1950 |
Source : « Programme Communiste », no.79, avril 1979 |
Sur le fil du temps
La place du problème national dans la doctrine marxiste est bien claire dès les formulations du Manifeste communiste. Ce texte admirable a un double avantage : il a été écrit à la veille de la montée révolutionnaire de 1848, qui se présentait comme la liquidation des revendications bourgeoises contre les vestiges du féodalisme, libérant aussitôt la voie pour la lutte prolétarienne directe contre la classe capitaliste; et il donne dans des chapitres distincts l’encadrement théorique et programmatique radical de la question, ainsi que l’application stratégique à la situation de l’époque et des forces en jeu.
La doctrine de la lutte ouvrière contient une révision radicale de l’idée nationale si chère à l’idéologie extrémiste bourgeoise. Elle affirme sans aucune hésitation ni réserve :
« Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ôter ce qu’ils n’ont pas ».
Mais dira-t-on, la patrie est peut-être une idée vague, mais l’État national délimité par des frontières précises est bien un fait historique ! A cette objection, il a déjà été répondu : « La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie est au début une lutte nationale, mais dans sa forme, non dans son contenu. Le prolétariat de chaque pays doit évidemment en finir d’abord avec sa propre bourgeoisie »[1]. Dès lors, le lien entre socialisme ouvrier et internationalisme est établi de manière irrévocable.
Mais l’effondrement de la grande vague révolutionnaire de 1848 n’est pas seulement celui du prolétariat européen qui cherchait à prendre la tête de la révolution, c’est aussi l’échec partiel de la liquidation de formes prélibérales qu’on cherchait à restaurer. Tandis qu’en Europe le despotisme féodal conserve la formidable forteresse russe, les régimes politiques des pays germaniques ne réussissent pas à confluer dans un État national nettement bourgeois, cependant qu’en France le coup d’État de Louis Bonaparte apparaît comme un retour « à droite » bien que le nouveau régime constitue un abri douillet pour le capital.
De 1848 à 1870, une série de guerres de constitution nationale consolide la formation des puissances capitalistes modernes et joue un rôle essentiel dans la formation de la structure sociale européenne, dans laquelle s’encadrent toujours mieux la lutte de classe ouvrière et le mouvement socialiste. Quant nous répétons que 1871 constitue en Europe le tournant entre cette période et celle de l’impérialisme sans fard et généralisé, nous n’inventons certainement rien.
La guerre franco-allemande de 1870 apparaît comme une agression française, une tentative du Second Empire, avec son militarisme affiché, d’établir son hégémonie en Europe. La Prusse de Bismarck, malgré ses institutions féodales et son militarisme tout aussi déclaré, apparaît injustement menacée : ce qui paraît surtout menacé, c’est la formation d’une nation allemande libre et moderne, puisque l’Allemagne, qui se débat déjà sous le poids féodal des régimes traditionnels de Berlin et de Vienne, risquerait en outre d’être prise en tenaille entre deux empires réactionnaires, l’empire russe et l’empire français. Ce tournant historique n’a pas été compris à fond par les socialistes malgré les puissantes analyses de Marx, jusqu’à ce que la critique léniniste éclaire d’une puissante lumière la situation de 1914–18 et la trahison de groupes entiers de chefs du prolétariat. Il est indéniable qu’avec la guerre de 1939–45 une grande partie de la classe ouvrière mondiale est retombée dans les ténèbres.
Publiée à la veille de la guerre franco-prussienne, la première Adresse du Conseil général de l’Internationale parle elle-même) tout en répétant les principes de la solidarité ouvrière internationale, d’une guerre de défense à laquelle les ouvriers allemands participent par la force des choses. Elle ne peut toutefois oublier que l’opposition au sein du corps législatif français – une opposition qui n’était pourtant socialiste qu’en partie, et seulement de nom – a refusé de voter les crédits de guerre au ministère de Napoléon III. Des deux côtés, les socialistes semblent considérer comme une issue favorable la défaite de l’agresseur Bonaparte.
Après la première Adresse du 23 juillet 1870, écrite au moment où les armées françaises faisaient mouvement de manière menaçante, vient celle du 9 septembre, qui suit les défaites que les divisions de Moltke ont infligées, à la stupeur générale, aux divisions françaises. Cette seconde Adresse est une protestation des socialistes allemands et internationaux contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine et le pangermanisme naissant. Comme Engels le signale, elle prévoit ce que le compagnon de Marx lui-même ne vécut pas assez longtemps pour voir – à savoir que le pillage militariste en territoire français n’a pas donné naissance à la liberté allemande mais à une grande guerre « non localisée », une nouvelle « guerre défensive » et « de races, contre les races latine et slave coalisées ».
A partir de ce moment historique, c’est de France que vient la plus grande leçon de l’histoire pour la théorie de la révolution. Le Second Empire s’effondre dans les revers militaires, aux applaudissements des ouvriers français. Mais ceux-ci se trouvent bientôt confrontés à des problèmes terribles. Les bourgeois proclament la République, à laquelle participent les partis et les chefs les plus équivoques du monde politique : opposants plus ou moins authentiques au dictateur, sans compter ceux de la onzième heure, monarchistes orléanistes, républicains bourgeois, bourreaux de la répression anti-ouvrière de juin 1848. Dès cette deuxième Adresse historique, Marx avertit : « la classe ouvrière française se trouve placée dans des circonstances extrêmement difficiles ». Chose remarquable, Marx lui-même n’invoque pas à ce moment le déchaînement de la guerre civile « alors que l’ennemi frappe presque aux portes de Paris », mais il dit aux ouvriers français qu’ils « ne doivent pas se laisser entraîner par les souvenirs nationaux de 1792 ». L’Adresse conclut en se tournant ensuite vers les ouvriers de tous les pays :
« Si les ouvriers oublient leur devoir, s’ils demeurent passifs, la terrible guerre actuelle ne sera que l’annonciatrice de conflits internationaux encore plus terribles et conduira dans chaque pays à de nouvelles défaites des ouvriers battus par les seigneurs du sabre, de la terre et du capital »[2].
La classe ouvrière italienne s’est elle aussi trouvée, lors de la chute du fascisme provoquée par la défaite militaire, dans une situation extrêmement difficile. Mais les enseignements que l’histoire donna aussitôt après au marxisme, et que Lénine reprit contre la vague honteuse de la trahison de 1914, ne lui ont malheureusement pas suffi. Ses chefs, en l’emprisonnant dans une république plus fétide encore que celle de Monsieur Thiers, lui ont fait totalement oublier son devoir envers elle-même et envers la révolution.
Deux jours seulement après les sanglants événements de mai 1871 Marx put, comme le remarque Engels, écrire des pages qui comptent parmi les plus puissantes pages révolutionnaires à la gloire de la Commune.
Lorsque le 4 septembre 1870, grâce aux ouvriers, flamboie à nouveau dans Paris, comme en février 1848, le cri historique de « Vive la république ! », la France n’est plus un pays agresseur, et l’envahisseur prussien se lance contre la capitale. Le prolétariat a applaudi à la défaite de Napoléon le petit, mais il ne peut encore être indifférent au destin de la nation. Il n’est pas encore mûr pour découvrir son devoir de classe dans toute sa plénitude. Pendant un demi-siècle on commémora la Commune et beaucoup ne surent pas apprécier le poids du facteur patriotique, qui avait incité Garibaldi lui-même à venir offrir son épée à Paris, par rapport au facteur classiste et révolutionnaire. Lénine nous apporta une aide puissante, à nous tous qui dès les premières années avions su lire dans Marx, et avec Marx dans l’histoire. Rapprochons la première et la dernière de ces pages inoubliables. Le premier sursaut des travailleurs de Paris contre la république bourgeoise se produit lorsqu’ils découvrent que les nouveaux représentants de la classe dirigeante fricotent avec les Prussiens. Ils s’insurgent contre eux au cri infamant, devenu historique, de capitulards. Lorsqu’on tente d’enlever ses canons à la garde nationale – qui n’est pas encore une garde ouvrière – l’insurrection éclate. Marx en comprend pleinement le mobile : il rappelle que les documents que les Trochu, les Dufaure, les Thiers ont abandonnés en s’enfuyant à Versailles fournissaient les preuves de leur connivence avec l’ennemi. L’histoire n’avait pas encore démêlé l’écheveau entremêlé des exigences nationales et des exigences de classe; les partis socialistes de l’époque suivaient des doctrines inadéquates; mais le prolétariat comprit que la bourgeoisie française qui manœuvrait pour sauver ses privilèges n’hésitait pas à prendre ses ordres et son argent chez son ami de classe Bismarck, en lui offrant entre autres clauses d’armistice l’engagement de disperser la canaille révolutionnaire de Paris. A la fin de la lutte, de leur effort titanesque pour affronter les bourgeois français et l’armée allemande, les fédérés tombent; mais il reste à l’histoire de la révolution ouvrière le premier exemple historique de sa dictature rouge, en même temps que son émancipation définitive du préalable national, dont le poids avait jusqu’alors été pleinement reconnu par la théorie marxiste.
« La domination de classe ne peut plus se cacher sous un uniforme national. Les gouvernements nationaux ne font qu’un contre le prolétariat »[3] :
c’est ainsi que Marx clôt l’un des essais qui expriment le mieux la progression parallèle de l’expérience historique et de la théorie de parti, fût-ce dans la défaite de l’insurrection.
Quand la grande guerre de 1914 éclata et que les socialistes allemands trahirent leur préparation marxiste en la qualifiant sérieusement de « défensive », comme Marx l’avait dit ironiquement quarante ans plus tôt, Karl Liebknecht – c’est Lénine qui le rappelle dans ses thèses de 1915 – leur répliqua qu’avec l’expression de guerre défensive les marxistes d’avant 1870 indiquaient en réalité les guerres de développement de la forme capitaliste, alors que celle de 1914 était une guerre impérialiste entre des capitalismes en plein développement : c’était donc une trahison de parler de défense, que ce fût en Allemagne, en France ou en Russie. Cette idée fondamentale, que nous revendiquons ici, est exprimée par Lénine dans ses thèses : à la différence des pacifistes bourgeois et des anarchistes nous comprenons, dit Lénine, la nécessité d’apprécier chaque guerre historiquement dans son caractère spécifique. Il y a eu des guerres qui ont été utiles à l’évolution de l’humanité : depuis la révolution française jusqu’à la Commune de Paris (1789–1871) les guerres nationales bourgeoises ont été des « guerres progressives ». Ensuite vient l’impérialisme moderne et ses guerres : la période du « capitalisme progressif » finit en 1871. La bourgeoisie impérialiste moderne « trompe les peuples au moyen de l’idéologie nationale et de la notion de défense de la patrie » alors que ses guerres ne sont que des guerres entre esclavagistes, qui ont « pour enjeu l’aggravation et le renforcement de l’esclavage »[4].
Fidèles écoliers, nous remontons avec Marx et Lénine le long du fil du temps, dont ces maîtres n’ont jamais perdu la direction. En l’abandonnant et en se laissant tomber dans la boue de l’abjuration, les nationaux-communistes se voient aujourd’hui encore dans la période du « capitalisme progressif » : ils ont défini la dernière guerre comme une nouvelle guerre de « libération nationale ». Alors que le phénomène impérialiste, dont les données avaient été mises en évidence par Lénine en 1915, avait atteint dans le quart de siècle qui a suivi une intensité aveuglante !
La théorie léniniste de l’opportunisme, établie en appliquant rigoureusement la méthode marxiste, montre que dans la période relativement pacifique 1871–1914, celui-ci, niant
« le fond du problème, [c’est-à-dire] que l’époque des guerres nationales entre les puissances européennes a fait place à l’époque des guerres impérialistes »[5]
allia l’erreur de doctrine à la trahison dans l’action politique; le contenu de cette trahison était la collaboration des classes, l’abandon de l’action révolutionnaire, la reconnaissance inconditionnelle de la légalité bourgeoise,
« l’alliance des valets de la bourgeoisie avec cette dernière, contre la classe qu’elle exploite »[6].
La même analyse s’applique à la trahison actuelle des staliniens, qui à l’échelle internationale ont qualifié la guerre des impérialistes américains, anglais et français contre les impérialistes allemands de guerre de libération et qui, après avoir dans une première phase pratiqué le compromis impérialiste avec les Allemands eux-mêmes, ont dans la seconde pratiqué l’alliance avec les Occidentaux. Pour cela ils ont dû affirmer que les Occidentaux s’étaient transformés d’impérialistes en « libérateurs » désintéressés, ils ont dû rompre le fil du temps, déchirer les Guerres civiles de Marx, fouler aux pieds les thèses de Lénine. C’était un crime d’admettre que les Anglo-Américains avaient cessé d’être impérialistes très exactement entre 1941 et 1945, alors qu’Engels décrivait les premiers comme impérialistes en 1844, et les seconds en 1891 (précisément en commentant le texte de Marx de 1871); mais il n’est pas besoin de le démontrer polémiquement aujourd’hui [1950], alors que toute la presse inspirée par Moscou se déchaîne à nouveau contre l’impérialisme agresseur de Washington et de Londres.
L’Institut Marx-Engels-Lénine de Moscou, aussi riche en textes qu’en possibilités de cacher et de falsifier les originaux, ose invoquer comme preuve du fait que Lénine admettait la coexistence entre l’État prolétarien et les États capitalistes une interview de février 1920, que ceux qui ont su rester fidèles au marxisme connaissent bien, et qui n’est inédite que pour les dernières des crapules[7]. Dans cette interview, Lénine se payait magistralement la tête des journalistes bourgeois en invoquant effectivement la coexistence pacifique, mais
« avec les ouvriers et les paysans […] qui s’éveillent à une vie nouvelle, une vie sans exploitation, sans grands propriétaires fonciers, sans capitalistes, sans marchands ».
Ces messieurs de l’Institut coexistent avec des propriétaires fonciers, des capitalistes et des marchands, et ils ne trouvent rien d’autre à sortir de leurs archives ! Lénine répond magistralement à l’allusion à une alliance possible avec l’Allemagne social-démocrate : nous sommes pour une alliance avec tous les pays sans en excepter aucun ! Et les membres de l’Institut et autres pharisiens picasso-pacifistes ne comprennent pas que cette thèse condamnait et considérait comme une trahison toute éventualité d’alliance politique et militaire avec l’un des rivaux et adversaires impérialistes, qu’il s’agisse de l’Allemagne bourgeoise ou de l’Angleterre et de l’Amérique tout aussi bourgeoises !
La version italienne du repli sur le mensonge national renverse totalement la position marxiste du problème en ressuscitant le cadavre du capitalisme progressif qui avait été enseveli par les obus des communards et par la plume de Karl Marx; c’est la plus pourrie de toutes. La substitution de l’égalité fascisme = féodalisme à l’égalité lumineuse établie en 1923 fascisme = impérialisme, marque la chute dans le précipice. Elle vaut cette autre identité non moins bestiale : Mussolini = Louis Bonaparte, ou encore Hitler = Nicolas Romanov.
La résistance que le prolétariat de Paris sut glorieusement opposer à la manœuvre de sauvetage du pouvoir bourgeois lors de la chute du dictateur, le parti communiste né à Livourne, trahi par cette erreur fondamentale, ne sut hélas pas même l’ébaucher. Alors qu’il s’agissait de greffer la bataille de classe sur la défaite militaire de l’État (qu’il soit despotique ou démocratique) en appliquant le défaitisme de Lénine, on appliqua au contraire un « capitulardisme » à la Trochu et les chefs, exploitant le mot d’ordre creux de résistance, mirent les masses au service des armées alliées dont ils étaient les larbins stipendiés.
Ils arrivèrent avec pour programme de réunir dans le comité des capitulards non seulement les champions d’une république en toc, comme la république bourgeoise française de septembre 1870, mais même la monarchie fasciste et belliciste. Ils appliquèrent une méthode pleine d’un tel zèle « passéiste » et anti-marxiste qu’ils justifièrent leur trahison par le devoir « national » et le « salut du pays », alors que plus de quatre-vingts ans auparavant les naïfs blanquistes parisiens avaient tiré de leur sentiment pour la « défense de la patrie » la force de se battre contre les deux armées intérieure et étrangère coalisées.
Il s’agit d’un double « capitulardisme » : celui des chefs du prolétariat, qui trahissent la cause révolutionnaire et passent à la collaboration de classe, et celui de la bourgeoisie, qui impose aux travailleurs de renoncer à leur autonomie de classe au nom du préalable de la « nation » et de verser leur sang un jour contre les Anglais, le lendemain contre les Allemands. Quant à la « patrie », la bourgeoisie y tient tellement qu’après s’être d’abord louée aux derniers cités elle s est ensuite louée aux premiers pour mieux préserver ses intérêts de classe, mais en évitant de leur remettre les « responsables » de la guerre, ceux que Lénine désignait sarcastiquement comme étant tous les propriétaires fonciers et les capitalistes de tous les pays[8]; mais que de la libération nationale il sorte une Italie qui a renoncé à toute dignité et tout juste bonne à se faire culbuter, la bourgeoisie s en fiche royalement, encore plus que nous autres réfractaires.
Laissons donc la parole à ceux qui se moquent de la fidélité au fil du temps du marxisme – ils sont plus éloquents que nous et que l’histoire, et nous serions incapables de paraphraser tant d’ignominie :
« Dès le début de la guerre mondiale, nous avons déclaré que nous appuierions dans le front antifasciste même un mouvement monarchiste qui aurait éliminé Mussolini à temps et qui aurait évité l’entrée de l’Italie en guerre, ou bien, après juin 40, aurait fait sortir l’Italie de la guerre […] En mars 1944, nous avons appliqué courageusement cette politique : il est vrai qu’il y avait eu le 25 juillet et que l’Italie avait été battue, mais il fallait un bloc politique national le plus large possible afin que le Pays puisse faire ses premiers pas en avant »[9].
La polémique théorique pourrait poser cent questions, parmi lesquelles celle-ci : si on croit à ce bloc national le plus large possible, pourquoi ne comprend-il pas en premier lieu l’État engagé dans la guerre ? Pourquoi si on y croit, répétons-nous, n’évite-t-il pas au « Pays » l’issue la plus horrible c’est-à-dire la défaite militaire ? Y a-t-il un seul de ces péchés de l’enfer que Mussolini aurait commis contre ces « intérêts supérieurs de la nation » dont vous avez plein la bouche, y en a-t-il un seul dans lequel n’aient pas trempé le monarchisme et ses alliés de 1944, à l’instar des bonapartistes, des orléanistes et des flics républicains en France en 1870 ?
Mais on peut toujours jongler avec la doctrine, surtout quand on a un appareil de propagande bien subventionné et rodé à une publicité démagogique du type Coca-Cola. La chronologie, en revanche, cause un peu plus d’ennuis à ceux qui revendiquent la « cohérence ». Le mot d’ordre maudit de front antifasciste ne date pas de 1939, mais de 1923. En 1939 et en juin 1940, le stalinisme n’était pas préoccupé d’éviter l’alliance de Mussolini avec Hitler, puisque lui-même était l’allié du Führer dans le partage de la Pologne; le cri de « rompez les rangs », il le lançait depuis les radios rhénanes aux poilus français, vétérans depuis 1792 de la défense de la liberté. Ce n’est qu’en juin 1941 qu’on recommence le bordel pour emmerder Mussolini et faire le jeu des Anglais puis des Américains, et qu’on identifie la liberté nationale avec la victoire de ceux-ci et leur obscène promenade off limits. Et en 1946 on redécouvre que les Américains sont capitalistes, impérialistes et agresseurs.
Sur le fil des dates nous accrochons à l’adresse des social-traîtres un écriteau : Ne touchez pas ! Danger de mort !
Notes :
« Manifeste du Parti Communiste », 1er Chapitre [⤒]
« Deuxième Adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne » dans « La guerre civile en France », Editions sociale, 1968, p.40. [⤒]
« Adresse du Conseil général de l’Association internationale de travailleurs », dans « La guerre civile en France », Editions sociale, 1968, p.87. [⤒]
« Le socialisme et la guerre », juillet-août 1915, Lénine, Œuvres, tome 21, p.311 [⤒]
« L’opportunisme et la faillite de la IIe Internationale », janvier 1916, Lénine, Œuvres, tome 22, pp. 117–118 [⤒]
« L’opportunisme et la faillite de la IIe Internationale », janvier 1916, Lénine, Œuvres, tome 22, p. 119 [⤒]
Il s’agit d’une interview publiée le 21 février 1920 dans le « New York Evening Journal » (Lénine, Œuvres, tome 30, pp. 377–379), dont est tirée la citation qui suit. Elle fut republiée en avril 1950 dans la « Pravda » et peu après dans l’organe du PC italien « l’Unità ». (voir aussi[8]) [⤒]
Une question de l’interview citée plus haut[7] demandait l’opinion de Lénine « sur l’extradition des responsables de la guerre, demandée par les Alliés ». Et Lénine de répondre :
« Pour parler sérieusement, les responsables de la guerre sont les capitalistes de tout les pays. Livrez-nous tous les grands propriétaires fonciers […] et les capitalistes […], nous leur apprendrons à faire un travail utile, nous les déshabituerons du rôle honteux, vil et sanglant d’exploiteurs et de fauteurs de guerre pour le partage des colonies. Dès lors les guerres deviendront bien vite absolument impossibles. »
Lénine, Œuvres, tome 30, p. 378 [⤒]
Extrait de la « Réponse de Togliatti à Gaetano Salvemini » dans « l’Unità » du 9 avril 1950. Le 25 juillet 1943 est la date de la destitution de Mussolini par le roi, suite à la prise de position du Grand Conseil fasciste contre la politique militaire du Duce. En fait, l’Italie ne sortit pas de la guerre mais fut envahie par les armées allemandes au Nord et par les Alliés en Sicile. [⤒]
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