1932

Un texte du journal des militants de l’opposition de gauche emprisonnés dans l’isolateur de Verkhnéouralsk (1932). Texte publié en juillet 2020 sur le site de "Convergences Révolutionnaires". Une autre traduction en avait déjà été publiée en mai 2020, en annexe de la nouvelle traduction de Cours nouveau aux éditions Les Bons Caractères.


Prisonniers b-l dans l'isolateur de Verkhnéouralsk

La crise de la révolution et les tâches du prolétariat
Première partie : la ligne stratégique de la révolution prolétarienne

1932


Sommaire
Introduction


Introduction

Durant la révolution [dans l’original : le coup d’État] d’octobre, la révolution démocratique était étroitement liée au premier stade de la révolution socialiste.

Le programme, élaboré par Lénine pendant le 8e congrès du Parti bolchévique, examine la révolution d’octobre comme une première étape de la révolution mondiale dont elle ne peut être séparée. Le principe même de la révolution permanente a trouvé son expression dans cette disposition de notre programme : « le plus grand problème historique de la révolution russe est la nécessité de résoudre les tâches internationales… en réalisant le passage de la révolution étroitement nationale à la révolution mondiale » ; cette caractérisation par Lénine des tâches de notre révolution a été justifiée intégralement par toutes les étapes suivantes de son développement. Toutes les difficultés et les contradictions principales de notre révolution reposent sur les contradictions entre le caractère international de la révolution et le caractère national de la construction socialiste dans le pays. Voilà pourquoi Lénine répétait inlassablement que « notre salut face à toutes ces difficultés réside dans la révolution européenne », et que « nous sommes loin d’arriver même à la fin de la période transitoire du capitalisme au socialisme. Nous ne nous berçons pas d’espoirs sur le fait que nous pourrions y réussir sans l’aide du prolétariat international » (Lénine). La ligne stratégique du marxisme-bolchévisme est définie par ces positions de Lénine : elles forment la base de la théorie de la révolution permanente. La théorie du socialisme dans un seul pays s’oppose à elle, donne un éclairage national à la révolution effectuée et la détache de la révolution internationale ; elle apparaît comme la base stratégique du socialisme national.

Chapitre un : La théorie de la révolution permanente et les problèmes de la construction du socialisme en URSS

1) Le point de départ principal de la théorie de la révolution permanente s’exprime dans les mots suivants de Lénine : « Du moment que la grande industrie à l’échelle mondiale existe, il est incontestable que l’on peut passer directement au socialisme ; et personne ne démentira ce fait. »

Cela écarte la question de la maturité ou non de pays particuliers pour le socialisme. Pour le passage victorieux à la révolution socialiste dans n’importe quel pays techniquement attardé et agricole, il est seulement nécessaire que, du fait de son rôle social et historique, le prolétariat de ce pays soit en capacité de se mettre à la tête de la révolution démocratique nationale et de renverser le pouvoir de la bourgeoisie. Mais cette position initiale implique que la révolution prolétarienne victorieuse en Russie n’est, dans le cadre de la situation internationale, qu’un maillon de la chaîne internationale. Dans la situation actuelle de l’économie mondiale, nous n’existons dans la chaîne des États capitalistes que comme un maillon de l’économie mondiale et, par conséquent, tirer « un juste bilan d’une révolution prolétarienne n’est possible qu’en se plaçant d’un point de vue international » (Lénine).

2) L’équilibre dynamique de l’économie soviétique ne doit pas être examiné comme l’équilibre d’une économie fermée et autonome. L’économie de l’URSS se développe sous la pression de l’économie mondiale ; elle est entrée dans le système de la division internationale du travail et représente une partie très originale, mais néanmoins partie prenante, du marché mondial « auquel nous sommes subordonnés et dont on ne peut se détacher » (Lénine). À l’intérieur [du pays], l’équilibre économique est maintenu par les effets de l’export et de l’import. Plus l’économie soviétique s’implique dans le système international de la division du travail, plus des éléments de l’économie soviétique, comme les prix et la qualité, tombent aussitôt directement sous la dépendance des éléments correspondants du marché mondial. En même temps, l’économie soviétique se trouve en lutte incessante avec le système capitaliste mondial, tout en gardant nécessairement des liens [mot illisible] avec le marché mondial, ce qui aggrave cette lutte. Dans ces conditions, la force de notre opposition à la pression économique, militaire et politique du capital mondial est déterminée par le rythme de notre développement économique. Mais nous ne sommes pas libres dans le choix des tempos. Ce rythme est déterminé d’un côté par les conditions matérielles de notre appareil [le mot qui précède est illisible dans le manuscrit, mais il semble possible de faire l’interprétation proposée] productif, d’un autre côté par la nécessité, en dernier ressort, de rattraper et dépasser les pays capitalistes développés, car notre plateforme proclame :« en cas de lutte longue entre les systèmes hostiles, le capitalisme et le socialisme, l’issue est déterminée en dernier ressort par le ratio de la productivité qui, dans les conditions du marché, se mesure par le ratio entre les prix intérieurs et les prix mondiaux » [2]. Nous ne saurons conserver un équilibre dynamique de toutes les parties constituantes de l’économie dans son ensemble, et en même temps accélérer de toutes les manières possibles notre propre développement, tout en assurant un avantage aux éléments socialistes sur les éléments capitalistes, que dans la mesure où, tout en nous appuyant sur les avantages de l’économie planifiée socialiste, nous utiliserons de façon pertinente les possibilités qui découlent des conditions de la division du travail à l’échelle mondiale.

3) Dans la mesure où il existe une économie mondiale connectée et une division du travail mondiale, aucun pays pris seul (même le plus développé) ne possède une grande industrie développée, mécanisée et polyvalente capable d’assurer la construction du socialisme dans un cadre national fermé (une telle industrie, assurant la construction du socialisme, existe seulement à l’échelle mondiale) ; tout cela implique que le prolétariat est condamné, dans l’intérêt de la hausse de la productivité du travail, et alors que les liens avec le commerce extérieur se renforcent, à permettre dans certaines limites le développement du capitalisme dans le pays (le marché intérieur, les concessions, les sociétés mixtes [parenthèse incomplète à cause d’un mot illisible qui pourrait être le mot sociétés qui a été introduit]). De là vient aussi la NEP, comme une telle forme de lien économique entre la grande industrie et la masse de petits producteurs agricoles isolés, qui nous est imposée par tout le système de l’économie mondiale moderne.

De cette façon il apparaît que « notre ordre social est basé seulement sur la lutte du socialisme et du capitalisme, mais dans certaines limites également sur leur coopération » (Trotski). Dans ces conditions, la tâche principale consiste à « diriger le développement inéluctable (dans une certaine mesure et durant un certain laps de temps) du capitalisme dans le cadre du capitalisme d’État …, d’assurer la transformation dans un futur proche du capitalisme d’État en socialisme…, de renforcer les relations régulées par l’État pour contrebalancer les relations anarchiques petites-bourgeoises » (Lénine), c’est-à-dire en d’autres termes de soumettre les éléments petits-bourgeois à la comptabilité et au contrôle de l’État, et préparer les conditions pour l’industrialisation et la collectivisation sur la base de l’électrification, car « s’il n’y a pas d’électrification, le retour au capitalisme est de toutes les façons inévitable » (Lénine).

4) Tous les processus principaux en URSS [bout de phrase illisible car bord de page déchiré. NdT] « tombent, dans une mesure ou une autre, sous l’action des lois qui dirigent le développement capitaliste, y compris le changement des conjonctures » (Trotski). Cela crée un entrelacement original des contradictions intérieures et extérieures avec des liens réciproques entre elles. Ces contradictions intérieures et extérieures sont inextricablement liées en un seul ensemble. Pour surmonter les premières, il est nécessaire de résoudre les secondes. L’impossibilité de construire une économie socialiste autonome reflète les contradictions intérieures et extérieures de la construction du socialisme dans toute leur ampleur, à chaque nouvelle étape avec une plus grande ampleur et de façon bien plus profonde. Ainsi, toutes les contradictions du développement de l’URSS mènent en dernier ressort à la contradiction entre un État ouvrier isolé et le monde capitaliste qui l’entoure. L’entière résolution de toutes ces contradictions n’est possible qu’en s’orientant vers la révolution mondiale.

5) La construction socialiste en URSS se fait sur la base d’une lutte de classes continue et âpre aux plans national et international. La révolution prolétarienne, à la différence de toutes les autres révolutions, tend non à la perpétuation de la domination d’une seule classe, mais à l’annihilation de toutes les classes. Représentant un processus ininterrompu, la révolution prolétarienne ne peut s’attarder à une étape formelle, ne permettant pas à la société de trouver son équilibre ; lorsqu’elle se trouve dans une phase de recul, elle doit préparer les éléments d’une nouvelle avancée, sur une base plus élevée que celle qui a été acquise à l’occasion de l’essor précédent. Toute l’évolution se déroule entièrement à travers des affrontements incessants des différents groupes de classes d’une société en cours de restructuration ; et la refonte des relations sociales se fait dans une lutte ininterrompue. « Tant qu’il reste des ouvriers et des paysans, le socialisme reste non réalisé ; une lutte intransigeante se déroule en pratique et à chaque pas » (Lénine). Cependant, les méthodes et les formes de cette lutte du prolétariat avec la paysannerie doivent être différentes de celles que le prolétariat a utilisées contre les capitalistes et les propriétaires terriens.

Elles prennent aussi en même temps la forme d’un « rapprochement » : un accord de ces classes sur la base de l’hégémonie du prolétariat. Cet accord s’obtient par des concessions, accordées aux paysans « dans la détermination des moyens de mise en place des changements socialistes » (programme du Parti communiste de l’Union) dans le cadre d’une politique d’abolition des classes et dans le but de renforcer le pouvoir du prolétariat. Pour prendre l’ascendant sur la paysannerie, « la dernière classe capitaliste », il ne s’agit pas d’emprunter la voie administrative [mots illisibles dans le manuscrit], avec des méthodes d’expropriation, mais la voie de l’influence [mot illisible] de la grande industrie sur l’agriculture. L’accord avec la paysannerie doit être l’une des mesures visant à l’abolition des classes, qui passe par la remise sur pieds de la grande industrie et son développement puissant et par la transformation sociale de la paysannerie elle-même. « Mais cette tâche (la complète liquidation de la contradiction entre la ville et la campagne), l’une des tâches principales du socialisme, exige à son tour l’utilisation des ressources de l’économie mondiale. » (Trotski, Les problèmes du développement de l’URSS) Accomplir cette tâche intégralement et jusqu’au bout n’est possible que dans le cadre de l’industrie mondiale, c’est-à-dire après la victoire des ouvriers des pays avancés. Avant cette victoire, « la principale question pour nous reste l’établissement juste de relations entre le prolétariat et la paysannerie, juste du point de vue de l’abolition des classes » (Lénine).

6) Dans la mesure où le régime capitaliste domine dans l’arène mondiale, des milliers de liens lient cette petite économie marchande au capitalisme mondial et celle-ci donne naissance chaque heure au capitalisme à une grande échelle. C’est pour cette raison que le développement de la lutte de classe à l’intérieur du pays est étroitement lié au déroulement général de la lutte de classe internationale qui le conditionne. La question : « qui prendra le dessus sur qui ? », même du seul point de vue des relations à l’intérieur du pays, ne dépend pas pour sa solution d’un ratio entre les économies privée et étatique en URSS. Elle dépend du ratio entre le capitalisme et le socialisme dans l’arène mondiale. Si le régime capitaliste était en capacité de tenir encore toute une époque, alors le capitalisme agraire entrainerait derrière lui, dans ces conditions, le paysan moyen, paralysant l’influence du prolétariat sur le village, créant un obstacle politique à la construction socialiste. Tout cela conduirait à une rupture des relations entre le prolétariat et la paysannerie, et rendrait inéluctable la chute de la dictature du prolétariat. C’est pour cette raison qu’en suivant le camarade Trotski nous affirmons que « la révolution prolétarienne ne peut tenir qu’un temps dans un cadre national… Dans un pays isolé, parallèlement à ses succès grandissent inéluctablement des contradictions, engendrées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Si cet isolement se prolongeait, la domination du prolétariat devrait périr, victime des contradictions qui l’assaillent. Son salut réside uniquement dans la victoire du prolétariat des pays avancés. Mais du point de vue des rapports de force sociaux entre les classes dans l’arène mondiale, il n’y a aucune raison d’estimer que la victoire du prolétariat des autres pays est l’affaire d’un futur lointain. Le renversement de la bourgeoisie mondiale dans une lutte révolutionnaire est une tâche beaucoup plus réaliste et immédiate que celle de rattraper et dépasser le niveau de l’économie capitaliste mondiale, sans franchir les frontières de l’URSS » (Trotski).

Seuls ceux qui estiment qu’à l’étape historique actuelle la chute de la dictature du prolétariat est inéluctable ou même extrêmement probable, « croient à l’immuabilité du capitalisme mondial ou à sa longévité. L’opposition de gauche n’a rien de commun avec un tel optimisme capitaliste » (Trotski). C’est pour cette raison que l’opposition léniniste n’estime pas objectivement inéluctable la rupture avec la paysannerie à l’étape historique actuelle. Au point où nous en sommes aujourd’hui, une telle rupture, et par conséquent la chute de la dictature du prolétariat à l’étape historique actuelle, ne peut être que le résultat d’une politique erronée de la direction.

7) En se rendant clairement compte que la dictature du prolétariat peut tenir dans un cadre national seulement un temps et que pour cette raison la tâche principale est la transformation de la dictature du prolétariat de nationale en internationale, l’opposition léniniste n’a jamais ignoré la nécessité de l’instauration d’un accord avec le paysan moyen, sans affaiblir une seule minute la lutte contre les koulaks et en s’appuyant fermement seulement sur les paysans pauvres. « La tâche intérieure se ramène à se renforcer par une politique de classe juste, par des rapports justes de la classe ouvrière avec la paysannerie et par un acheminement continuel dans la voie de la construction socialiste. Les ressources intérieures de l’URSS sont innombrables et rendent la chose tout à fait possible. En utilisant en même temps, dans ce but, le marché capitaliste mondial, nous lions nos futures destinées historiques au développement ultérieur de la révolution mondiale. » C’est ce qu’écrivait la plateforme en 1927.

Les étapes du développement de la révolution en URSS sont déterminées en dernier ressort par les zigzags du développement de la révolution mondiale, que l’opposition léniniste a toujours considérée comme un processus unique : « la soumission des intérêts de la lutte prolétarienne dans un seul pays aux intérêts de cette lutte à l’échelle mondiale »], tel est le slogan principal de Lénine, qui « détermine les tâches stratégiques du prolétariat socialiste de l’URSS » et qui est en même temps l’une des principales positions de la théorie de la révolution permanente.

Chapitre deux : Le socialisme national et la révolution prolétarienne

1) L’apparition d’une nouvelle variété de socialisme national en Russie a ses origines idéologiques dans le bolchévisme de droite de la période 1905-1917. Bien que ne partageant pas le point de vue des mencheviks sur la question de l’évaluation du rôle de la bourgeoisie dans la révolution démocratique, le bolchévisme de droite est fermement intervenu en même temps en 1905 contre la prise du pouvoir par le prolétariat et a limité notre révolution à des objectifs démocratiques bourgeois. Dans la période de février à mars 1917, tous ceux qui viennent d’être décrits sans exception, ont mené une lutte incessante contre Lénine. Et après l’arrivée de Lénine, Kamenev, Rykov, puis Zinoviev et les bolchéviks dits de droite, l’ont fait à leur tour. Ce faisant, ils glissaient définitivement sur les positions de l’aile gauche de la démocratie radicale petite-bourgeoise. Cela a obligé Lénine à poser même la question : « y a-t-il place pour le bolchévisme de droite dans notre parti ? »]. (Lénine, Recueil no 11)

2) Les successeurs idéologiques du bolchévisme de droite, en sus des droitiers actuels, sont les centristes staliniens. En Chine, en Inde, en Espagne et dans tous les pays coloniaux et sous-développés, et ces derniers temps au Japon aussi, le centrisme se bat contre la ligne stratégique axée sur la révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat, ligne qu’il considère comme méthode principale pour faire échouer les tâches de la révolution démocratique ; il prône le slogan devenu réactionnaire de la dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie, complété par la théorie et la pratique d’un parti regroupant deux classes [les ouvriers et les paysans – NdT] ; il détache la révolution démocratique dans les colonies de la révolution mondiale grandissante et considère la première du point de vue des positions de la révolution nationale, alors qu’elle est de fait en même temps un maillon de la chaîne internationale et ne représente pas un but en soi. Le centrisme stalinien dissout ainsi le prolétariat dans la petite bourgeoisie et le soumet à la bourgeoisie nationale.

3) La théorie du socialisme dans un seul pays a été également proclamée par les centristes en 1924, et elle est construite sur l’incompréhension de la contradiction entre le caractère international de la révolution prolétarienne et le caractère national de la construction du socialisme en URSS ; c’est la ligne stratégique du socialisme national. À la base de cette théorie, il y a la vision d’une paysannerie qui possèderait [mot illisible] des qualités socialistes [mot illisible], à savoir la volonté de « s’enraciner dans le socialisme » (indépendamment du sort du prolétariat des autres pays), et l’idée de surmonter les contradictions internes dans le pays de la dictature du prolétariat et de construire la société socialiste nationale, conformément à la théorie des socialistes nationaux. Ce dépassement est garanti par le fait même d’un accord avec la paysannerie. Le seul obstacle pour la construction du socialisme national, du point de vue de cette théorie, ne pourrait être que l’intervention [étrangère].

Par conséquent, si en 1905 les bolchéviks de droite n’acceptaient pas l’idée de la conquête du pouvoir par le prolétariat en Russie avant que cela ne se fasse en Europe occidentale, ils faisaient de même en 1917 la propagande pour la révolution démocratique en Russie, en soi et pour soi, et rejetaient l’idée de la dictature du prolétariat. Leurs successeurs idéologiques (la droite et le centre actuels) voient depuis 1924 la conquête du pouvoir par le prolétariat dans un cadre national, non comme un acte initial mais comme un acte final de la révolution : ils ont proclamé comme tout à fait possible la construction d’une société socialiste isolée en URSS, en soi et pour soi. La révolution mondiale a cessé d’être pour eux une condition indispensable de la victoire, mais est seulement devenue à leurs yeux une circonstance favorable.

4) Les principaux caractères du « socialisme national » moderne sont :

a) la limitation de la révolution au cadre national et la rupture avec l’internationalisme prolétarien qui exige au contraire « la soumission des intérêts de la lutte dans un pays aux intérêts de cette lutte à l’échelle mondiale » (Lénine) ;

b) la déconnexion des contradictions internes de celles de l’économie mondiale, et l’incompréhension du fait que les succès de la construction socialiste grandissent de concert avec ses contradictions ;

c) la négation de la position de Lénine selon laquelle nous « existons dans la chaîne des États capitalistes en qualité de maillon de l’économie mondiale » et en liaison avec cela ;

d) le cap mis sur l’indépendance à l’égard de l’économie mondiale et pour la création d’une économie nationale autonome, vivant en cercle fermé.

La rupture avec Lénine dans ces questions particulières a conduit à une révision complète du socialisme aussi bien sur les questions de l’évaluation des forces agissantes de la révolution nationale, que les centristes et la droite ont également cessé de considérer comme un maillon de la révolution mondiale, que pour ce qui est de l’appréciation du paysan moyen, qu’ils ont cessé de considérer comme « la dernière classe capitaliste du pays », contrairement à Lénine.

5) En plein accord avec la théorie du socialisme dans un seul pays, les tenants du « socialisme national » considèrent la NEP comme une étape historique qui, directement sur la base de la coopération avec la paysannerie, crée les conditions pour la construction complète d’une société socialiste dans un seul pays, indépendamment du sort du prolétariat dans les autres pays. Au début il y avait la coopération par la mise à disposition des exploitations agricoles des moyens d’approvisionnement domestique ; maintenant il y a la collectivisation complète et l’artel socialiste par la collectivisation du matériel agricole ; ces mesures sont déclarées comme des conditions suffisantes pour surmonter les contradictions internes et l’intégration de la paysannerie dans le socialisme. La tactique du « socialisme national » dans le cadre de la NEP est en contradiction profonde avec la ligne stratégique de la révolution prolétarienne. Elle est la conséquence de la ligne du « socialisme national », à savoir sa théorie du socialisme dans un seul pays. Pour Lénine, la NEP n’a toujours été qu’une étape sur le chemin de la révolution mondiale, seulement une adaptation au rythme de son développement. La tactique de Lénine relative à la NEP consistait, parallèlement à des actions lentes et prudentes, comme pour un siège, à préparer et ensuite prendre l’offensive à l’intérieur du pays. Lénine rappelait que « la forteresse du Port-Arthur international sera prise, parce que dans tous les pays mûrissent les forces qui l’abattront. » (Lénine).

Le passage à l’offensive n’implique pas en même temps l’abandon de la NEP et de ses méthodes ; mais il [le passage à l’offensive] change seulement les formes des relations avec la paysannerie, dans la mesure où ce passage signifie le renforcement de la lutte contre la bourgeoisie paysanne et la mise en œuvre de la collectivisation et des sovkhozes, dont le rythme de croissance est déterminé par le rôle idéal exercé par la grande industrie, le niveau technique et l’étendue de nos relations avec l’économie mondiale. Dans la mesure où les processus intérieurs économiques ont des répercussions politiques complexes, les principaux problèmes économiques de la NEP sont avant tout des problèmes politiques très complexes, de la résolution desquels dépend le sort de l’État ouvrier. Les « socialistes nationaux » ignorent ce contenu politique des problèmes de la NEP.

6) Le « socialisme national » en Russie, devenu l’arme de la réaction sociale et politique contre les tendances socialistes d’Octobre, a connu deux périodes dans son développement. Dans les conditions d’un équilibre relatif dans l’économie et la politique de notre pays, quand les principales contradictions de la révolution étaient encore « considérées » en leur qualité de soi-disant « période de reconstruction », le cours du « socialisme national » a trouvé son expression tactique dans la politique d’accord avec le koulak et dans l’adaptation du développement de l’économie d’État aux besoins de la bourgeoisie paysanne. La coopérative, comme forme organisationnelle pure, a été déclarée route principale pour atteindre le socialisme. La lutte contre la théorie de la révolution permanente et le « trotskysme » était l’étendard idéologique au nom duquel se faisait la mobilisation des éléments petit-bourgeois et se préparait la pression contre les conquêtes socialistes de la révolution d’Octobre. En opposant au point de vue de l’opposition, l’idée que le « paysan moyen » serait un atout principal de la politique du « socialisme national », ses tenants non seulement quittaient ainsi les positions prolétariennes mais allaient dans la pratique, à l’encontre de l’union du prolétariat avec le paysan moyen. La politique du « socialisme national » conduisait à saper objectivement, au nom des intérêts de l’union avec « le paysan moyen » (qui était en fait, pour les « socialistes nationaux », synonyme de koulak), l’hégémonie du prolétariat, alors que l’opposition léniniste soulignait inlassablement que l’union avec le paysan moyen est conditionnée par le fait de réduire cette période de transition et de renforcer l’hégémonie du prolétariat.

7) La deuxième période de développement du « socialisme national » commence au moment où le pays est sorti d’un équilibre relatif et que toutes les forces latentes, qui ont mûri dans la période précédente sous le couvert de la politique de droite, sont sorties de l’ombre et, mettant à nu les contradictions de la révolution nationale, ont révélé la banqueroute complète du cours droitier et centriste.

En étant dans l’incapacité de passer sur la ligne stratégique du prolétariat et de s’appuyer directement sur l’avant-garde prolétarienne, et à travers elle sur les larges couches des ouvriers et des paysans pauvres, sans oser en même temps opérer un tournant brusque à droite, de peur de l’opposition du prolétariat qui a commencé à se manifester en 1928, l’aile centriste du « socialisme national » a tenté « de s’adapter au prolétariat, sans désavouer cependant les bases de principe de sa politique et principalement le concept de son omnipotence » (Trotski). Cela a trouvé son expression dans la tentative de résoudre toutes les contradictions par une brève action d’éclat entreprise dans le cadre national, mais sur la voie de l’aventure ultragauche.

L’essence de cette aventure réside dans une politique d’industrialisation à des rythmes aventureux, dans la suppression de la NEP, dans la liquidation administrative des classes à la campagne et dans la collectivisation totale comme méthodes de construction de la société socialiste nationale en quatre ans. Cela a conduit à toute une politique économique au-dessus des ressources réelles et des relations de classes réelles.

Nous avons affaire dans ce cas à une politique à la base de laquelle se trouve toujours la même vieille théorie du socialisme dans un seul pays, dont on a passé la troisième vitesse ; c’est la mise sur le cap de l’abolition des classes dans le cadre d’une économie fermée nationale qui se suffirait à elle-même. En chassant toutes les contradictions du village actuel dans les kolkhozes, où elles se reproduisent sur une nouvelle base, en niant la différenciation dans les kolkhozes et en déclarant que les kolkhozes sont à priori des entreprises socialistes, le centrisme stalinien cache dans les kolkhozes les tendances capitalistes des fermiers et sacrifie les paysans pauvres et les ouvriers agricoles et leur exploitation au profit des kolkhoziens prospères.

Ayant perdu le soutien du koulak et n’en trouvant pas dans la classe ouvrière, le centrisme stalinien tente de se créer un soutien du côté du paysan moyen du kolkhoze qui, conformément aux décisions du 16e congrès, doit devenir « le soutien du pouvoir soviétique à la campagne ». Le paysan moyen devrait s’enraciner dans le socialisme sur la base de l’économie petite-bourgeoise, unifiée administrativement par la collectivisation du matériel agricole.

« Le forcing bureaucratique des rythmes d’industrialisation et de collectivisation, s’appuyant sur une position théorique fausse, signifie une accumulation insouciante des disproportions et des contradictions, en particulier en ce qui concerne les relations avec l’économie mondiale » (Trotski) d’un côté, et les relations entre la ville et la campagne de l’autre. Le résultat de toute la politique du centrisme est l’aggravation des relations entre l’État et le prolétariat, et entre le prolétariat et la paysannerie, parallèlement à l’élévation de la bureaucratie au-dessus des classes et à la croissance du mécontentement général.

8) La ligne stratégique du « socialisme national », vérifiée par l’expérience des événements, a montré son échec complet en mettant le pays de la dictature du prolétariat face à la menace de sa chute ; elle est en même temps un frein pour la révolution dans les pays sous-développés, coloniaux ; elle détruit et désorganise l’Internationale communiste, paralysant le mouvement communiste dans le monde entier : « L’opposition de gauche internationale rejette et condamne catégoriquement la théorie du socialisme dans un seul pays créée par les épigones [citation reconstituée grâce à l’original. NdT] en 1924, comme la pire des réactions contre le marxisme et comme le produit principal de l’idéologie thermidorienne ; la lutte irréconciliable avec le stalinisme (ou le socialisme national), qui a trouvé son expression dans le programme de l’Internationale communiste, est la condition nécessaire de la stratégie révolutionnaire juste aussi bien dans les questions de la lutte de classes internationale que dans le domaine des tâches économiques de l’URSS » (Trotski).

Chapitre trois : La crise actuelle de la révolution et les tâches stratégiques du prolétariat

1) À la base de toutes les turbulences du système soviétique, il y a les principales contradictions historiques suivantes, liées entre elles :

« a) l’héritage des contradictions capitalistes et précapitalistes de la vieille Russie bourgeoise tsariste, en premier lieu les contradictions entre la ville et la campagne ;

b) la contradiction entre l’arriération culturelle générale et les tâches de la transformation socialiste, qui ont surgi dialectiquement à partir de cette arriération ;

c) la contradiction entre l’État ouvrier et l’entourage capitaliste, en particulier entre le monopole du commerce extérieur et le marché mondial » (Trotski).

Toutes ces contradictions, qui en aucun cas ne sont de courte durée et épisodiques, se sont développées au cours des neuf dernières années dans les conditions créées par la politique erronée de la direction et par les défaites passées du prolétariat mondial, à partir de 1923.

L’arriération culturelle générale de notre pays, combinée à la domination de la petite production dans l’agriculture, a créé une contradiction profonde entre la base matérielle et la superstructure sociale et politique de la dictature du prolétariat. C’est sur cette base que la bureaucratie s’est développée, renforcée ; elle s’est entièrement révélée « comme une superstructure basée sur l’éparpillement et la démoralisation du petit producteur » (Lénine). De plus elle est d’une part due à l’absence de culture des grandes masses ouvrières, et d’autre part elle s’est développée comme un outil de lutte contre le prolétariat et contre les tendances socialistes de notre révolution de la part de l’ancienne couche des fonctionnaires d’État, qui représente les débris des classes évoluées précédemment dominantes, petites-bourgeoises, alors que les éléments de la direction bureaucratique du Parti communiste de l’Union, qui sont tombés dans une certaine mesure sous l’influence des éléments bourgeois de l’appareil d’État, ont pris de l’importance en profitant de la vague de réaction sociale et politique et du soutien de la direction du parti et du pays. En même temps, « la bureaucratie soviétique, qui représente un amalgame de la couche supérieure du prolétariat victorieux et de larges couches des classes déchues, incorporeront l’agence puissante du capital mondial » (Trotski).

La théorie du socialisme dans un seul pays va dans le sens des besoins sociaux de la bureaucratie soviétique, qui devient de plus en plus conservatrice dans ses aspirations à un régime national. Celle-ci a besoin de donner de la révolution réalisée une image définitive qui lui garantisse une situation privilégiée qui serait censée être suffisante pour la construction pacifique du socialisme.

Il y a un profond antagonisme entre les forces créatrices de la révolution et la bureaucratie. La politique erronée de la bureaucratie centriste, qui diverge des intérêts historiques de la classe ouvrière, est devenue par elle-même depuis longtemps l’une des principales sources de la croissance de la bureaucratie. En profitant d’un rapport de force défavorable au prolétariat, la bureaucratie centriste a décimé l’opposition léniniste du parti, a liquidé l’organisation de l’avant-garde du prolétariat en tant qu’organisation autonome. Elle a établi une oppression politique et économique, a liquidé les syndicats en qualité d’organes de défense des intérêts des ouvriers et comme école du communisme, a établi de façon plébiscitaire un régime bonapartiste dans le parti, les unions [professionnelles], les soviets, en renforçant ainsi les éléments de double pouvoir. La direction centriste a conduit le pays à une crise sociale et économique aigüe et à des secousses politiques profondes avec sa politique zigzagante entre l’opportunisme et l’aventurisme.

2) La sortie de la crise de la révolution, créée par neuf années de domination de la bureaucratie du parti et des soviets dans les conditions de la réaction sociale et politique, ne peut se faire que dans deux directions :

  1. soit la restauration bourgeoise par la force via un coup d’État contre-révolutionnaire ouvert ;
  2. soit par le complet rétablissement de la dictature prolétarienne via une réforme profonde du parti, des unions [professionnelles], des soviets. C’est la lutte pour cette deuxième voie qui constitue le fond politique de toute la lutte de l’opposition léniniste, en qualité de détachement russe de l’opposition de gauche internationale.

3) La tâche principale du prolétariat dans le domaine économique est d’opérer un repli planifié à partir des positions aventuristes dans l’industrie et l’agriculture. Ce repli doit poursuivre les buts suivants :

  1. la création de plans économiques qui tiennent compte de la réalité, garantissant la croissance permanente de l’économie sur la base d’un équilibre dynamique ;
  2. le rétablissement de la confiance des paysans à l’égard du prolétariat et de son État (rapprochement entre la paysannerie et le prolétariat) ;
  3. un tel regroupement des forces en ville et à la campagne, créerait les conditions pour une offensive future. C’est seulement par l’accomplissement de ces tâches que le prolétariat peut renforcer sa dictature et rester sur la voie du socialisme, en attendant la victoire du prolétariat d’autres pays.

4) Une retraite planifiée [celle que préconise l’opposition de gauche. NdT] par rapport aux positions aventuristes [celles de la direction stalinienne. NdT] suppose également une retraite dans la sphère des relations entre la ville et la campagne, vers les méthodes du marché, limitées par l’action stricte et croissante de la gestion planifiée. Mais une telle retraite vers les méthodes du marché ne résoudra pas encore les problèmes, ceux des relations avec le paysan moyen, dans le domaine politique. Du fait de la politique désastreuse de la direction, la confiance que la paysannerie accordait aux résultats du travail socialiste du prolétariat s’est dégradée. Le paysan moyen acceptera-t-il, après ce qu’a fait de lui la direction centriste ces dernières années, de conclure sur la base de la NEP un accord avec la classe ouvrière, ou bien le paysan moyen se contentera-t-il de « la restauration de la NEP » et exigera-t-il un renforcement de la NEP [une « NEP de la NEP » dans l’original. NdT] et des garanties politiques ? Il est impossible de le prévoir. C’est la pratique qui le montrera, l’expérience du repli lui-même. Et cela dépendra en premier lieu de la force, dans la lutte avec la contre-révolution bonapartiste, de la classe ouvrière elle-même qui s’emploiera à arracher à l’influence de celle-ci les masses moyennes et pauvres de la campagne.

En prenant sur soi l’initiative de la retraite par rapport à l’aventurisme, l’opposition léniniste répète une fois encore, en suivant Lénine, ses paroles qui doivent être prises comme fondement de nos relations avec la paysannerie : « nous déclarons honnêtement, sans aucun mensonge aux paysans : pour garder le cap vers le socialisme nous vous ferons, camarades paysans, toute une série de concessions, mais seulement dans certaines limites et dans une certaine mesure, et bien sûr, nous déciderons nous-mêmes des limites et de la mesure. Voilà comment se pose la question des relations entre le prolétariat et la paysannerie, c’est-à-dire soit la paysannerie doit aller avec nous pour un accord, et nous lui faisons des concessions économiques, soit c’est la lutte » (Lénine).

5) Sous la pression des contradictions et des difficultés, accentuées par la politique actuelle, la direction centriste sera obligée d’entamer une retraite spontanée à partir de ses positions aventuristes. Mais cette retraite, sous la domination centriste, déplacera inéluctablement toute la politique vers une « NEP politique », c’est-à-dire qu’elle transmettra l’initiative aux éléments thermidoriens et bonapartistes du Parti communiste de l’Union qui préparent dès à présent le plan d’un accord bonapartiste avec la paysannerie et le capital mondial.

Pour couper la route à une retraite qui irait dans la direction d’une « NEP politique », l’opposition léniniste mène une lutte intransigeante contre la fraction dirigeante du centrisme et met en avant un programme déterminé de revendications et de slogans, qui garantissent la sortie de la crise actuelle de la révolution sur une voie prolétarienne.

6) À présent, tout comme durant la période de la préparation de notre plateforme, « il existe dans le pays deux positions qui s’excluent mutuellement ; l’une est la position du prolétariat qui construit le socialisme, l’autre est celle de la bourgeoisie qui tente de ramener le développement sur une voie capitaliste ».

La fraction dirigeante du centrisme stalinien, hésitant entre ces deux positions [illisible] et faisant bloc avec les Béssédovski [3] « sur deux fronts », mais en pratique principalement contre l’opposition léniniste, conduit à ce que le rapport de force s’établisse au profit des forces thermidoriennes et bonapartistes.

L’opposition léniniste, par contre, est l’unique représentante de la position du prolétariat. Elle continue de défendre dans des conditions difficiles la ligne stratégique du marxisme-bolchévisme contre le « socialisme national », et chaque pas de notre révolution est observé du point de vue du développement de la révolution mondiale. Et son calcul historique principal est lié seulement au développement de cette révolution mondiale.


[1Dans l’original, l’expression est « national-socialisme », mais il semble préférable d’éviter cette expression, remplacée dans cette traduction par « socialisme national ». Remarque valable pour tout le texte. Dans le numéro 5 d’octobre 1929 du Bulletin de l’opposition (bolchevik-léniniste), le titre du premier article, rédigé par Trotski, est Contre le national-communisme ! Dans la première partie des Problèmes de développement de l’URSS, Trotski emploie l’expression national-socialisme dans le chapitre intitulé Les contradictions de la période de transition : l’URSS et l’économie mondiale (avril 1931) dans le même sens que les auteurs de cette brochure traduite.

[2Projet de plateforme des bolcheviks-léninistes (de l’opposition) pour le 15e congrès du PCR(b), intitulé La crise du parti et les voies pour en sortir. Tiré de la partie consacrée à L’URSS et l’économie capitaliste mondiale.

[3Grigori Zinoviévitch Bessédovski est né en janvier 1896 à Poltava (Ukraine) dans la famille d’une couturière et d’un employé de commerce, qui a acquis par la suite un magasin. Le père, qui avait eu des activités social-démocrates, continuait à prêter son appartement pour les activités du parti. Grigori a été fortement marqué par la révolution de 1905 et a suivi des études de commerce. Il est devenu membre en 1909 d’un cercle destiné à l’instruction, mais qui est vite devenu anarcho-communiste. Après le suicide de son père en 1911, il a gagné sa vie en donnant des leçons, mais a été arrêté une première fois pour ses activités. Pour éviter ce type de problème, il a gagné la France où il a repris ses études tout en fréquentant les anarchistes et les syndicats. Il est revenu dans l’empire peu avant le début de la Première Guerre mondiale et, tout en poursuivant ses études, il a fondé deux groupes anarchistes. La guerre l’a conduit à participer à des manifestations antimilitaristes. Après la chute de la monarchie, il est allé rejoindre brièvement le parti des Cadets. À l’automne 1917, il rejoint les socialistes-révolutionnaires de gauche tout en passant ses examens. En 1919, il passe chez les SR de gauche d’Ukraine. En 1920, il arrive à convaincre la cellule dont il est membre et secrétaire de fusionner avec le parti bolchévique après l’occupation de Poltava par l’Armée rouge. À partir de ce moment, il occupe des postes de responsabilité grandissante dans l’agriculture, puis la diplomatie ; il devient conseiller de la mission économique à Paris en 1927. Son intervention dans des pourparlers avec les Anglais a été mal reçue, et une enquête du NKVD sur son comportement à l’étranger et une affaire d’argent l’ont conduit à fuir l’ambassade le 3 octobre 1929 et à demander, et obtenir, l'asile politique en octobre 1929. Affirmant dans la presse blanche avoir été « au premier rang de la lutte contre “le trotskysme” », il s’empressa de faire aux services de sécurité occidentaux des « révélations » desservant l’URSS, sur fond d’un anticommunisme déclaré. D’autres affaires de ce genre ayant éclaté, Trotsky présenta souvent Bessedovsky comme le « prototype du bureaucrate désertant dans le camp capitaliste » et comme un révélateur de l’état de décomposition de la bureaucratie stalinienne. Il a été vu pour la dernière fois en octobre 1962.


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