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LA LUTTE DE CLASSES nº 67
18 Septembre 1946
Il y a deux ans, le Gouvernement De Gaulle et les Partis "résistants" qui l'appuyaient avaient proclamé, en prenant la place du régime de Vichy, leur volonté de ne pas rétablir ce qui était pourri dans la "IIIème République", mais de faire du "neuf" et par-dessus le marché du "raisonnable".
Qu'ont-ils fait ?
DE GAULLE, ancien membre de " l'Action Française ", partisan d'un pouvoir fort, obligé temporairement de s'appuyer sur les Partis et les organisations sans le concours desquels les masses n'auraient pas accepté les sacrifices inouïs imposés par la bourgeoisie en guerre (notamment le P.C. et la C.G.T.), LUTTE ACTUELLEMENT OUVERTEMENT POUR LA RESTAURATION DU PETAINISME.
Les antagonistes ACTUELS de De Gaulle, le P.C. et le P.S., prétendent défendre contre lui la démocratie, parce qu'en PAROLES ils s'opposent à la toute-puissance du "pouvoir exécutif".
En fait, ce n'est pas dans les proclamations et dans les textes que les travailleurs peuvent apprécier la démocratie, mais dans les actes. Si De Gaulle c'est la rue de Châteaudun, le gouvernement actuel leur apparaît tout simplement comme une réédition du régime daladiériste de 1938 : un régime qui lutte contre les grèves ouvrières, pas encore par la force ouverte de l'Etat, mais avec l'appui des organisations "ouvrières" comme avant-garde de la force de l'Etat. Si en 1938 un tel régime n'avait que l'appui du P.S., et aujourd'hui a l'appui du P.C., cela montre seulement le chemin que ce Parti a fait depuis, ET NE FAIT QU'AGGRAVER L'EXPLOITATION, L'OPPRESSION ET LE MANQUE DE DEMOCRATIE QUI PESENT SUR LES TRAVAILLEURS EN 1946.
C'est pourquoi, quand De Gaulle présente le gouvernement ACTUEL comme un gouvernement d'Assemblée, ce n'est là qu'un prétexte pour attribuer le désordre, l'anarchie produits par le régime capitaliste et par l'Etat bourgeois devenu une monstruosité, à la "DEMOCRATIE".
Derrière des conceptions constitutionnelles soi-disant opposées, il s'agit en réalité, comme l'avoue maintenant ouvertement la bourgeoisie, de savoir si le moment est venu pour elle de LIQUIDER A SON TOUR les liquidateurs du mouvement révolutionnaire, le P.C. et la C.G.T., comme le fait la bourgeoisie grecque.
Comment en est-on arrivé là ?
C'est parce que la bourgeoisie et ses complices dans le camp ouvrier avaient présenté aux travailleurs le retour à la démocratie, au "neuf" et au "raisonnable" (ce par quoi les travailleurs entendent le bien-être et la liberté réelle), comme pouvant être réalisé par le vote, par l'élection d'un Parlement au suffrage universel.
Cependant une année d'expérience parlementaire n'a fait que ramener à la surface de vieux politiciens et les principaux complices de Pétain (les Daladier et les Reynaud), et une Constitution de modèle 1875 qui avait elle-même été élaborée par une majorité monarchiste.
En face de ces résultats, tout ce que savent nous dire les Thorez et les Duclos, c'est : vous n'aviez qu'à mieux voter. Mais le P.C. et le P.S. n'ont-ils pas eu la majorité, à la suite du 21 octobre ? Qu'ont-ils fait de mieux avec leur majorité que le Gouvernement Bidault ? Ils n'ont rien voulu faire ! Et même s'ils l'avaient voulu, l'auraient-ils pu ? Non ! Car tous les instruments du pouvoir, la police, l'armée, la bureaucratie, sont indépendants et au-dessus du Parlement, sont directement entre les mains de la bourgeoisie. L'Humanité, même au temps du Gouvernement Gouin, n'écrivait-elle pas tous les jours, "en haut lieu, on ne veut pas ceci, on ne veut pas cela..." ?
On voit maintenant que du fait qu'il n'y a pas eu de révolution prolétarienne, que les 200 familles sont restées maître de tout le sol, du sous-sol, des usines, du fait que l'Etat bourgeois, avec sa bureaucratie et sa police, malgré son ébranlement provoqué par cinq années de guerre, a été restauré avec le concours des partis dits ouvriers et des Syndicats, il n'y a d'autre système gouvernemental possible, que le DALADIERISME ou le PETAINISME. Le premier préparant toujours la voie au second.
Ceux qui préconisent des réformes démocratiques, par une Assemblée élue au suffrage universel bourgeois, ne font en réalité que rendre à la bourgeoisie de la main droite ce qu'ils prétendent lui enlever de la main gauche.
Tout ce que les travailleurs gagnent contre le patron individuel, ils le gagnent à la sueur de leur front, par la grève, par l'action directe. Mais si, contre le patron, il faut nous organiser d'une façon distincte du patron et gagner tout par les grèves, par l'action directe, la réalisation de nos aspirations démocratiques contre l'Etat, qui est le patron des patrons, ne pourra se faire aussi que par une action résolue de la classe ouvrière tout entière.
Ce n'est pas un Parlement élu au suffrage universel, où les capitalistes, les spéculateurs, les cagoulards, les hautes sphères de la bureaucratie, de l'armée, du clergé, sont représentés par plus de la moitié des députés et qui manque de tout pouvoir réel, qui peut réaliser la démocratie pour les travailleurs. Un tel Parlement ne peut que camoufler en "volonté populaire" la dictature de la bourgeoisie.
Pour lutter contre l'Etat-cagoule, contre les fascistes, pour faire rendre gorge aux spéculateurs, pour empêcher la bourgeoisie d'affamer les travailleurs et réduire ainsi les libertés "reconnues" à un chiffon de papier, il faut aux travailleurs s'organiser en une force politique sous leur propre contrôle, libre de tout contrôle de la bourgeoisie, donc en dehors du Parlement bourgeois.
Chaque fois que les travailleurs ont voulu réaliser la démocratie pour eux, que ce soit en 1793 quand ils luttaient ensemble avec la bourgeoisie révolutionnaire contre l'ennemi commun : noblesse et royauté, ou pendant la Commune de 1871 quand il s'est agi, après l'écroulement de Badinguet, de réaliser effectivement la démocratie contre la bourgeoisie, chaque fois ils ont organisé des Parlements à eux, sur la base des quartiers. A ces Parlements participait tout le peuple en lutte directe contre ses exploiteurs, et dont l'action commune opposait une force démocratique populaire à la force des classes dirigeantes.
Seuls ces "Parlements", formés par les délégués des Comités d'usine et de quartier, envoyant des délégués à l'échelle de la localité, de la région, et au-dessus de tous un "parlement ouvrier", appuyé directement sur les travailleurs en lutte, peuvent réaliser un pouvoir démocratique à la place du pouvoir oppressif actuel : le gouvernement ouvrier et paysan. Seul un tel gouvernement nous donnera une Constitution démocratique et personne d'autre.
En face de l'offensive capitaliste actuelle, des préparatifs de plus en plus ouverts de De Gaulle et des bandes réactionnaires pour imposer à nouveau le pétainisme, il n'y a pas de défense possible pour les travailleurs dans un vote quel qu'il soit, à l'aide de leurs "élus".
Les ouvriers voient les dangers de la situation et ce qu'il faudrait faire ; mais ils se considèrent seuls et abandonnés.
Cependant à travers les luttes qu'elle est obligée de livrer, la classe ouvrière peut faire surgir de son sein une nouvelle avant-garde puissante. A condition seulement qu'au travers de ces luttes et du regroupement qu'elles provoquent, ELLE S'ORGANISE EN FORCE POLITIQUE DISTINCTE DE CELLE DE LA BOURGEOISIE, sous forme de Comités d'action locaux reliés entre eux.
Il faut s'orienter vers une action de classe, ne compter que sur celle-ci, transformer la puissance virtuelle des travailleurs en puissance réelle en organisant les Milices ouvrières (dont les piquets de grève ; peuvent être l'embryon) et en concentrant les efforts de chaque ouvrier par l'organisation. Au travers des luttes économiques, de l'organisation des piquets de grève, des Comités d'usine, la classe ouvrière doit renouveler les hommes et trouver une nouvelle direction ; SI LES PROLETAIRES S'ANIMENT D'UNE VOLONTE NOUVELLE, CETTE DIRECTION SURGIRA RAPIDEMENT ET INVINCIBLEMENT DE SON PROPRE SEIN.
Presque quotidiennement, l'organe central des Staliniens, L'Humanité, dénonce les miliciens "hitléro-trotskystes au service de l'étranger".
Il est grand temps, de la part de toutes les tendances révolutionnaires, de commencer une offensive vigoureuse (et non pas de simples protestations verbales) contre ces calomnies, qui servent de principal argument politique aux chefs staliniens pour lutter contre les tendances révolutionnaires.
Car elles sont utilisées en même temps, à l'insu des militants du rang du P.C.F. pour s'attaquer physiquement aux militants révolutionnaires et à l'occasion LES ASSASSINER. C'est ainsi que, sous ce prétexte, il y a deux ans, le 11 Septembre 1944, Mathieu Bucholz, membre de notre organisation, était enlevé et "liquidé" sur l'ordre de responsables staliniens, après avoir été torturé.
AU SERVICE DE QUI BUCHOLZ ETAIT-IL ?
Il existe à ce sujet des dizaines et des dizaines de témoignages, de tous les milieux, à l'aide desquels on peut vérifier, jusque dans ses moindres détails, son activité militante depuis son début, en 1942, jusqu'au moment de son assassinat.
Mais le procès que sa famille a essayé d'intenter pour découvrir les assassins, s'est heurté au double obstacle des entraves (disparition de dossiers, etc...) suscitées, d'une part, par de "mystérieux" puissants personnages derrière lesquels il n'est pas difficile de deviner le P.C.F., et d'autre part, par la justice bourgeoise elle-même, réservée aux riches : pour s'occuper d'une telle affaire, messieurs les avocats, défenseurs du droit, demandaient 200.000 francs.
Le procès de ce monstrueux assassinat d'un militant de 22 ans, qui pendant trois ans a sauvé de la déportation des dizaines de travailleurs, procès contre lequel complotent les chefs staliniens et que la justice bourgeoise s'est empressée de classer, est la première riposte sérieuse, le premier acte contre les calomnies et les crimes staliniens vis-à-vis des révolutionnaires prolétariens.
Nous demandons donc à toutes les organisations et à toutes les personnalités qui sympathisent avec le mouvement ouvrier, de constituer un "Comité pour le procès BUCHOLZ" en vue de briser les obstacles suscités par les chefs staliniens et par la justice capitaliste. Nous fournirons aux organisations et aux personnalités désireuses de participer à ce Comité, tous les documents et tous les détails concernant cette affaire.
C'est ainsi que nous pourrons montrer aux travailleurs, par des documents authentiques, par des témoignages irréfutables, CE QUE SONT LES TROTSKYSTES ET AU SERVICE DE QUI ILS SONT.
Nous demandons à tous ceux pour qui la lutte pour le socialisme n'est pas un vain mot de se mettre d'urgence en rapport avec nous pour envisager l'action à mener.
Nous reproduisons dans ce numéro un article sur Jean Jaurès datant de 1944, parce que, écrit par Mathieu Bucholz six semaines avant son assassinat, il contient l'explication de son propre meurtre.
"Jaurès, écrivait Mathieu, entendit en juillet 1914 rester fidèle "au traité qui le liait à la race humaine" et décida de continuer sa campagne contre la guerre en dépit des menaces de mort. ...Il était le seul pour qui le socialisme fut autre chose que des phrases et qui n'entendait pas le trahir ; c'est pourquoi il fut assassiné".
C'était en effet ce sentiment de solidarité avec toutes les victimes des repus de ce monde qui dominait profondément toute la personnalité de Mathieu, et le maintenait dans une activité militante infatigable. Entré dans notre groupe à l'âge de 19 ans, fin 1941, c'est à lui que notre organisation doit son premier développement.
C'est lui qui a organisé notre service de sabotage du S.T.O. qui servit sous l'occupation à de nombreux travailleurs. Ce fut lui le recruteur et l'éducateur de nos premiers cadres.
Mais ce qu'il avait de plus précieux, ses qualités de penseur, d'écrivain révolutionnaire, qui se révèlent dans son premier article, et que nous commençâmes à apprécier plusieurs mois avant le crime, il ne lui fut pas donné de les utiliser au service du socialisme.
Les criminels qui l'ont supprimé ont fait plus que nous enlever à nous notre meilleur camarade. Ils ont enlevé une tête à la classe ouvrière, une tête de talent, et les talents, faisait remarquer Lénine, ne surgissent pas par centaines.
Il a écrit aussi (Lutte de Classes nº 35) "Liberté, pour qui ?"
Il était un exemple vivant de la transformation complète dans les habitudes d'un jeune, qui devint tout courage et volonté par les effets d'une pensée riche et généreuse.
Il avait un mépris organique pour l'arrivisme, et bien que fréquentant les milieux les plus opposés, les travailleurs qui l'ont approché n'ont jamais soupçonné avoir à faire à un "étudiant". Car il avait "renoncé" (avec joie) à toute idée de carrière, pour se consacrer exclusivement à l'immense tâche de la révolution mondiale.
Il avait surtout compris que le véritable héroïsme consistait non seulement dans le sacrifice final de la vie au service de la cause, mais dans l'effort quotidien pour la lutte opiniâtre que nécessite le renversement de la bourgeoisie. Son comportement était celui que Lénine dépeint ainsi : "Cent fois mérite le nom de héros celui qui aime mieux mourir dans la lutte déclarée avec les défenseurs et les gardiens de ce régime ignoble, que s'éteindre de la mort lente d'une rosse abrutie, épuisée et servile".
"Les chefs staliniens, écrivions-nous le 30 janvier 1945, utilisent dans la lutte contre le trotskisme, c'est-à-dire contre le communisme, toutes les méthodes, qui commencent par la calomnie et finissent par le crime. Et pourtant les chefs de l'union sacrée n'arrêteront pas pour cela leur chute. Maintenant que la roue de l'Histoire tourne autrement, maintenant que la conscience révolutionnaire des militants honnêtes et des masses se développe à un rythme accéléré, ces méthodes ne feront que précipiter leur chute."
Aujourd'hui cette prévision devient une réalité. Tandis que dans le P.C.F. se préparent des convulsions qu'annonce le départ de nombreux militants, et tandis que les travailleurs du rang heurtent de front ce parti condamné, la roue de l'Histoire tourne pour le trotskisme ! C'est à nous de savoir être à la hauteur de la situation, comme l'était pour notre organisation et pour tous ceux qui l'ont connu, ce jeune plein de dévouement et d'intelligence que fut Mathieu Bucholz et dont le lumineux souvenir brillera dans nos curs aussi longtemps que nous vivrons.
Pour chaque militant qui tombe, dix se lèvent pour mener à bien la plus grande entreprise humaine de tous les temps : la révolution socialiste mondiale. Et c'est ainsi que nous forgeons la victoire des opprimés et exploités sur leurs oppresseurs, la victoire des Mathieu sur leurs hideux assassins.
reproduction de l'article de Mathieu Bucholz paru dans La Lutte de Classes Nº 34 . 4 août 1944
La déclaration du ministre américain Byrnes au sujet de l'indépendance et de l'unification de l'Allemagne a soi-disant surpris les dirigeants français. L'unanimité s'est faite, des journaux de gauche à ceux d'extrême-droite, pour feindre l'indignation et la surprise de voir, une année après la défaite de l'Allemagne, les trois Grands se prononcer "contre la France" et "pour l'Allemagne".
Nous disons qu'il s'agit là d'une surprise feinte, car bien avant la fin du conflit, aucun des dirigeants capitalistes français ne pouvait avoir d'illusions sur la place qu'occuperait la France ruinée et appauvrie vis-à-vis des vainqueurs impérialistes de la guerre.
"Le pays appauvri, ruiné, saigné par cinq années de guerre aura une place non pas en raison des sacrifices apportés à la cause alliée, mais "suivant le rapport de forces"... comme cela se passe entre brigands pour partager le butin" – telle était la réalité que nous opposions à la propagande impérialiste alliée bien avant la fin du conflit (Lutte de Classes nº36, septembre 44).
En réalité, le discours de M. Byrnes, s'il met fin aux illusions entretenues volontairement par la presse au service de la bourgeoisie française, est dicté par la nécessité de regroupement des puissances impérialistes : le relèvement de l'Allemagne après sa défaite, et son intégration dans le camp "occidental" font partie du plan des Etats-Unis pour atteindre ses buts de guerre.
Quels sont ces buts ? Ils ne sont pas et n'ont jamais été de "vaincre le fascisme". La guerre menée par les Alliés, écrivions-nous en février 1943 (Lutte de Classes nº9), "ne vise à vaincre les puissances de l'Axe que pour établir leur propre domination sur le monde et leur propre barrage devant l'U.R.S.S., faute de mieux, c'est-à-dire le rétablissement du capitalisme en U.R.S.S. et l'exploitation coloniale de la Chine". C'est pour atteindre ces derniers objectifs que les impérialistes "démocrates" préparent la nouvelle étape de la guerre impérialiste. Et c'est la préparation de ce nouveau conflit qui détermine la course aux armements, les occupations militaires maintenues telles qu'elles se trouvaient au moment de l'effondrement de l'Axe, les rivalités territoriales et le relèvement même des puissances vaincues. Chacun des anciens "Alliés", adversaires aujourd'hui, doit s'assurer le maximum de ressources et de points d'appui, en empêchant l'adversaire de les acquérir, et c'est ce qui détermine leur politique à l'égard de l'Allemagne.
L'impérialisme américain cherche à s'en servir comme moyen futur de guerre contre l'U.R.S.S., et la Russie contre le bloc anglo-saxon. Dans une telle orientation, l'Allemagne capitaliste, avec sa population et ses possibilités industrielles, avec le contrôle facile qu'y exerce l'impérialisme vainqueur, est évidemment en meilleure posture que la France capitaliste. C'est donc dans le cadre de la guerre impérialiste de brigandage que l'Allemagne capitaliste se relève, et ceux qui feignent à ce sujet la surprise ne le font que pour duper les peuples, car ce relèvement était dans l'ordre inévitable des choses (voir Lutte de Classes, nº44).
Alors que le sous-secrétaire d'Etat américain à la Guerre vient de déclarer : "Nos arsenaux sont en train de stocker armes, munitions et matériel de toutes sortes, de façon à être en mesure, d'ici peu, de soutenir une autre guerre", les Staliniens s'accrochent aux déclarations du fils de Roosevelt, ou au discours de Wallace sur la nécessité de la paix avec l'U.R.S.S. Il leur semble avoir là le moyen de masquer leurs propres responsabilités dans la situation actuelle, à laquelle ils ont contribué par leur soutien aux "Alliés démocratiques" : l'état de guerre dont les peuples ne sortent pas, les manuvres en vue du prochain conflit, ils les attribuent non pas à la bourgeoisie américaine, mais aux "cercles réactionnaires" qui "essaient" de faire prévaloir une politique guerrière.
Mais les Staliniens veulent nous faire voir des divergences là où il n'y a que division du travail. Quand Wallace dit : "La guerre avec l'U.R.S.S. est une folie criminelle", Truman se déclare d'accord, mais ajoute que cela ne change rien à la politique de Byrnes (c'est-à-dire : l'étalage de force, la course aux armements, les budgets de guerre monstrueux, la mobilisation permanente, les occupations militaires, etc...). Et quand cette politique réelle de l'Amérique impérialiste, des cercles militaires, des fabricants de canons, déclenchera la guerre, un Wallace, pour pousser les ouvriers au carnage, viendra leur dire : "La guerre, nous ne l'avons pas voulue, j'avais bien dit que c'était une folie criminelle ; mais j'expliquai aussi que la Russie devait nous ouvrir les marchés de l'Europe orientale et ne pas se mêler des affaires de Chine ; or, la Russie ne nous a pas écoutés, c'est elle le fauteur de guerre, nous devons maintenant nous défendre jusqu'au bout, etc..."
Voilà la besogne des Staliniens : pour justifier leurs tromperies passées, ils aident les trompeurs actuels qui, tels les Wallace, ne font des discours "pacifiques" que pour camoufler la politique de guerre, afin d'endormir la conscience des travailleurs.
C'est une nouvelle dure leçon que les impérialistes infligent aux travailleurs ! Après avoir mené pendant des années les nations au massacre pour "abattre l'agresseur" et assurer la paix par "l'entente des trois Grands", les impérialistes vainqueurs s'allient, pour un nouveau règlement de compte, à "l'ennemi" d'hier, à tous les cercles capitalistes et réactionnaires capables d'enchaîner le peuple allemand pour un nouveau carnage.
Mais cette leçon, les travailleurs l'ont acquise trop chèrement pour ne pas en tirer les enseignements qu'elle comporte.
Quand les Byrnes voyaient dans les capitalistes allemands des concurrents dangereux, ils nous désignaient le peuple allemand comme un peuple de fascistes. Aujourd'hui qu'ils cherchent l'alliance de ces mêmes capitalistes, ils présentent ceux-ci comme convertibles à la "démocratie". Les ennemis et les alliés, les fascistes et les "démocrates", ils nous les désignent à leur guise et suivant leurs intérêts, toujours contre l'intérêt des peuples. Ne s'entendent-ils pas avec Franco, jugé "bon pour la paix" ?
La leçon que nous donnent les capitalistes, c'est que les travailleurs ne doivent pas se laisser mener par eux ; qu'ils doivent opposer la solidarité et l'alliance de tous les peuples contre leurs gouvernements capitalistes quels qu'ils soient. En s'alliant avec les capitalistes allemands, M. Byrnes nous rappelle que le prolétariat français n'aurait jamais dû abandonner la solidarité avec le prolétariat allemand écrasé par Hitler ; qu'il n'aurait pas dû oublier que la classe ouvrière allemande avait pendant des années versé son sang dans la lutte contre sa propre bourgeoisie, et que le devoir des travailleurs aurait été de déjouer les manuvres et les plans de la bourgeoisie alliée aussi bien que de la bourgeoisie allemande, en tendant la main aux travailleurs d'en face. Voilà la grande leçon que nous donnent messieurs les capitalistes, voilà la faute que nous n'avons pas su éviter et que nous payons aujourd'hui.
Si la guerre menace à nouveau de rebondir, la classe ouvrière ne doit cependant pas rester hypnotisée par l'immensité des préparatifs impérialistes et se laisser conduire à un nouveau carnage. Elle aussi a des alliés puissants. Et rien ne serait plus faux et plus fatal à notre sort que de croire à notre impuissance.
Les dirigeants capitalistes rencontrent partout sous leurs pas et dans leurs projets des obstacles et des difficultés immenses ; il suffirait de la volonté et de la conscience prolétariennes pour les transformer en défaites.
N'avons-nous pas des alliés puissants dans les grèves des Etats-Unis, dans les luttes que mènent les ouvriers en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Belgique, dans tous les pays d'Europe et d'Amérique ? L'impérialisme américain se heurte sur son sol même à son plus puissant ennemi, car la lutte du prolétariat menace de lui enlever la domination des ressources et des richesses du pays qu'il utilise dans des buts de rapine.
Le prolétariat a des alliés puissants dans les centaines de millions d'ouvriers et de paysans qui luttent contre l'impérialisme aux Indes, en Indochine, au Moyen-Orient, en Afrique. Il a des alliés aussi dans les classes travailleuses de Chine, du Japon, où la lutte ouvrière reprend aujourd'hui avec force.
Le prolétariat mondial et les peuples opprimés des colonies ont des forces immenses. Il faut seulement prendre conscience de ce fait, ne pas renouveler les fautes du passé, rejeter la politique de la bourgeoisie impérialiste sous toutes ses formes (occupation de territoires étrangers, répression aux colonies, etc.) et FORGER LA SOLIDARITE INTERNATIONALE DE TOUTES LES FORCES EN LUTTE CONTRE L'IMPERIALISME.
C'est à cette tâche immense que travaille la IVème Internationale : "Dresser irréductiblement les ouvriers et les peuples opprimés contre la bourgeoisie impérialiste, les enrôler dans une seule armée révolutionnaire internationale".
Si nous faisons pour notre propre cause ne fut-ce qu'une partie des sacrifices que l'impérialisme nous a infligés et complote de nous infliger encore, nous réussirons à surmonter tous les obstacles et à balayer la bourgeoisie impérialiste, fauteur de guerres.
Le fait que la révolution prolétarienne n'a pas renversé à temps le capitalisme – le maintien de ce régime qui a épuisé depuis longtemps ses possibilités de progrès – a rejeté la société actuelle, comme l'ont prédit les marxistes révolutionnaires, dans la barbarie.
La guerre et le fascisme ne sont que l'expression de ce fait.
Dans sa lutte contre la révolution prolétarienne, la plus grande victoire de la bourgeoisie pourrissante – qui préfère entraîner toute la civilisation avec elle plutôt que de céder la place – a été la corruption, l'embourgeoisement des chefs des partis ouvriers qui, en se bureaucratisant, se sont faits les chiens de garde du capital.
Devant l'autre serviteur du capital, le fascisme, pour défendre leurs privilèges, leurs postes, ils font de temps à autre figure de défenseurs des travailleurs et utilisent des phrases anti-capitalistes, révolutionnaires, socialistes.
Mais devant les militants qui expriment d'une façon authentique la volonté des travailleurs, les intérêts de la révolution socialiste mondiale, – dont dépend tout l'avenir de l'humanité –, leurs méthodes ne se distinguent en rien des méthodes de la bourgeoisie décadente concrétisées dans le fascisme : manque de démocratie, répression du mouvement ouvrier, calomnies, assassinats, etc... En Allemagne, Noske et Scheideman ont aidé à l'assassinat de Liebknecht et de Rosa Luxembourg. Staline a employé les mêmes méthodes vis-à-vis des révolutionnaires opposants : Klement, Reiss, Trotsky, Sedov, etc...
C'est ainsi que la lutte politique contre le fascisme et les partisans au service de la bourgeoisie impérialiste ou de la bureaucratie stalinienne (aussi conservatrice et pourrie que la première) est aussi une lutte contre la calomnie et le meurtre.
Car la bourgeoisie, tout en se servant des chefs ouvriers corrompus pour lutter contre le véritable mouvement ouvrier, essaie en même temps d'utiliser le dégoût que suscitent ces mêmes chefs parmi de larges couches travailleuses et petites bourgeoises, pour prétendre que ce sont là des méthodes "communistes" qu'elle-même réprouve, mais qu'elle serait soi-disant contrainte de subir. C'est ainsi qu'elle prépare habilement la voie pour un autre serviteur, le fascisme, quand les chefs ouvriers sont trop discrédités pour lui servir utilement. C'est pourquoi il est urgent de dévoiler cet aspect de la lutte bourgeoise contre la révolution prolétarienne, qui se cache derrière le masque du socialisme ou du communisme.
Toute l'histoire du mouvement ouvrier témoigne contre les méthodes staliniennes qui sont – comme celles du fascisme – celles de la bourgeoisie décadente. Les chefs staliniens, et en général les chefs ouvriers corrompus, ne sont pas un produit du mouvement ouvrier, mais le résultat de la corruption bourgeoise des chefs ouvriers.
Le mouvement ouvrier représente tout l'avenir progressif de l'humanité, et la nature même de ce but s'oppose radicalement aux méthodes employées par ses chefs corrompus. Parmi les travailleurs mêmes qui, politiquement, suivent, avec ou sans confiance, ces chefs, de telles méthodes ont suscité un dégoût insurmontable. La preuve en est qu'aujourd'hui, devant la réprobation des ouvriers, ils ont dû abandonner les procédés par lesquels ils essayaient de nous interdire l'accès des travailleurs : matraquage des vendeurs, etc...
Il faut donc aujourd'hui mener le combat plus loin et porter un dernier coup aux méthodes bourgeoises des chefs "ouvriers" : appuyés sur la classe ouvrière, nous devons interdire les calomnies et les assassinats systématiques, en les rendant impossibles.
C'est la tâche qu'entreprendront tous les travailleurs et tous les révolutionnaires qui ne veulent pas succomber sous la pourriture qu'engendre toujours plus la société bourgeoise. Car, si nous laissions faire, les chefs staliniens profiteraient des événements pour liquider en masse les révolutionnaires, comme ils l'ont fait en Grèce, comme ils le font actuellement en Indochine, où des dizaines et des dizaines de militants ont succombé et succombent sous leurs coups. Demain, ils ne manqueraient pas de le faire en France aussi, dans des circonstances semblables. Cette lutte, c'est pour le mouvement révolutionnaire une question de vie et de mort.
Le mécontentement grandit parmi les ouvriers que la "victoire" des 25% ne satisfait pas du tout. Aussi les responsables syndicaux s'émeuvent et lancent une campagne de recrutement qui a pour but non pas tellement de gagner de nouveaux éléments, mais de conserver les anciens. Il faut bien réparer les fuites que la politique capitularde de la direction syndicale provoque.
Pour commencer, on essaie le plus souvent de mettre comme collecteurs des anciens déportés politiques dont on espère que l'autorité personnelle en imposera aux syndiqués. Puis on mobilise tout l'appareil syndical pour faire rentrer les cotisations.
C'est ainsi que chez Hispano, les collecteurs ont été réunis deux fois alors qu'il n'y a pas d'assemblée générale là où d'ordinaire elles sont assez fréquentes.
Les ordres d'en haut sont qu'il faut profiter de la "victoire" des 25% pour faire rentrer les cotisations. Aussi le jour de la paye, les collecteurs se mettent "en batterie". Le malheur, c'est que dans cette boîte on ne sait encore rien sur ce que sera la rallonge.
Chez Renault également on lance un appel pressant aux syndiqués. L'Unité, organe de la section syndicale de la R.N.U.R., écrit dans son article leader, sous la plume d'Alfred Carn, sous le titre "Soyons unis pour de nouvelles conquêtes" : "Sans l'union de tous, il n'eût pas été possible à la C.G.T. d'obtenir aussi pleinement satisfaction dans la récente lutte pour les salaires."
Les ouvriers savent à quoi s'en tenir sur la "pleine satisfaction" accordée à leurs revendications.
Mais Carn termine son article : "Enfin, je ne puis conclure ce papier sans rappeler la nécessité pour tous de payer avec beaucoup de régularité et à temps leurs cotisations. De même que de se souvenir sans rechigner, ce qui est notre propre à tous, que le taux de la cotisation syndicale est d'une heure de salaire brut par mois.
"C'est là un souci d'organisation autant que de volonté de mettre à la disposition de notre union syndicale ce qu'il est convenu d'appeler communément : le nerf de la guerre.
"Le patronat ne lésine pas pour verser des subsides à son organisation.
"Pour son organisation de classe, le travailleur lui non plus ne doit pas hésiter. Profitez donc, camarades, des récentes augmentations de salaires, pour vous mettre à jour et rectifier le taux de votre cotisation si elle est au-dessous du barème."
Pour vaincre, il faut être uni. Etre uni, pour M. Carn, c'est payer sa cotisation. Par ailleurs, la section syndicale diffuse un tract par lequel elle annonce le résultat de la "bataille des salaires" : 22,5% et qui, en invitant les travailleurs à payer leurs cotisations, conclut par un bulletin d'adhésion.
Ainsi, pour les bonzes syndicaux, les 25%, qui ne sont même pas obtenus, sont un prétexte pour réclamer une fois de plus la confiance aveugle des ouvriers.
Car ce n'est pas seulement les 30 ou 40 francs par mois que la direction syndicale recherche, c'est une fois de plus l'approbation tacite des ouvriers à leur politique. Comme disait un collecteur : "Moi non plus, je ne suis pas d'accord avec les mots d'ordre actuels, mais je reste au syndicat, parce que sans cela, si au lieu de parler au nom de 20.000 ouvriers, les délégués ne parlent plus qu'au nom de 5.000, ils n'auront plus de poids auprès de la direction."
Mais c'est justement ce que ne veulent plus les ouvriers, qu'on parle en leur nom pour lancer les mots d'ordre : produire, salaire au rendement, etc C'est pourquoi, de plus en plus, ils refusent de prendre leur timbre.
Cette situation durera tant qu'à la tête des Syndicats resteront des gens au service du patronat. Cela ne peut étonner qu'eux-mêmes, mais non les ouvriers qui en ont par-dessus la tête.
Chez Renault, une réunion syndicale était prévue pour le mardi 10, dans le département 9. Mais les ouvriers venaient d'apprendre que l'augmentation des 25% se réduisait à 22,5% et le mécontentement était grand. Aussi, la réunion a-t-elle était remise au mardi suivant. On espérait, de cette manière, émousser la colère des ouvriers et on avait le temps de faire venir un bonze de la Fédération qui aurait ainsi plus de facilité pour noyer son auditoire sous un flot de verbiage. Dans les autres secteurs, on ne fit même pas d'assemblée. On avertit les ouvriers des résultats des pourparlers par tracts. Dans l'organe syndical, l'Unité, et dans les tracts spéciaux, ils ont présenté la chose comme une victoire. Mais, si c'est une victoire, pourquoi ne sont-ils pas venus l'annoncer de vive voix, dans une assemblée générale ? C'est, qu'en fait, ils savent à quoi s'en tenir. Ils espèrent ainsi noyer le poisson. Le mécontentement d'un ouvrier qui s'exprime devant un papier ne se voit pas. Mais ils savent combien il est dangereux pour eux de se trouver dans une salle où tous ont la possibilité de dire leur fait à ces singuliers représentants des intérêts des travailleurs.
Comment osent-ils se dire les représentants des travailleurs, quand, au mépris de toute démocratie, ils font leur petite cuisine avec le patronat sans même en avertir les ouvriers ; quand ils évitent, ensuite, de se retrouver en présence de leurs mandants pour leur rendre compte de leur action. Est-ce là ce qu'ils appellent la démocratie ? Non seulement ils agissent contre la volonté des ouvriers, mais pour se maintenir à leurs places, ils évitent de se retrouver en présence de ceux qu'ils trahissent.
Chez Hispano, par exemple, où des Assemblées ont lieu chaque quinzaine, subitement les réunions ont cessé. La tactique est générale.
Et les ouvriers, découragés, ne trouvent d'autre moyen d'exprimer leur mécontentement qu'en faisant des inscriptions dans les W.-C.
Les sociaux-traîtres savent que les travailleurs ne se paient plus de mots. Chaque fois qu'ils se trouvent en présence d'ouvriers décidés, il n'y a plus de place pour la démagogie et le bavardage. Tillon en a eu la preuve quand il s'est fait huer à Cherbourg par les ouvriers de l'Arsenal.
Nous ne pouvons nous contenter d'explications sur le papier. Il faut que ces gens viennent devant nous, dans des Assemblées générales, nous dire la façon dont ils nous ont vendus. Ils verront alors combien ils sont vomis par les travailleurs.
Un ouvrier me disait qu'il faudrait faire quelque chose, mais reculait devant l'immensité de la tâche.
Je lui explique qu'il n'y a pas d'autre solution que la lutte. Il est d'accord, mais "nous n'y arriverons jamais, parce que nous sommes trop bêtes".
– Ce n'est pas vrai que les ouvriers sont bêtes. Le sont-ils pour faire marcher les machines ? Mais s'ils sont assez intelligents pour produire et acquérir les connaissances suffisantes pour faire marcher la machine de production capitaliste, pourquoi ne le seraient-ils pas assez pour s'émanciper de l'exploitation capitaliste. Les ouvriers ne sont pas bêtes, mais ils sont ignorants, il faut qu'ils s'éduquent.
Là, il me répond que nous n'en avons pas assez dans le ventre, surtout nous en France.
– Toutes les traditions du prolétariat français ne démentent-elles pas ce que tu dis. Et 1830, 1848, la Commune et toutes les grèves, et tous les mouvements ouvriers jusqu'à 38.
– Nous sommes trop bêtes ! Et les ouvriers russes qui, sachant à peine lire, ont renversé le tsar !
Le manque de place nous oblige à remettre à la semaine prochaine l'article sur l'Échelle mobile et le Contrôle ouvrier.
Nous voulons essayer de faire paraître notre journal en hebdomadaire. Pour cela, il nous faut un fonds de cotisations extraordinaires de 10.000 francs par mois. Nous demandons à tous nos sympathisants de Paris et de province de faire l'impossible pour nous assurer cette somme. QUE CEUX QUI LE PEUVENT S'INSCRIVENT POUR UNE COTISATION MENSUELLE. Nous tenons à la disposition de nos correspondants des listes de souscription qu'ils voudront bien nous demander et faire circuler le plus largement possible. Nous demandons également à tous nos camarades D'INTENSIFIER AU MAXIMUM LE TRAVAIL D'ABONNEMENT, qui est une aide appréciable pour le développement de notre organisation. Nous remercions le groupe de sympathisants du Maine-et-Loire qui ont recueilli au mois d'août la somme de 3.100 francs et espérons qu'il leur sera possible de continuer cet effort. Tous les mois, il sera publié la liste des sommes souscrites.