'agrandir, de la centraliser et de la régler, elle diminue par là la domination de l'homme sur la nature. Elle n’a aucun plan d’ensemble, aucune grande organisation. Dans la société anarchiste on ne pourrait pas dire exactement comment employer les machines colossales, bâtir des chemins de fer selon un plan, entreprendre des grands travaux d'irrigation et de drainage. Prenons un petit exemple : On parle beaucoup maintenant de la substitution de l’électricité aux moteurs à vapeur et de l'utilisation de la force électrique des chutes d’eau, etc. Pour répartir régulièrement l’énergie électrique gagnée on doit, naturellement, calculer, mesurer, examiner où cette énergie doit être conduite et dans quelle proportion, afin qu’elle ait la plus grande utilité possible. Qu’est-ce que cela signifie ? Comment cela est-il possible ? Cela n'est possible que si la production est organisée sur une grande échelle, si elle est concentrée dans un ou deux grands centres de calculs et d’administration. Par contre cela est impossible dans la société anarchiste formée de petites communautés, dispersées et faiblement liées. De cette manière nous voyons que la société anarchiste ne peut organiser la production comme elle le doit. Elle nécessite une plus longue journée de ^travail, c'est-à-dire une énorme dépendance à l’égard de la nature.
La société anarchiste serait un sabot qui empêcherait l'humanité de se développer ; c'est pourquoi les communistes combattent l'enseignement que les anarchistes répandent.
Il est clair que l'enseignement anarchiste conduit à la division plutôt qu'à l'organisation méthodique et communiste de la société. La petite communauté anarchiste n'est pas l'immense ruche travailleuse d’une quantité d’hommes, mais un petit groupe qui peut compter jusqu'à deux personnes seulement. A Petrograd il existe un tel groupe, « Union des cinq opprimés ». D’après la théorie anarchiste il peut aussi y avoir une Confédération des deux exploités Représentons-nous maintenant ce qui peut arriver quand cinq personnes ou deux personnes indépendantes commencent à réquisitionner et à confisquer, puis à travailler à leurs risques et périls. En Russie il existe environ 100 millions de travailleurs. S'ils forment des « Unions des cinq opprimés », nous aurions, en Russie. 20 millions de telles communautés. On peut se représenter quelle tour de Babel ce serait si ces 20 millions de communautés commençaient à agir d'une façon indépendante ! Que Dieu nous préserve d'un tel chaos et d’une telle « anarchie » ! Il va de soi qu'il ne sortirait de là que le partage si de tels groupes prenaient possession, d'une façon indépendante de la richesse des riches. Le partage conduit, comme nous l'avons dit plus haut, de nouveau au règne du capital, de l’exploitation et de la violence sur les masses ouvrières.