1940 |
Tract : "L'OUVRIER" Nº Spécial |
LE LIVRE JAUNE SUR LES ORIGINES DE LA GUERRE
Pour masquer sa domination, son oppression, ses brigandages, la bourgeoisie française couvre la réalité d'images destinées à tromper les masses.
Tout opprimé sait ce qu'il en est de la liberté, de la fraternité, de l'égalité qu'exaltent les classes dirigeantes de ce pays. On libère les cagoulards, on emprisonne par milliers les ouvriers, mais les journaux à solde continuent de parler d'une guerre contre "l'oppression". Les impôts écrasent les pauvres, les riches font des super-bénéfices de guerre, mais M. Reynaud loue l'esprit d'abnégation des "Français". La bourgeoisie essaie aussi de cacher derrière le croque-mitaine de l'agresseur les véritables causes de la guerre. Les laquais des capitalistes tendent tous leurs efforts vers ce but. Le livre jaune fait partie de la nécessité d'une lutte jusqu'au bout pour la "défense de la patrie" et du "droit international" (défense des petits peuples).
Une fois pris dans le dédale des argumentations diplomatiques du gouvernement capitaliste, l'ouvrier, le paysan, le pauvre est perdu. Car incontestablement Hitler est "l'agresseur". Et, s'il ne l'était pas, on trouverait encore le moyen de le prouver puisque la censure de l'état de siège dirigée contre les organisations ouvrières empêche les masses de faire aucun contrôle. Mais le fait de savoir "qui a commencé" intéresse peu les exploités. Les ouvriers en grève doivent-ils faire cause commune avec leur patron parce que celui-ci leur prouvera que son concurrent l'industriel X est en train de lui rafler une bonne affaire ? Les ouvriers poursuivront la lutte jusqu'à gain de cause : de leur cause. Voilà sur quoi le "livre jaune" est complètement muet. La question essentielle pour les exploités reste : quel que soit celui qui a commencé, le peuple a-t-il intérêt à soutenir cette guerre ?
Les scribes des feuilles bourgeoises posent cette question comme s'il s'agissait de savoir ce qu'on fera de "la victoire". Cela, nous le savons très bien. La victoire qui a coûté en 14-18, 13 millions de vies humaines, a été ce que la guerre elle-même a été : une victoire impérialiste et la "paix" une paix impérialiste. La guerre présente est-elle une guerre impérialiste ? De la réponse à cette question dépend le soutien ou le rejet par les masses du conflit actuel.
On essaie de présenter cette guerre comme une guerre pour la défense des petits peuples ou peuples agressés. Quelle dérision ! Nous n'avons pas entendu "parler" d'aider l'héroïque peuple albanais, l'Abyssinie membre de la S.D.N., la Chine membre de la S.D.N. Cela viendra sans doute si l'Italie et le Japon entrent dans le camp impérialiste adverse.
Mais l'impérialisme anglo-français qui opprime l'Inde, l'Irlande, le Maroc, l'Algérie, l'Indochine, les peuples arabes, noirs, jaunes sur tous les continents ? La défense des petits peuples doit principalement s'appliquer contre l'impérialisme anglo-français.
La guerre actuelle comme la dernière est une guerre impérialiste. Les déclarations officielles sur "le désir de paix" se réduisent simplement à ceci : l'Allemagne n'a plus de colonies ; celles-ci sont entre les mains des monopolisateurs anglo-français. Sous une apparence de désintéressement, ce n'est en réalité qu'une lutte pour la conservation des pillages antérieurs. On comprend bien que le groupe anglo-français ne faisant que conserver, ne peut pas être "agresseur". Mais la lutte pour conserver son droit au pillage reste une lutte réactionnaire...
" La propriété privée basée sur le travail du petit patron, la libre concurrence, la démocratie, tous ces mots-d'ordre dont les capitalistes et leur presse se servent pour tromper les ouvriers et les paysans sont restés bien loin en arrière. Le capitalisme s'est transformé en un système universel d'oppression coloniale et d'étranglement financier de l'énorme majorité de la population du globe par une poignée de pays "avancés". Et le partage de ce butin a lieu entre deux ou trois rapaces universellement puissants, armés de pied en cap, qui entraînent dans leur guerre pour le partage de leur butin toute la terre ! " (Lénine, "l'Impérialisme").
" On ne saurait concevoir, en régime capitaliste, d'autres bases pour le partage d'influence, des intérêts, des colonies, etc... que la force des participants au partage, car il ne peut y avoir en régime capitaliste de développement égal des entreprises, des trusts, des branches d'industrie, des pays. L'Allemagne était, il y a un demi-siècle, une misérable nullité, si on compare sa force capitaliste à celle de l'Angleterre d'alors ; il en était de même du Japon comparativement à la Russie. Est-il "admissible" de supposer que dans une vingtaine d'années le rapport de forces entre les puissances impérialistes reste inchangé ? Chose absolument inadmissible. Aussi les alliances inter-impérialistes... ne sont-elles que des trêves entre les guerres. Les alliances pacifiques préparent la guerre et surgissent à leur tour de la guerre... sur une seule et même base, celle des liens et rapports impérialistes entre l'économie et la politique mondiale. " (Lénine, 1918).
Ces quelques lignes expliquent non seulement Munich, mais aussi ce que pourrait être un nouveau compromis, "une paix juste" : une trêve entre ce conflit et le prochain. Il ne reste aux masses qu'un seul moyen pour en finir avec la guerre : la révolution prolétarienne, le renversement du capitalisme qui l'engendre, LA TRANSFORMATION DE LA GUERRE IMPERIALISTE EN GUERRE CIVILE !
Une autre raison invoquée pour cette guerre, c'est la soi-disant "communauté nationale". Mais sous le couvert de la phraséologie, la bourgeoisie profite de la guerre pour serrer impitoyablement la vis, et fait retomber sur les classes pauvres tout le poids de la guerre (prélèvements, heures supplémentaires, impôts, vie chère, chasse à l'étranger). Elle impose aux masses coincées entre deux dangers, "la grande pénitence", leur revanche sur juin 1936. La défense nationale c'est le droit pour la bourgeoisie d'exploiter les masses. La lutte "contre Hitler" (contre la concurrence capitaliste allemande) importe moins à la bourgeoisie, que la sauvegarde de son "droit" d'exploitation illimité du prolétariat. Les ouvriers sauront tirer pour eux la conclusion suivante : pour pouvoir nous défendre contre Hitler (impérialisme allemand) nous devons d'abord en finir avec nos propres exploiteurs, les capitalistes français. Une fois la classe ouvrière maître des usines, le paysan de son champ, nous pourrons vraiment abattre Hitler en aidant nos frères travailleurs d'Allemagne à s'émanciper à leur tour. Toute autre voie serait pour nous une duperie. L'union avec nos propres exploiteurs ne nous épargne pas ce que Hitler nous réserve. Ne vaut-il mille fois mieux fraterniser avec nos frères exploités d'Allemagne, au lieu de nous entre-égorger pour le profit des capitalistes internationaux ? Tout compte fait, rester fidèles au vieux mot-d'ordre : PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS UNISSEZ-VOUS !
Ainsi parviendrons nous aux ETATS-UNIS SOCIALISTES d'Europe et du monde – la paix sans l'oppression.
"La crise actuelle de la civilisation mondiale est la crise de la direction prolétarienne. Les ouvriers avancés réunis autour de la IVème Internationale montrent à leur classe la voie pour sortir de la crise. Ils lui proposent un programme fondé sur l'expression internationale de la lutte émancipatrice du prolétariat et de tous les opprimés en général. Ils lui proposent un drapeau sans tâche aucune".
(Programme de la IVème Internationale, Septembre 1938)